Comme à son habitude, depuis qu'il était en âge de tenir un marteau, le jeune homme martelait le fer chaud sur son enclume, s'évertuant à accomplir en temps et en heure les commandes qui lui avait été quémandées. Ces dernières affluaient de plus en plus ses derniers temps, signe de bonne fortune pour le jeune homme, qui commençait petit à petit à se faire un nom au sein de son clan. Il faut dire que son statut d'élu lui avait valu d'être réquisitionné à de nombreuses reprises pour différentes tâches, allant de cette fameuse "expédition suicide" à la protection de l'épée du Seigneur Izaya. Bien que ces différents contrats ne s'étaient pas tous soldés par une bonne expérience, le jeune homme apprenait de jour en jour, malgré les cauchemars et les remords qui accompagnaient encore ses nuits.

Les habitants du Quartier des Arts avaient alors entendu parler de cet "élu borgne et forgeron" du clan Tsukuri. Ce n'était pas pour déplaire au Watanabe et à sa petite famille, les commandes et autres réalisations du jeune homme leur permettaient de vivre mieux qu'à l'accoutumé. Se contentant d'habitude du strict nécessaire à une bonne vie, la petite famille pouvait maintenant s'adonner à quelques fantaisies. Des produits plus frais, de meilleurs repas, des nouveaux tissus pour leur vêtement, et même des matériaux un peu plus chère pour la forge de Dodo.

La petite entreprise familiale était bien huilée, quand la mère de famille se trouvait dans la demeure elle apportait au jeune homme les différentes commandes qu'il recevait, souvent manuscrite ou noté sur un bout de tissu par la femme. Mais aujourd'hui, elle semblait lui apporter une lettre un peu particulière, détonnant des autres qu'il recevait quotidiennement.

-" Dodo, il y a une lettre qui t'est destiné, mais ce n'est pas une commande, ni une missive des hauts gradés."

L'interrompait la matriarche, déposant l'objet sur un meuble non loin du jeune homme. Ce dernier posait alors ses outils, ayant terminé les commandes du jour. Attrapant le petit morceau de papier, il prit place sur un petit tabouret en bois, s'adossant contre un mur. Il prit d'abord le temps de s'essuyer le visage, couvert par la transpiration qui coulait sur son corps de par l'endurance physique qu'il fallait pour travailler le fer, en plus de la chaleur de la forge.

Un certain Shuzo Tanaka semblait vouloir rentrer en contact avec le borgne. Levant son œil vers le plafond afin de réfléchir, le Watanabe ne se rappelait pas avoir déjà croisé cet homme. Évidemment, il avait déjà entendu parler de la famille Tanaka, une des puissantes familles composant le clan Tsukuri, au même titre que les Watanabe, dont Dodo avait rencontré le chef de la branche principale il y avait de cela quelques jours. L'objet de la lettre ainsi que son contenu semblait assez flou, mais intriguait quand même le borgne. Quel était ce projet dont cet homme parlait?

Enfilant des vêtements propres et resserrant le tissu qui lui servait de cache-œil, Dodo passa le pas de sa porte, se faufilant à travers la foule du Quartier des Arts. Il faut dire qu'avec le soleil qui illuminait et réchauffait les rues, celles-ci étaient bondées de marchands, artisans ou famille en vadrouille. Les ruelles ainsi que les grands axes montraient toute la vie qui se cachait dans ce quartier, accompagner de nombreux bruits et odeurs.

Arrivant au lieu noté sur le bout de papier, le borgne arriva devant un grand portillon, abritant une grande demeure - largement plus grande que celle du jeune homme en tout cas. Deux hommes, semblant être les gardes de cette entrée, accueillirent le Watanabe avant d'ouvrir la marche ainsi que le portail. Suivant les deux hommes, le borgne passait en revue les différentes œuvres composant l'extérieur de la bâtisse. La culture du clan Tsukuri et de ses ancêtres était, vraiment, bien représentées sur les murs, alliant peinture, sculpture et autres gravures. En revanche, l'intérieur du bâtiment détonnait grandement de l'extérieur. De nombreuses sculptures d'animaux ou autre personnage dans un style bien particulier, n'ayant rien à voir avec les sculptures Tsukuri actuelles.

Mais le plus impressionnant était le jardin où l'avaient amené les deux gardes. Véritable paradis pour les amoureux de la nature, certaines plantes peu communes venaient parfaitement se marier à la flore commune. Au milieu de ce jardin, un jeune homme, semblant attendre patiemment. Il était évident qu'il s'agissait de l'expéditeur de cette missive qu'avait reçu Dodo quelques longues minutes auparavant.

-" Enchanté, Watanabe Dodo. Comme demandé dans votre missive, me voici."

