Riku avait détaillé du regard, sans paraître impoli ou agressif, son interlocuteur. Ce dernier s’était présenté bien vite : Watanabe Dodo. Il l’avait déjà vu certes. Seulement, jamais ils ne s’étaient adressé la parole. Voilà qui était désormais corrigé. L’individu à la carrure honorable, indiquant qu’il était probablement un combattant respectable et probablement un vrai forgeron. Il en fallait de la carrure un minimum, ne serait-ce que pour avoir la force de marteler le marteau sur le fer posé sur l’enclume. Cela demandait bien des efforts, beaucoup de force, mais également, aussi curieux que cela puisse paraître, de la précision. Nous ne parlerons évidemment pas du savoir-faire.

_Kobayashi Riku… Avait répondu le forgeron. Il poursuivit : Bienvenue à vous dans mon humble atelier. Avait-il dit. Cet atelier lui avait été confié par les Shashutsuki. Ils voulaient le laisser développer son savoir-faire en vue de projets plus ambitieux. Depuis qu’il avait un minimum récupéré de ses blessures, Riku y passait quasiment ses journées. Depuis peu, il s’occupait ardemment de son arme. Au final voir quelqu’un lui rendre visite était en un sens quelque chose qui pourrait lui changer les idées, d’autant que les clients ne se bousculaient pas au portillon.

_ Toi aussi tu as été amoché hein ? Je ne t’ai pas toujours vu dans cet état je l’avoue… Tu étais au Kiosque ce jour-là ? Beaucoup de villageois y étaient, beaucoup avaient pu voir de près la violence des élus et leur supériorité sur le commun des mortels. Beaucoup d’élus en avaient payé le prix fort. A priori, Riku n’avait pas été le seul à morfler. L’élu qui lui faisait face se tenait debout grâce à une béquille.

_ Je comprends ton manque… Je suis moi-même en train de rattraper mes envies de forger quelque chose. Trop longtemps elles ont été refoulées. J’étais incapable de faire quoi que ce soit lié à la forge pendant un bout de temps. Reconnut Riku avec amertume. Cela dit, depuis lors, il avait reprit son travail. Le bruit de la forge, ses gestes répétés, presque mécaniques, son rituel, l’odeur même du souffre, la chaleur du feu… Tout cela lui avait manqué. Il comprenait parfaitement Dodo…

_ Tu peux venir ici aussi souvent que tu veux. Prends une chaise. Fit le Kobayashi à l’encontre de celui qui était désormais son invité. Il alla lui-même tirer une chaise et la plaça devant l’élu. A lui de trouver l’endroit où il voulait la poser et même de s’asseoir s’il en avait envie.

_ Une commande ? Quoi donc ? Avait demandé le Kobayashi intrigué. Il n’avait pas beaucoup de commandes actuellement, rien d’important. Il démarrait tout juste en réalité et il n’avait eu jusqu’ici que de menues commandes basiques provenant des civils. Si on lui demandait quelque chose de compliqué, ce serait un beau challenge pour lui.

Le Kobayashi demeura intrigué par la première réponse servie par son interlocuteur. Alors que tous deux étaient au Kiosque, ce jour-là où tout s’est passé de travers, Dodo avait affirmé avoir été piégé au sommet de l’arbre de cristal. Riku n’avait pas suivi ce qui s’était passé à ce moment-là puisque trop occupé ailleurs entre les enfants qui l’accompagnaient et son intervention ratée auprès d’un des agresseurs. Cela dit, il avait entendu des rumeurs alors qu’il était encore en convalescence. Il avait entendu dire qu’un arbre de cristal avait été comme invoqué, sinon produit par un élu. Dans d’autres versions l’auteur de cet arbre n’était autre qu’une femme. Riku ne savait plus où donner de la tête par rapport à ces versions différentes de la rumeur, toujours est-il qu’à sa sortie de l’hospice, il était allé faire un tour sur les lieux du « crime » et il avait vu l’arbre en question… Cet arbre suscitait en lui bien des interrogations.

_ Au sommet dis-tu ? Comment as-tu pu t’y retrouver ? Était-ce un piège d’un élu ? Il marqua une légère pause avant de poursuivre : On raconte qu’il a été invoqué par un élu. C’est vrai ? Avait demandé sans détours Riku à son interlocuteur. Ce dernier étant témoin oculaire des événements et même protagoniste, il était évident qu’il saurait apporter une réponse satisfaisante.

