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Il devait y avoir erreur sur la personne... Non, plus simplement, l'enfant errait d'un mythe à un autre au gré de ses jeux perclus d'insouciance et à l'imaginaire distordant. Du moins c'est ce que préférait se dire Osamu, qui s'était abandonné à la vision d'une aventure épique menée par un petit bonhomme approximativement de l'âge de sa cadette.
Hélas, comme toujours, le manque de mobilité lui jouait des tours.
On le prenait pour cible. Irrémédiablement. A croire que son désir d'invisibilité se jouait de lui à la moindre occasion, accentuant inlassablement ses frustrations.

Il ne faisait pourtant que revenir du kiosque, à l'affût des nouvelles du jour, se sentant ainsi connecté à la faune de la cité, à défaut de l'être par la présence de véritables amis ou le truchement épanouissant de conversations spontanées.

Mais voilà, même les enfants représentaient une menace pour son équilibre émotionnel. Si dans le fond il s'était résigné à ce type de traitement, cela semblait toutefois alourdir plus encore son mauvais karma et le conforter dans sa médiocrité. Il existait pourtant une parade : Un masque. Le piteux protagoniste y réfléchissait souvent à ses heures perdues - nombreuses -, y voyant là la parfaite solution à ses tracas. Un homme masqué ne déplaisait pas, mais intriguait ; y compris dans le mutisme. Pire, ne rien dire ne faisait que dédoubler l'effet d'un tel stratagème !
C'était certain : Avec un masque, il pourrait enfin se montrer sous son vrai visage ! Et alors, lorsqu'il se serait hissé vers les sommets et que les gens clameraient son nom avec fierté et amour sincère, il pourrait le retirer !...
...
Non... A n'en point douter, une telle scène provoquerait une déception générale. L'effondrement d'un mythe. Une désillusion. Puis...
... les rires.

Mauvaise idée... comme toutes les autres ; ces fameuses pensées qui l'amenaient à emprunter des chemins détournés. Il devait se faire une raison : Sa condition demeurerait misérable aux yeux de tous, jusqu'à ce que sa Bénédiction leur prouve le contraire. Il aurait alors sa vengeance... ou presque.

Pour l'heure, le poisson des sables ne pouvait hélas pas se projeter librement faute à ce nouveau problème. Le garçon.
Mais Osamu avait une petite sœur, et en dépit des distances créées par une vie compliquée, il se sentait plus en confiance avec les juvéniles et savaient que leur méchanceté n'avait d'égal que leur tendresse. Il s'accroupissait donc, décochant un sourire avenant à son interlocuteur sans tenir compte de sa peine.

Je m'appelle Osamu... Ha-ha, je ne suis pas un poisson, tu dis ça à cause de mes yeux c'est ça ? Ah-ah-ah... c'est juste que mon père quand j'étais plus petit utilisait un serre-tête particulier la nuit afin de les maintenir graaands ouverts et m'empêcher de trouver le sommeil... ha-ha!ha..hahh...

Son rire semblait à la fois naturel et forcé, comme s'il l'avait répété maintes et maintes fois afin d'y attribuer une certaine crédibilité, malgré un sentiment pourtant sincère. Sa voix quant à elle était fluette, un brin cassée, mais profondément douce.

   

Pris de vitesse, le Shoni semblait aussi passif qu'un merlan hors de l'eau depuis quinze minutes alors qu'il se faisait tâter de toute part. Une proximité loin de s'avérer désagréable bien qu'il ne savait trop comment y réagir, se contenant de serrer mollement la main du cadet afin de conclure ce soudain pacte d'amitié. Bouche bée, il ne répondait pas tout de suite, de toute manière sauvé par le flux de paroles adverse.

Alors c'était aussi simple que ça ? Même s'il s'agissait d'un enfant, celui-ci ne semblait souffrir d'aucune barrière. Pourtant même sa cadette ne le considérait plus de la même façon, et les autres enfants se moquaient de loin, sauf lorsqu'ils avaient peur et amenaient par conséquent l'intervention d'adultes méprisants ou protecteurs à leur rescousse. Où étaient les parents de celui-ci ?

