▬ Encore le nez dans ce bouquin, hein Mitsuo ? Demanda Zōn, les bras croisés, un sourire empli de fierté sur le visage.
▬ Ouais, j'arrive pas à décrocher..
Depuis leur départ du théâtre de la Demi-Lune, le jeune garçon n'avait pas quitter le petit livre qu'il tenait entre les mains, manquant même de bousculer quelques passants sur son chemin par faute d'inattention. « Les Chevaliers de la Ceinture Noire » était en fait un ouvrage écrit par Zōn en personne, dont l'anonymat était préservé par son pseudonyme d'auteur, Chikamatsu Monzaemon. Son art souvent décrié - qualifié d'inepties illusoires ou simplement de déchet - Zōn ne pouvait que se réjouir de voir cet enfant porté par sa plume. Il bombait le torse, se pavanant dans les rues du Quartier des Arts sans pouvoir cacher son air de benêt satisfait. Cet enfant venait de refaire sa journée.
▬ .. C'est tellement nul qu'il m'hypnotise, conclut finalement Mitsuo l'air détaché, sans quitter les pages du livre des yeux.
▬ Hahaha, oui c'est vrai qu'on peut dire qu'il est nul ! Répéta bêtement Zōn, guilleret, galvanisé par ce qui semblait initialement être une flatterie sans avoir réellement écouté le reste de la phrase. Jusqu'à ce que la vérité arrive enfin à ses oreilles quelques secondes plus tard. Il se mit à cligner des yeux rapidement. N.. Nu..
▬ .. A-ATTENDS, COMMENT ÇA, NUL ?! Hurla-t-il alors, les yeux sortant de leur orbite.
▬ Bah oui, c'est nul ! Regarde, y'a un des chevaliers il a une armure rose et il fait que pleurer ! Alors que son frère il est trop trop fort ! On sait même pas si c'est une fille ou un garçon ! REGARDE ! Répondit l'enfant en se mettant à hurler à son tour, tapotant frénétiquement du doigt une des pages du bouquin.
▬ JUSTE POUR ÇA ?! ET C'EST TOUT ?! Renchérit Zōn en criant de plus belle.
▬ BAH OUI ! En tentant de crier aussi fort que son aîné, la voix du jeune garçon tremblait en atteignant des aiguës infantilisant. ET PUIS QU'EST-CE QUE ÇA PEUT TE FAIRE DE TOUTE FAÇON QUE JE LE TROUVE NUL, POURQUOI TU CRIES POUR UN LIVRE ?! EN QUOI ÇA TE CONCERNE ?!
Les joues du Kabuki rougirent sous la gêne. C'était qu'il avait de la suite dans les idées le gamin.. Il fit mine de tousser en feignant un air sérieux contrastant avec son état précédent.
▬ Je me dis que.. hrem.. le pauvre bougre qui a écrit cette.. hrem.. merveille de littérature serait triste de savoir ce que tu penses de son livre.. hrem..
▬ T'es vraiment bizarre, Zōn-nii-san.. S'écria Mitsuo en plissant des yeux, l'air suspicieux.
▬ Et puis de toute façon qu'est-ce que tu fais là ? J'ai pas besoin d'un gamin dans mes pattes ! Si c'était pour rester le nez dans ton bouquin tu aurais mieux faire de rester au théâtre, s'écria Zōn d'une moue boudeuse, changeant de sujet pour préserver et son anonymat, et sa dignité.
▬ C'est Aria-nee-chan qui m'a demandé de t'accompagner pour être sûr que tu ne fasse pas de bêtises.. Comme la dernière fois, dit-il en plissant de nouveaux les yeux, cette fois-ci d'un ton menaçant.
Le Kouha lâcha un bref soupir, outré, et tourna la tête - alors qu'il était bien conscient de son manque de fiabilité. Effectivement, la troupe d'Albâtre avait besoin de monter des éléments de décor pour leur nouvelle pièce et pour ça, ils avaient commandé plusieurs pièces métalliques chez un jeune forgeron prometteur du quartier ; Zōn avait donc été chargé de récupérer lesdites pièces, et le jeune joueur de Shamisen, de le surveiller. Ils avaient traversé l'ensemble du Quartiers des Arts depuis le théâtre, et étaient maintenant arrivés à destination. Le plus grand écarta les bandes de tissus marquant l'entrée du commerce, et le plus petit - toujours dans son ouvrage - emboîtait le pas.
▬ Yoooyooooï ! Il y a quelqu'un ?!