Une banale journée s’annonce. Il sort sa toile, ses pinceaux, ses couleurs, toujours exposé dans la rue, son endroit favori. Mais la mine de l’artiste n’affiche plus cet intérêt, cette énergie qu’il a d’habitude pour son métier. Que lui arrive-t-il ? Qu’est-ce qui peut casser le moral à ce jeune gars, d’habitude adepte de la joie et du plaisir ? En résumé, il ne trouve plus de quoi jouer. En détail, son public avec lequel il cherche à jouer, à faire d’abord ressentir sa passion pour le dessin, puis à provoquer pour entendre cris et indignation, n’est plus dans cette mentalité. C’est comme si la foule s’habituait, comme si les gens les plus touchés ne se montraient plus, ou bien que ses provocations n’étaient plus perçu telles qu’elles. Impossible de profiter comme à son habitude. Il tente encore, afin de voir si ce n’est que le malheur du hasard, mais son esprit est déjà au plus bas. Il n’a donc pas d’attente particulière en ce jour. Il va entrer dans le train-train quotidien, faire ce pourquoi il a été choisi pour entrer chez les Tsukuri et rentrer. Puis recommencer, jusqu’un jour, une étincelle de vie viennent embraser son cœur.

Et si ce jour était déjà là ? Et si les Dieux avaient entendu sa peine, décidant de redonner du baume au cœur à ce jeune homme ? Alors qu’il révèle un chez d’œuvre, faisant illuminer les cerveaux et yeux plein d’étoile, il sent un regard différent. Ce n’est plus ce qu’il produit qui est observé, mais lui-même. Cette fixation sur lui ne peut que lui donner envie d’en découvrir la source. Au plus près, rien de bien intéressant. Que d’affreux personnages, prêt à tout pour dire que du bien de son talent presque légendaire. Mais entre ces visages lèches-bottes, une ombre et des yeux d’aigle ne le lâchant pas. Il voyait ses gestes. Une marque apparaît à l’endroit même où il pose sa main. Il reconnaît la manipulation, il reconnaît cette utilisation. Du chakra et un pouvoir, un pouvoir très bien connu de Fumiaki. De l’encre séchée apparaît clairement sur le mur. Ce qui est dévoilé ensuite, ce sont des marques, où plutôt des marquages rappelant les mêmes que sur son propre corps. Il ne peut s’empêcher alors de poser sa main sur l’un de ses tatouages.

* Intéressant… Super intéressant… Incroyable ! *

Du visage démotivé, on retrouve l’expression de la folie, si bien connu des habitués à la voir. Un jeu, voici ce qui se lance alors que l’attroupement est encore en train de discuter de son œuvre. Il n’avait plus le temps de s’occuper de ces gens, puisqu’une cible, une source de plaisir a fait son apparition. Pourtant, celle-ci fuit, donnant le top départ de l’amusement. Le dessinateur ne peut pas rester sans rien faire. Bousculant le troupeau, il se dirige vers la ruelle où s’était enfoncé son observateur. Le chat ne peut s’empêcher de partir à la chasse de la souris, petite souris sournoise, attisant toujours plus la curiosité avec l’encre laissée sur le chemin. L’appétit vorace du chat n’est pourtant pas à prendre à la légère. Jouer avec lui, signifie accepter que le jeu se transforme au cours de la partie. Attraper n’est que le début, le but est autre pour lui… Il arrive enfin devant la cible, assise tranquillement, attendant patiemment son poursuivant.  

« Hahahahahaha ! Je ne te connais pas, mais tu me plais ! Je n’avais encore jamais vu un pouvoir comme le mien utilisé par un autre. Il faut dire que tu m’intéresse ! Bon, j’avoue que jouer à chat c’était plaisant, mais j’ai besoin de plus pour ressentir mon plaisir quotidien. J’espère que tu es prêt à continuer ma souris ! »

Mordant son doigt, il laisse son sang donner forme à une forme animalière, qui après un signe incantatoire, devient une vraie bête, se lançant immédiatement sur l’inconnu. Une bataille d’encre, voilà ce qu’il veut.