S'était présenté le borgne, approchant au plus près du jeune homme, un léger sourire en coin. Il faut dire que toutes ses œuvres et cette végétation le rendait joyeux. Il attendait maintenant, à son tour, afin de connaître les raisons pour lesquelles il avait été demandé en ces lieux.

Les fleurs et autres plantes grimpantes s'entrelaçaient parfaitement autour des sculptures et abords des bâtiments présents. Un véritable calme régnait en ces lieux. L'atmosphère était bien différente des vendeurs et autre bruit d'artisanat qui courait dans les rues du Quartier. Un véritable havre de paix au milieu d'une fourmilière, c'est ce à quoi le Watanabe pensait en passant son regard sur les moindres recoins de ce petit jardin.

À la suite de son introduction, l'homme aux yeux rouges vint à tourner la tête en sa direction. Comme l'avait compris le borgne, il était bien assis ici en attendant l'arrivée de son hôte du jour. S'entourant de tout un tas de commodités dont le Watanabe se serait bien passé, il invita le jeune homme à s'asseoir autour d'une petite table, ordonnant, d'un claquement de mains, la mise en action d'un homme habillé en costume. Accompagné d'un plateau composé de toutes sortes de biscuits et autres boissons, il les disposa sur la table, quittant ensuite les lieux en s'endimanchant d'une révérence.

Il faut dire que le clan Watanabe avait quelques réputations de noble, surtout concernant la branche principale de celle-ci. Les Tanaka semblaient être fait dans le même moule qu'eux. L'apparat, de petits détails sans grandes importances, des tournures de phrase se voulant complexe, tout ça était l'arsenal des discussions avec un noble. Le borgne était bien loin de toute cette noblesse et ces autres mondanités. D'un caractère franc et parfois sanguin, il ne voyait en ses actes qu'une perte de temps inutiles en facéties servant à se mettre en valeur. Sa petite famille faisait partie intégrante de la branche secondaire du clan Watanabe, bien plus bourru et regorgeant d'artisan au tempérament aussi éloigné de la noblesse. Pourtant, le borgne avait eu tendance à faire ses affaires e son côté, comme lui avait enseigné sa mère, une femme forte s'étant détachée de l'image de la femme imposée par cette seconde branche.

Le forgeron se demandait encore ce qu'il venait faire ici et pourquoi on lui avait expressément demandé, à lui, de venir en ces lieux aujourd'hui. Il prit néanmoins le temps de se servir un verre d'eau, pour palier à la soif qui le gagnait en cette journée très ensoleillé. Le Tanaka fit de même en se servant une tasse de thé, avant de commencer à parler, entrant directement dans le vif du sujet.

Le borgne marqua un léger lever de sourcil, signe de sa surprise. Ayant déjà côtoyé quelques fois des nobles, jamais une décision aussi altruiste n'avait émaner d'eux. Laissant son homologue poursuivre la discussion, le borgne enchaîna les gorgées d'eau, obnubilé par le discours de Shuzo. Ce dernier marqua lui aussi une pause avant de recommencer son discours. Après avoir terminé son thé et demander d'éventuels questions au borgne après avoir dévoilé son objectif, il attendit patiemment la réponse de Dodo.

-" Effectivement, j'aurais quelques questions."

Commença d'abord le borgne, terminant à son tour son verre d'eau, avant de s'en resservir une nouvelle fois.

-" Je m'excuse d'avance pour ma franchise. Pourquoi un homme si noble et si riche se préoccuperait du confort et de la vie des habitants les plus démunis?"

La franchise, trait de caractère auquel le jeune homme ne pouvait se substituer. Il avait du mal à garder pour lui certaines choses. Mais il posait cette question avec beaucoup de sérieux, accompagnant la fin de sa phrase d'une gorgée d'eau. Il faut dire que les nobles de ce clan, et même des différents clan, n'étaient pas souvent les personnes à lever, ne serait-ce, qu'un petit doigt pour le bien-être commun, ou sans y gagner quelque chose par la suite.

-" Je dois dire que votre idée d'Académie ouvert pour tous est remarquable. Mais qu'avez-vous à y gagner en faisant ça? Vous pensez simplement au bonheur de tous, ou vous avez un autre objectif secret derrière ça?"

Reprenait le borgne, plongeant son œil inquisiteur dans le regard de son interlocuteur.

-" Si toutefois vous êtes quelqu'un de bon, je me ferais un plaisir de vous aider dans cette démarche. La branche secondaire du clan Watanabe sera aussi du même avis que moi. Je connaît que très peu le dirigeant de la branche, mais il sera toujours prêt pour un projet d'ampleur. Et avez-vous prévenu le seigneur Izaya et ses conseillers de votre entreprise? Peut-être pourrait-il vous aider."