La discussion avait tourné autour des blessures subies lors de ce Jizen Ichi foireux. Dodo expliqua entre les lignes avoir été gravement blessé également. Il lui fallait beaucoup de repos. Il se permit de glisser un petit tacle amical au Kobayashi en lui soulignant le fait que lui n’était pas aussi solide que Riku. Ce dernier se gratta la nuque en souriant. Oui il est vrai qu’il était plutôt. Il le savait certes, mais il ne s’imaginait guère qu’il le serait au point d’encaisser un trait d’arbalète et d’y survivre. Il s’était montré solide au-delà de toute espérance. Par moments il lui arrivait de se demander ce qui l’avait maintenu en vie. Qui sait… Il se souvint cependant que malgré le fait qu’il soit remis sur pied, le chemin jusqu’à se guérison avait été long et intensément difficile.

_ Vu ta carrure, je ne suis pas sûr que tu sois aussi faible que tu le laisses entendre… Au fait qu’est-ce qui t’as laissé dans un état pareil ? Une chute de l’arbre ? Avait demandé Riku, pourtant il s’imaginait bien que la réponse ne serait pas celle qu’il avait laissé entendre.

Finalement Dodo parla de sa commande. Il souhaitait un objet spécifique, un objet aux attributs défensifs qui lui permettrait certainement de faire face plus convenablement à ce qu’il avait subi au Jizen Ichi. Riku fronça les sourcils. Pragmatique, il réfléchissait déjà aux matériaux nécessaire pour confectionner un bouclier résistant et facile à manier. Toujours dans l’optique de créer ce bouclier, il demanda quelques précisions à son interlocuteur :

_ Et tu le veux comment ce bouclier ? Je veux dire, quelle en sera la forme, le poids ? Pour les matériaux, j’imagine que ce sera du fer ? Il est difficile de trouver meilleur matériau, mais pas impossible. As-tu des motifs que tu aimerais voir sur l’armure ?

Tant de questions qui devaient amener Riku à produire quelque chose de spécifique se rapprochant du bon vouloir de son interlocuteur. Le Kobayashi avait déjà quelques idées en tête, mais il préférait d’abord questionner son client.

Dodo avait affirmé être monté de lui-même sur cet arbre de cristal bel et bien créé par un élu. Personne ne l’avait forcé, il avait pris ce risque seul, en son âme et conscience, des propres mots. Il semblait regretter son acte d’ailleurs. Le Watanabe ne s’attendait pas à devoir affronter de puissants combattants une fois là haut. Et pourtant, c’était bien ce qui était arrivé. Une erreur commise par Dodo, erreur qui visiblement lui avait coûté cher. Dans ce domaine, le Kobayashi en connaissait un bon rayon. Lui également s’était pointé devant un adversaire armé et avant qu’il n’ait eu le temps de parlementer avec celui-ci ou même de dégainer la moindre arme, il s’était fait sécher. Une attaque encaissée de plein fouet. Un trait d’arbalète qui en aurait tué plus d’un à sa place… Riku se caressa le ventre à cette idée.

_ Au final vous avez bien fait alors de risquer vos vies jusqu’au sommet de l’arbre… Il fallait bien que quelqu’un les arrête après tout… Avait répondu le Kobayashi. Il poursuivit : et il n’y a pas eu d’enquête suite à cet incident ? Aucune réaction officielle des autorités ? Avait questionné Riku. De son côté, il n’avait rien noté de notable. Juste des rumeurs, des on dit, rien qui ne provienne de source sûre.

_ On devrait travailler à répertorier les pouvoirs des élus histoire d’avoir les idées claires à ce sujet… C’était une idée que le Kobayashi venait d’exprimer à haute voix. C’était la première fois qu’il y pensait et à bien réfléchir, il ne savait absolument pas de quoi étaient capables les élus. Les autorités peut-être mais lui… Aucune idée. Entendre parler de cet arbre de cristal, de ces êtres qui manipulent des insectes… Tout ceci était bien curieux. Et lui… Il savait faire des nuages de poison et faire fondre le fer…

_ D’ailleurs quel est ton pouvoir toi ? Moi je ne sais pas trop, mais je sais que je contrôle plus ou moins l’acide en plus de divers nuages que je peux produire… Du poison… Oui… En tant que tel, sur le papier, RIku était dangereux. Mais ce n’était que sur le papier. La réalité était tout autre. Il était pour l’heure bien meilleur manieur d’arc et du Marteau d’armes que de ces pouvoirs qu’il venait d’évoquer. Cela dit, ces capacités étaient bien réelles. Bien des fois par le passé il les avait exprimées parfois par inadvertance au grand dam de ses proches.