La bestiole est née encre et redeviendra encre. Son apparition est courte, au point qu’elle n’a eu le temps que de bondir, avant de se faire tirer dessus et disparaître en une flaque. Mais ça ce n’est rien dans la scène, le plus surprenant, c’est l’avancée synchronisée de l’homme tatoué. Il se cache, comme s’il ne voulait pas se dévoiler. Physiquement du moins, puisqu’il commence à se mettre à nu. Il connaît à présent son nom, fonction dans le village et une partie de ses aptitudes. L’identité de la personne ne lui parle pas plus que ça. Sûrement avait-il déjà entendu le nom, mais cela a bien dû tomber dans l’oubli. En revanche, il y a deux détails qu’il n’ignore pas. En premier son clan. S’il a bien une famille qu’il n’a pas dans son cœur, c’est bien celle des Kodama. Est-il l’un de ses rats de bibliothèque ? En tout cas, le deuxième élément retenu semble vouloir le dire. Il ne semble pas être un combattant. Décevant, alors qu’il s’attendait à jouer avec lui. Un autre plaisir de gâché, alors qu’il semblait être un espoir. Alors que son visage déformé par son dégoût commence à se dessiner, il est rapidement repris par la situation, qui évolue d’une manière… intéressante hmm…

La distance se réduit de plus en plus, tandis que le dissimulé continue de parler. Bien que ses paroles ne montrent rien, aucun sentiment, on sent qu’il s’impose. Sa supériorité est démontrée, ou plutôt la faiblesse de Fumiaki est exposée. Enfin, faiblesse est un bien grand mot. Il peut très bien se défendre au corps-à-corps s’il le faut. Mais il ne fera rien. Non, ce Ren semble bien sûr de lui dans ses explications, encore plus dans son élan vers son confrère de pouvoir. Une atmosphère se crée, au rythme de cet homme. Comme il l’a signalé, le lieu est étroit, peu de place pour se mouvoir sur les côtés. Comme dit, aucun regard n’est porté sur eux, un cadre intime. Comme sa marche le montre, les deux corps vont bientôt s’embrasser. Mais seulement les deux corps ? Alors que des derniers mots s’accompagnent de son dernier pas, les deux visages face-à-face, les yeux pénétrants se glisse dans ceux de l’artiste de rue. Il ne peut s’empêcher d’être amusé de la situation. N’est-il donc pas le seul impie en ces terres de religion et de pensées renfermées ? Un sourire de fou apparaît…

« Kuro Fumiaki, artiste de rue chez les Tsukuri et le mauvais garçon en personne. On peut dire que tu arrive à saisir mon attention mon cher Ren. J’avoue que je préférerais me faire plaisir dans un combat, mais je pense pouvoir me satisfaire de ton corps d’une autre manière… »

Ses mains viennent saisir Ren. Puis, celles-ci voyagent sur le corps, analysant le plus possible. Il cherche les différents marquages présents, pouvant les sentir de ses doigts fin et soyeux. Il parcourt chaque parcelle de peau, délicatement, voulant faire ressentir un frisson. Il colle à présent sa joue à la sienne, pouvant lui susurrer des mots à l’oreille.

« Tu as un corps bien bâti pour un non-habitué du combat… Tu es sûr que tu ne t’entraînes pas en cachette ? »

Alors que sa main droite se pose sur l’épaule gauche de son partenaire de jeu, sachant que son pouce est encore ensanglanté, il profite pour laisser un cadeau. Une autre marque vient compléter le tableau, une fleur, un lotus plus précisément. Ren peut parfaitement sentir la chaleur de l’énergie dégagée, venant pigmenter sa peau à l’endroit même où la main est posée.