Le borgne avait une confiance aveugle en son seigneur, à la limite de l'adoration. Depuis son plus jeune âge, il assistait au discours de son monarque, buvant chacune de ses paroles. Dodo avait pour le moment posé trop de questions, il garda son regard posé dans celui de Shuzo, attendant de voir ce qu'il allait répondre, et s'il cachait d'autres intentions derrière cet élan d'altruisme peu courant chez un noble.

S'enfonçant dans sa chaise, bien loin des positions classiques et soignées des nobles, le borgne engloutissait son deuxième verre d'eau. Un léger silence s'était installé, ce que le borgne comprenait totalement. Il avait posé de nombreuses questions et son interlocuteur, préparé ou non, devait bien faire le tri avant de répondre. Les nobles et intellectuels sont de ceux qui prennent le temps de réfléchir, de peser le pour et le contre de chaque mot afin de tirer le meilleur e leur discours. Shuzo, malgré ses bonnes ambitions, ne semblait pas déroger à la règle.

Le silence ne dura pas si longtemps, et visiblement bien préparé à ce genre de questions prévisibles, le Tanaka entama sa réponse. Comme l'avait imaginé Dodo, il n'avait pas de noble que les atours, mais son discours et ses tournures de phrase se voulaient aussi travaillée et grandiloquente que possible. Néanmoins, il ne semblait pas être de ceux qui mentent, peut-être que son projet était finalement bien celui qu'il prétendait.

Sa deuxième réponse confirmait les pensées du borgne, il ne cachait pas avoir un objectif secret, celui de rassembler les clans. Le borgne n'avait jamais vraiment eu de brouille avec les autres clans, il avait même rencontré des personnes aux côtés desquelles il avait progressé, aussi bien physiquement, que psychologiquement, et également sur le plan artisanal. Toutes les personnes qu'il avait rencontrées avait tous des prétentions et des ambitions différentes, mais tous semblaient vouloir aider les autres. Du moins, c'était le cas des élus qu'il avait pu rencontrer.

La dernière partie de son monologue fit lever un sourcil au borgne. S'arrêtant seulement à quelques mots, le Watanabe ne cherchait pas vraiment à comprendre le fond de la pensée de Shuzo restant bloquer sur quelques critiques envers les hautes instances. Bien qu'il ne connaissait en rien les dirigeants des clans Kodama et Shinnin, mis à part leur nom, il était un des fervents défenseurs du seigneur Izaya. Prêt à répondre instantanément, se redressant sur sa chaise, une des dernières phrases du Tanaka le stoppa dans son élan impétueux. "Les personnes ayant un Don seront soit exploités soit chassés en dehors du village".. Il n'avait pas tort. Le borgne le savait également, son pouvoir était considéré comme impie, et sans la protection des Tsukuri, il aurait certainement dû garder ce secret pour lui jusqu'à la fin de ses jours pour ne pas être traité d'hérétique par ses compères. Sûrement d'autres personnes, bien moins chanceuses que lui devaient posséder un pouvoir jugé non-conforme voir démoniaque, sûrement avec moins de chances dans la vie que le jeune borgne.

Réfléchissant un instant, le Watanabe se resservi un troisième verre d'eau, duquel il prit une simple gorgée.

-" Et bien, vous savez parler, ça ne fait aucun doute."

Déclara-t-il en premier. Le Tanaka n'était pas quelqu'un de la haute pour rien, son phrasé parlait pour lui.

-" Pourtant, de grands discours comme ceux-là sont vite oubliés par les gens du peuple, trop pompeux, trop compliqués. Comment comptez-vous faire pour vous faire entendre de la population et les faire rejoindre votre Académie? Car une Académie ouverte par un noble, certains ne croirons pas une seconde à vos belles promesses."

Le borgne se mit à se gratter l'arrière du crâne. Et lui dans tout ça, croyait-il à ses belles paroles et ce drôle de projet.

-" En tout cas, j'ai envie de vous croire. Je ne sais pas si vous êtes vous-mêmes un de ses élus, mais moi, j'en suis un. Mon pouvoir à toujours été considéré comme hérétique, pourtant, j'ai toujours pu l'utiliser librement, et je n'ai jamais vraiment eu de soucis. Tout ça grâce à la protection des Tsukuri et à l'importance que le seigneur Izaya apporte aux élus. Je peux comprendre que les dirigeants ne soient pas tous des bonnes personnes, mais je maintiens ma position quant à prévenir le seigneur Izaya du projet."

Fidèle et loyal. Deux autres caractéristiques qu'on ne pouvait enlever à Dodo. Peut-être qu'il plaçait trop son seigneur sur un piédestal, peut-être qu'il était floué par sa trop grande considération pour lui. Mais il était comme ça, et très peu de chose le ferait changer.