_ Laisse-moi une semaine et je te ferai un super bouclier en fer. Ne t’inquiète pas pour les matériaux. Je saurais m’en procurer. Pour le prix, ce que tu me proposeras sera accepté sans soucis ! Avait dit le Kobayashi. En vérité, pour il ne savait quelle raison, le borgne lui paraissait sympathique. Peut-être qu’une amitié naissante venait de voir le jour. Inutile en ce cas de la gâcher pour des questions pécuniaires.

Un sourire, un hochement de tête et l’affaire était entendue.

[Ellipse de 7 jours]

Toute la semaine durant, Riku avait travaillé sans relâche sur la commande de Dodo. Il avait d’abord, la matinée du premier jour, été au marché afin de se procurer les intrants nécessaire à la fabrication du bouclier. Le bouclier était déjà présent dans son esprit, visible, il ne restait plus qu’à le matérialiser dans la réalité, lui donner forme et consistance. Le Kobayashi trouva auprès d’une tannerie, du bon cuir à bon prix. Ledit cuir devait être tanné et la forme devait être bien précise. Le Kobayashi avait passé commande en n’oubliant pas évidemment la sangle qui devait être fait de cuir également. Il avait convenu avec le tanneur qu’il récupérerait sa commande en fin de semaine. Un jour avant le jour fixé à Dodo.

L’après-midi de cette même journée devait servir à acheter du fer sur le marché également afin d’éviter d’être en rupture pendant son travail. Il détestait devoir arrêter son job pour courir après des matériaux. Ah ça. Ayant terminé son ravitaillement, Riku décida tout de suite de se mettre à l’œuvre.

Il s’était à nouveau déshabillé et comme à son habitude, s’était mis torse nu. Il ferma la porte de sa forge afin de ne pas être dérangé, laissant uniquement les fenêtres ouvertes pour laisser passer un minimum d’air et éventuellement recevoir des commandes de gens vraiment insistants.

Le forgeron se mit alors à alimenter la forge. Il y apposa le bois en quantité suffisante et après avoir allumé un feu, s’activa jusqu’à ce que les flammes soient maintenues à un niveau appréciable. Le fer déposé au-dessus du foyer commençait tout doucement à rougir sous l’action combinée des flammes. Utilisant la mouillette, Riku faisait de son mieux pour circonscrire la zone incandescente. Observant la couleur du métal, il attendait patiemment le bon moment. Lorsque le métal pris une couleur rouge cerise, Riku sut que son moment était arrivé.

Toute cette nuit durant, le forgeron frappa le fer. Tantôt en frappant à gauche, tantôt à droite, le forgeron martelait la masse afin de lui donner approximativement la forme voulue et la dimension voulue, puis il se focalisa sur cette pointe qu’il avait visualisé au beau milieu du bouclier. Pour ce faire, il martela le milieu du bouclier naissant en variant la position de l’objet de part et d’autre tout en laissant le fer sortir progressivement de l’amas de fer en poussant vers l’avant tel un nombril de ventre rassasié. Satisfait de cette pointe à la forme parfaite qui sortait du milieu du bouclier, le Kobayashi poursuivit son œuvre. Jusqu’au petit matin, il donna forme à l’objet. Sans relâche il travailla, ignorant la faim et la fatigue. Seule la motivation d’extirper de son esprit le bouclier qu’il avait en tête pour son homologue et lui donner forme le poussait à aller de l’avant. Il y parvint finalement en fin de journée posant alors le bouclier dans un coin de sa forge.

A ce stade, il ne restait guère plus que les finitions. Ayant mérité son repos, le Kobayashi vérifia que tout était en ordre. Il ferma alors l’atelier après avoir réduit le feu, laissant du fer nouveau dans la forge et dormit jusqu’au lendemain après avoir dîné.