« Petit cadeau pour m’avoir fait revivre en cette journée. Tu peux être garanti que c’est une création originale du génie que je suis. S’il ne te plaît pas, revient me voir plus tard, je serais disposé à le changer. Mais sache qu’il nous relie à présent, mon cher Ren. »

Il sourit, gentiment, amicalement tout en reculant de quelques pas. Une première depuis sa vie dans le village. Comment expliquer une réaction pareille ? Quelle mouche avait piqué Fumiaki ? Très simplement, il se sent moins seul d’un coup. Avoir des jouets c’est bien, mais avoir un partenaire, c’est mieux. C’est sûrement cela qui lui manquait, une sorte de compagnon qui pourrait changer ses journées. Ce n’est pas pour autant qu’il se métamorphosera. Il restera fidèle à lui-même. Mais voyant un autre utilisateur d’encre, qui semble différent des autres élus ou habitants des environs, il ne peut que ressentir un peu de bonheur, un vrai bonheur.

« Bon Ren. Je suppose qu’on ne va pas s’arrêter là, hmm ? Si tu m’as fait venir, c’est pour qu’on se découvre plus si je ne me trompe pas ? Dis-moi ce que tu veux. Dis-moi précisément ce que tu veux de moi… »

Son regard s’enflamme, cherchant un plaisir enfoui chez l’homme. Il n’avait pas été trop émotif, ou réellement démonstratif de ce qu’il ressentait. Son caractère scientifique, de self-control, qui l’empêche de se dévoiler autant ? Il ne tarderait pas à savoir, voire de briser cette coquille s’il le faut. Un jeu qui peut s’annoncer long, mais plaisant…

Un sourire, un sourire très plaisant et qui annonce que de bonnes choses. Alors qu’il attend encore une réponse à ses dernières interrogations, Ren ne reste pas sans rien faire. Il se met en mouvement, avançant à nouveau. Il semble aimer le contact, ce qui ne déplaît pas du tout à Fumiaki. Se sentir désiré est un sentiment si bon une fois qu’on y goûte. Une drogue à laquelle il est difficile de dire non. Ce n’est pas pour rien qu’un noble ou un riche ne s’empêche pas d’utiliser sa position pour s’offrir des merveilles toutes aussi idiotes et bonnes à rien. Mais là, on ne peut pas comparer. C’est une vraie passion qui se crée entre les deux. Pas un sentiment factice, ni une simple relation d’un jour. Ce lien va au-delà du petit regard, plus loin que les douces caresses, que les petits mots d’amours… Si dans le quotidien, l’artiste est plutôt un dominant, la soumission ne le dérange pas plus que ça dans ce genre de relation. Se laisse-t-il faire ? En entrant simplement dans le jeu organisé par cet homme ? Personne ne sait vraiment, juste le plaisir qui se lit sur son visage.

Quand la cape arrive sur lui, il ne réagit plus que cela, comprenant que ce n’est pas un cadeau. Quand les projectiles s’enfoncent dans le mur, en même temps que la cape crée une étreinte sur Fumiaki, un petit cri de joie sort. Le rythme cardiaque accélère. S’il faisait plus froid, on verrait les vapeurs s’échappait de son orifice buccal.  Les joues se colorent, passant d’un blanc pâle à un rouge rosé. Il ne se débat pas, il accepte son sort, offrant à la fois son cœur et son corps à Ren. L’étreinte se renfonce, quand le corps musclé vient se coller à lui, en plus d’avoir lui aussi le privilège de se faire susurrer des mots. Ses oreilles frémissent, puis transmettent la vibration intense dans tout le corps. Ses mains et ses jambes se contractent, résistant à une envie brutale de devenir un animal sauvage. Le plaisir grimpe. Il ne peut qu’être satisfait d’avoir suivi l’Akemi. Il obtient de nouvelles sensations, découvre un nouveau lien et une facette de sa personnalité. Cette ville est donc vraiment le lieu de sa renaissance. Mais il ne devait pas penser à autre chose qu’à la merveille devant lui. Il ne doit penser qu’à lui, il doit vivre pour lui, il doit être à lui.

« Tatoue-moi grand fou. Formons ce lien qui nous prédestine et terminons-en avec ces formalités. Mon corps ne désire pas seulement ton nom. »

Une phrase directe, sans passer par quatre-chemin. Les jambes piégées tremblent d’impatience, pendant que l’esprit pervers tente déjà d’imaginer la suite du programme. L’impatience se crée, voulant voir jusqu’où va aller ce ténébreux.