Prenant une nouvelle gorgée de son énième verre d'eau fraîche, il termina.

-" J'espère ne pas me tromper en vous accordant ma confiance et la main d'œuvre du clan Watanabe. J'irais voir le chef de la branche secondaire, Watanabe Chikara, il sera ravi de mettre ses hommes au service d'un aussi grand chantier."

Avançant son buste en direction de Shuzo, une poignée de main lui était tendue. Dodo espérait se lancer dans une aventure qui profiterait au peuple, mais seul l'avenir savait vraiment ce qu'il allait advenir de ce projet et de ce Tanaka.

Il faut dire que les différents discours du Tanaka étaient rondement menés et très bien préparés. Il avait des réponses pour toutes les interrogations du borgne. Alors que ce dernier s'enfilait un quatrième verre d'eau, il écoutait attentivement les nouvelles paroles de son interlocuteur. Visiblement, bien que noble, il n'avait pas peur de mettre la main à la pâte pour vanter les mérites et son projet d'Académie. Il parlait même de faire du porte-à-porte chez les plus démunis, si tenté que c'est dernier est une porte. Une initiative bien louable, mais qui fit esquisser un léger sourire au Watanabe. Il imaginait cette scène ou un riche noble du clan Tsukuri se retrouverait seul dans les bas-fonds des différents Quartier pour essayer de diffuser sa parole.

-" J'imagine que vous y avez déjà pensé, mais pour convaincre les habitants de la Ceinture Noire, rien de mieux que quelqu'un qu'ils connaissent bien."

Lui répondit aussitôt le Watanabe, toujours un petit sourire aux lèvres. Mais bien évidemment, il ne doutait pas que Shuzo ait déjà eu l'idée, et peut-être qu'il avait, d'ailleurs, déjà rencontré quelqu'un dans ce but. Il continuait ainsi en parlant d'un orphelinat, que le Watanabe ne connaissait pas, au sein de la Ceinture Noire. Il comptait vouloir alphabétiser ainsi qu'éduquer et offrir différentes choses pour leur confort. Le Watanabe ne pouvait qu’acquiescer d'un signe de tête tant le projet était à l'écoute des besoins et pour le bien-être de tous.

Après avoir pris une gorgée de son thé, le noble repris, parlant cette fois du statut d'élu. Point qui intéressait particulièrement Dodo, lui qui plaçait un point d'honneur à vouloir faire prendre conscience à tous que les élus n'étaient pas une malédiction, mais bien une bénédiction pour ce village. Changer le terme? Soit, cela ne changerait pas grand chose, mais pour les plus réfractaires au statut d'élu, cela paraissait être une bonne idée de les appeler sous le terme de "Protecteur". Et finalement, le Tanaka se révélait être également un affin au chakra, comme le Watanabe qui lui faisait face.

-" Je suis plutôt heureux de savoir que vous un de ces "Protecteurs" alors. Je préfère que le projet soit encadré par quelqu'un qui connaît les difficultés ainsi que les possibilités qu'ont engendrés l'apparition du chakra dans nos corps. Et évidemment, votre secret sera bien gardé."

Lui répondit-il, avalant l'ultime gorgée de ses nombreux verres d'eau. Puis pour terminer son discours, Shuzo revint sur le point qu'avait ramener sur le tapis, deux fois déjà, le borgne. Celui du seigneur Izaya. Et il semblait accepter le fait d'aller à sa rencontre, sûrement poussé par l'insistance du borgne à ce sujet. Un sourire commençait à naître sur le visage du borgne, véritablement ravi de cette nouvelle.

-" Et bien, je crois que nous d'accord sur tous les points alors. Comme dit, j'irais prévenir le chef des artisans Watanabe. Je vous enverrais une missive pour que vous puissiez conclure un rendez-vous avec lui, ça sera plus pratique pour organiser votre chantier."

Accompagnant sa phrase en se levant de sa chaise, le borgne serra la main du Tanaka, véritable intrus dans ce monde de la noblesse. Mais le Watanabe était content d'avoir fait sa connaissance, encore plus quand on connaissait ses ambitions.

-" Je vous souhaite alors d'amener votre projet jusqu'au bout, et qu'il facilite la vie de nombreuses personnes. Nous serons amenés à nous revoir, j'en suis sûr."

Déclara le borgne, commençant à effectuer le chemin inverse de celui qu'il avait fait pour venir ici. Désormais, il rentrerait chez lui afin d'écrire une première lettre pour le représentant de la branche secondaire, afin de le prévenir du projet incroyable qui allait voir le jour dans la Vieille Ville du village.