Les jours suivants, Riku s’activa à d’autres œuvres notamment son arme, le marteau d’armes qu’il forgea à cette période. Puis lorsque vint le moment d’aller récupérer le cuir, il y alla, paya le tanneur et vint terminer son travail. Le bouclier était désormais totalement refroidi et il avait belle allure, même sans les finitions. Satisfait de son travail, Riku le termina néanmoins. Le cuir recouvrit tout le dos du bouclier afin de donner un minimum de confort à son utilisateur. La sangle était faite de cuir de façon à pouvoir être remplacée aisément au besoin. Le cuir recouvrait aussi tout le pourtour du bouclier, pour une simple question d’esthétique. Riku avait vissé le tout directement sur le bouclier. Un travail impeccable sans aucune faute.

Le bouclier est en fer, rond avec une pointe de 5cm vers au milieu de l’objet, d’une dimension de 25cm de diamètre, 3cm d’épaisseur, pour un poids de 3 kg. Il permet une protection optimale du buste et des parties vitales du corps tout en permettant une certaine mobilité. L’arrière du bouclier est tapissé de cuir et la sangle est en cuir également.

Ca ressemble à ceci:

Et de dos à ceci:

Attendant son collègue forgeron, Riku s’activait à finaliser une commande qu’on lui avait confiée deux jours auparavant.

Au final, le Watanabe n’était pas au courant pour ce qui était de l’existence d’une probable enquête suite aux événements négatifs du Jizen ichi. Riku trouvait curieux qu’aucune information n’ait filtré à ce sujet et qu’à priori personne n’avait de réponses vis-à-vis de cela. A croire qu’il s’agissait d’un règlement de comptes entre gens de la haute et que donc cette affaire devait rester entre eux. Riku secoua la tête de gauche à droite en signe de désapprobation. Lorsqu’il irait mieux, il irait poser des questions jusqu’à obtenir réponse qui le satisfasse. Pourquoi la vie de tant de gens avait été sacrifiée, perdu ? Pourquoi il y avait eu tant de blessés ? Pour rien ?

La discussion avait dévié sur un autre point. Dodo était d’accord avec le Kobayashi pour ce qui était de recenser les pouvoirs afin d’avoir les idées plus claires en ce qui concerne le chakra et les pouvoirs des différents élus. C’était entendu. Tous deux travailleraient dessus dès que le temps le leur permettrait. Pour l’heure, Dodo s’était confié sur la nature de ses pouvoirs. Riku eut du mal à véritablement cerner, visualiser ce dont il s’agissait, mais se l’imaginait sans peine. La création de membres imaginaires ainsi que la faculté de se scinder en deux. Intéressant. Le Kobayashi n’en était guère capable.

_ Un entrainement ensemble ? Ok d’accord ! Tu me diras quel jour… Avait répondu le Kobayashi. Finalement sans dire plus, les deux élus étaient d’accord. Le Watanabe prit alors congés de son acolyte et ce dernier put se concentrer sur ses tâches notamment la confection du bouclier.

Une semaine plus tard, conformément au délai entendu, Dodo était de retour dans la forge du Kobayashi. Riku l’accueillit comme on accueille un ami car pour lui, le Watanabe n’était rien d’autre que cela pour lui. En son for intérieur, il savait qu’ils finiraient liés par un de ces liens indéfectibles que l’on retrouve rarement entre humains. Riku ouvrit donc la porte à son ami, l’installa confortablement en plus de lui servir quelque chose à boire selon sa convenance – sachant que le Kobayashi ne laissait jamais traîner d’alcool dans son atelier ; il était pro jusqu’au bout !-

Riku était allé chercher le bouclier dans un coin de l’atelier. Il le présenta au Watanabe en craignant pourtant légèrement un avis négatif de Dodo. Après tout, lui aussi était forgeron. Il connaissait le métier et du premier coup d’œil saurait détecter d’éventuels défauts. Riku en tous cas y avait mis toute son âme comme on dit. Il avait fait de son mieux pour réaliser un travail qui lui semblait parfait.

_ Je lui ai fait un petit bout pointu au milieu du bouclier afin que tu puisses blesser au corps à corps un adversaire qui oserait s’approcher de trop près. Comme tu m’as dit vouloir un bouclier qui ne te limiterait pas dans tes déplacements, la fonction principale de celui-ci est surtout d’offrir une protection optimale de ton buste… Normalement tu devrais être bien avec… Je ne sais pas ce que tu en penses ?

Riku attendit alors le verdict du Watanabe.