« Libère-moi et ensemble, découvrons-nous comme jamais tu n’as découvert personne. »

Le bal est mené par Ren, mais rien n’empêche d’émettre des idées. Il faut juste faire attention, car un cœur ouvert, s’il est déçu, peut vite se renfermer. Le Kodama doit assurer s’il ne veut pas louper l’occasion…

Après avoir agi sans douceur, les caresses arrivent. Des cheveux à la joue, de la joue au bassin, du bassin à la cuisse… Il ne peut être insensible. Fumiaki frémit toujours plus, même plus quand sa cuisse se retrouve loin de sa sœur. Alors que le silence règne, l’heure de le briser survient, où Ren se met à murmurer à l’oreille de son frère d’encre. Le jeu semble continuer, du moins, c’est ce que pense le peintre. La main se balade à présent sur la cape, alors qu’il se laisse toujours faire, attendant tel un gentil homme, que les festivités commencent. La tête se glissant maintenant sur la nuque, laissant une sensation exquise, voulant presque que le chemin continue jusqu’à plus bas encore. Pourtant, il s’arrête dans le cou, où bien qu’une morsure survienne, c’est un plaisir qui est ressenti, étant toujours dans la brume des joies de la situation. La chaleur monte, à l’endroit précis blessé. Une marque d’encre apparaît à son tour sur le corps. Il avait fait un échange, un genre de pacte, définissant bel et bien le lien particulier qui se forme aujourd’hui. Ravie, il se mord légèrement la lèvre, comme pour dire de continuer. Mais il n’en est rien…

Le plaisir physique est monté, mais chute dès lors que Ren s’écarte de sa proie. L’incompréhension se lit sur le visage défiguré du membre Tsukuri. Comment pouvait-il briser la scène qui se déroulait ? Comment peut-il vouloir quitter maintenant après ce qu’il se passait ? Puis, une dernière phrase, avant de fuir à nouveau. Tout est plus compréhensible. Le plaisir doit durer, ne doit pas être éphémère, perdura dans l’espace et le temps. Il est vrai, qu’un artiste ne se contente pas d’un jour pour libérer toutes ses pulsions créatives. Finalement, le Akemi avait bien fait d’en finir ici pour le moment. Il fallait jouer encore un peu au chat, vu la courte partie qui s’était déroulé. Sans se presser, Fumiaki tente de déchirer la cape avec les aiguilles déjà prise au mur. Les extrémités bien accrochées ne tardent pas à libérer le corps emprisonné. Ressentant à nouveau l’air, balayant les gouttes le recouvrant, il se met en marche. Il ne faut pas laisser échapper la souris…

Il le cherche du regard, mais forcé de croire qu’il est doué pour se cacher. Finalement, s’il ne s’était pas montré précédemment, l’impie aurait eu la chance de rencontrer son observateur ? Les rues ne sont pas vraiment bondées, mais il est difficile de repérer précisément une personne dans le grand espace des rues. Il semble que la chance de goûter à plus avec cet homme soit compromis pour le reste de la journée. Un soupire, puis un rire, qui ne manque pas d’attirer l’attention. Le ricanement fait peur, presque comme un diable qui vient de surgir de la porte des enfers. Soudainement, le voilà qu’il s’exclame en public.

« Akemi Ren ! Moi, Kuro Fumiaki, promets de te retrouver un jour. Ce jour, tu verras ce qu’il coute de jouer avec moi, mon cœur et mon corps. Je n’oublierai jamais ton nom, comme tu n’oublieras jamais le mien, par ces marques que nous nous sommes données. Surveille bien les environs, car je ne te ferais pas de cadeaux ! »

Il finit à nouveau avec un rire, avant de courir, retournant vers son atelier mobile laisser en pleine rue. Il espère sincèrement que son tendre pourra l’entendre. Ce n’est que le début de leur histoire…