Dans un monde onirique, après le combat de la Porte d'Or.

-" FAITES MOI TREMBLEZ CE SOL DE TOUTES VOS FORCES!"

-" AAAAAAAAAAAAAAAAH"

-" POUR ASATSUYU!"

Boom boom boom. Le cri du cœur le rappel à la réalité. Un cri de désarroi, de peur, de souffrance s'échappe de sa bouche. Le corps tremblant, l'entièreté de son épiderme fait couler une longue cascade de sueur, finissant sa course sur le drap de sa couche. Dodo ce réveil ainsi, comme depuis quelques nuits maintenant. Autrefois, il avait fait des cauchemars, lors de sa première expédition. Mais ceux-ci n'étaient rien. Là, ce ne sont pas de simple rêverie, mais bien la réalité. La réalité qu'il vécut, qu'il a pris de plein fouet. Celle qui lui a rappelé à quel point la vie ne tient qu'à un fil. À quel point le monde n'est pas aussi beau que tous l'imaginait. Tous, et surtout ceux ayant rendu leur dernier souffle sur cette plaine, devant ce rempart, annihilé. Leur futur, leurs ambitions, leur fierté, le tout faucher en plein vol, par un coup bien bas du destin.

Sa mère était là, comme toutes les autres nuits, troquant son confort et son sommeil pour rester aux côtés de son fils. Elle épongeait le front transpirant à l'aide d'un tissu, le trempant au préalable dans un seau d'eau froide. Elle changeait les bandages entourant son abdomen, stigmate de ses côtes fêlées. Elle passait une mixture sur les brûlures sévères de son avant-bras, et sur sa tête, une partie des cheveux cramés à la racine par ce halo de flamme que Dodo voyait toutes les nuits.

Lui, n'était plus là. Son esprit s'adonnait à repasser en boucle les images de ce passé encore trop proche. Des fois, quand la réalité le rattrapait par la souffrance de ses blessures, il se demandait. Pourquoi? Pourquoi lui était encore là? Pourquoi pas un autre. Qu'avait-il fait pour mériter ainsi de vivre, pour ressasser les ténèbres du passé. Ce jeune forgeron, qui n'avait rien demander, s'était retrouvé propulsé à un rang de chef de guerre, qu'il n'assumait pas, de par sa jeunesse et sa trop grande ignorance des douleurs. Marqué au fer rouge. Des pulsions le prenaient de temps en temps. Mettre fin à ses jours était-ce la meilleure des solutions? Celle d'un lâche, sûrement.

Quelques nuits agitées plus tard, de bon matin.

Encore et toujours les mêmes images, ce même théâtre morbide. Cette procession infernale de cadavre. Ce gloussement de terreur. Ce bruit sourd de la patte géante qui s'abat sur la plaine. Toujours rien, toujours plus de présent.

Mais tout ça allait changer, aujourd'hui, et pour le restant de ses jours. Une lettre et surtout un sceau. La figure maternelle apportait avec elle cette missive, cachetée du sceau personnel du Seigneur Izaya. Celui qui représentait les espoirs et le futur de Dodo. Elle déroula le contenu, afin de lire les instructions à son fils, groggy.

-" Watanabe Dodo. Votre courage à été une nouvelle fois prouvé lors de ce drame, survenu à la Porte d'Or. Pour récompenser votre abnégation, ainsi que votre dévouement, je vous invite à devenir Main de la dynastie Tsukuri. Vos talents de forgeron et votre aide envers le clan Shashutsuki nous ont été remontés par Shashutsuki Rakuen en personne. Dès demain, si vos blessures le permettent, vous serez invité à prendre vos fonctions au sein d'une forge créée spécialement pour ce poste, non loin de la Loge de Perfection. Un émissaire viendra vous montrer le chemin, ainsi qu'apporter votre insigne officiel."

Les larmes coulèrent. Sur le visage de la mère dans un premier temps. La fierté, l'émotion, la fatigue, le tout créant ce cocktail d'émotions qui l'a faisait vaciller, attrapant une chaise avant de tomber. L'état psychologique de son fils l'inquiétait, mais cette lettre lui redonnait espoir. Puis les larmes continuèrent de couler. Sur le visage du borgne maintenant. L'émotion, le retour à la vie. Son courage, disait-il. Pourtant, lui, voyait toutes ses morts comme un échec, lui qui s'était improvisé chef le temps d'un instant, avait vu tellement de monde mourir sous ses ordres qu'il pensait simplement à être à leur place. Mais cette lettre, ce renouveau, tout lui redonnait maintenant espoir. Un message du seigneur Izaya en personne, l'invitant à devenir son forgeron. C'était le déclic, ce déclic. Celui qu'attendait Dodo pour revenir d'entre les morts.

Ses côtes encore souffrantes et son bras endolori par les brûlures, il se leva de son lit. Première fois, depuis qu'il était rentré de ce rempart. Une étreinte, longue et remplie de toutes les émotions du monde, entre un fils et sa mère. Il était temps. Temps de revenir aux affaires. La vie lui avait fait un don, l'avait gracié. Il ne devait pas vivre en pensant avoir pris la place de quelqu'un, mais vivre pour que ces morts ne soient jamais oubliés.




Sa forge tournait à plein régime. Sa béquille de bois l'accompagnait une nouvelle fois, l'aisselle posée dessus, maintenant son corps en position pour laisser ses mains frapper le fer chaud contre cette enclume. Du changement. Un bol d'air frais qu'il devait s'octroyer. Dans un premier temps, servir le seigneur Izaya ne pouvait se faire dans cet accoutrement. Forgeant quelques plaques métalliques pour ses épaules et son abdomen, plus esthétique que réellement résistant, il les passa à sa génitrice, s'occupant de la couture des tissus fraîchement acheté pour l’événement.

Dans un second temps, un cache-œil composé d'un vieux tissu ne faisait plus l'affaire, le dernier ayant été réduit à l'état de poussière par les flammes. Ces dernières avaient également marqué le visage du borgne, sur une grande partie. Du cuir, pour cacher ces brûlures, puis une autre partie recouvrant le trou béant laissé par l’œil manquant. Une lanière, également, empêchant le tout de glisser ou de gêner le Watanabe.

Dans un troisième temps, cacher ce trou dans sa chevelure. Les flammes ayant détruit le cuir chevelu, il était clair que plus rien ne repousserait à cet endroit. Le jeune homme prit une pause, dessinant un schéma sur un bout de tissu à proximité. Une idée lui était venue. La forge se remit à tourner, le fer frappé par le marteau commençait à prendre une forme précise. Une corne de fer. Le tout tenu par d'autres languettes de cuir, camouflées par les cheveux encore présent. Cette corne symbolisait beaucoup. Elle représentait cette vie, prenant ses racines au niveau du mal occasionné par le démon. Elle représentait les morts et les vivants, ceux ayant survécu, ceux ayant péri.

Il était prêt. Le nouveau Watanabe Dodo prenait vie.