O... O-Sa-Mu...  Corrigeait-il avec un temps de retard et d'un ton faible, si bien que son interlocuteur gagnait la manche en enchaînant les remarques, rires et autres questions.

Tout allait désormais bien trop vite pour lui. Un léger sentiment de vertige s'emparait de son être. Mais il était content, et s'assurerait de ne pas perdre son ami trop vite faute à un manque de rythme. Dès qu'un court silence apparaissait, il reprenait alors:

Non Sigo, je suis un serviteur du clan Shinryo...  Avouait-il, presque honteux. Il ne le formulait jamais de vive voix à autrui, conscient que le seigneur Shinryo Gentoki le considérait malgré sa médiocrité et que mettre en avant leur lien risquait de nuire à l'image de ce dernier. Puisqu'il était si nul, à l'inverse de son maître qui jouissait de prestige et d'un charisme certain. P...pour l'instant je n'ai pas beaucoup de trophées...  Tâchait-il de présenter en entretenant la possibilité que cela ne saurait tarder.

D'autres questions fusaient, jusqu'à ce que Sigo ne puisse plus parler, ses crocs se refermant sur la peau étonnement épaisse d'Osamu. Ce dernier ne bronchait pas, loin d'être douillet car étant habitué à exagérément pire, il souriait de plus belle. Un regard se voulant tendre posé sur la frimousse de son compère.

J... j'aime mes cheveux longs... Ils me cachent, Je... oui je deviendrai un héros... mais...

La confusion. Changer de style ? Comme il y avait pensé plusieurs fois, l'idée semblait traître. Aussi il ne savait quoi répondre, convaincu qu'une nouvelle coupe ne changera pas le triste sort que lui réserverait les gens sur sa route. Le poisson de sable préférait se cacher partiellement ; attaché à ses cheveux et à sa frange partielle, quand bien même cet amalgame épais s'apparentait à du varech. Pourtant, ils étaient propres - quoique trop entremêlés et denses pour l'être parfaitement - à l'instar du reste. Son allure misérable contrastait avec son hygiène tout à fait correcte, quand bien même il transpirait vite et régulièrement, les coups de pression apparaissant constamment sur sa route.
Il prenait une grande inspiration, sentant qu'il serait une fois encore dépassé par les événements.

Le style... martial... compte plus que tout le reste... je pense... et... j'y travaille!! Je ne tarderai pas à me faire un nom!... Le... clan Shinryo sera fier de moi, comme... tout Asatsuyu ! J... j'aurai même... une... enfin... une copine?

Ne pouvant hélas baisser le menton sans se dévoiler plus encore à cet adversaire habilement moins grand que lui, Osamu pivotait légèrement sa moue honteuse et aux pommettes pourprées vers le ciel. Le poing serré. Ses ambitions n'étaient clairement pas les plus surprenantes ni présentées avec réelles convictions.
Mais au moins, il avait réussi à répondre sans trop sourciller...

   

L'enthousiasme du juvénile faisait plaisir, néanmoins Osamu se savait pleinement surestimé et savait bien qu'il n'y avait que Sigo pour lui maintenir coûte que coûte qu'il était à la fois fort et à pas grand chose d'être une personne magnifique. Il ne jouait son jeu que par tendresse, intimement mort quant à ce projet de grand chamboulement esthétique.  

Oui... les Shinryo sont une famille exemplaire et... le Seigneur Gentoki est comme u... quelqu'un de bien. N'osant toujours pas se déclarer comme privilégié auprès du dit-Seigneur, il arrondissait les angles tout en poursuivant. Si on sauve le village ensemble, peut-être que tu rejoindras aussi le clan qui sait... c'est même sûr ! Lui confiait-il après un nouveau sourire, timide mais sincère.

Mais je ne suis... pas sûr que ce soit une bonne idée... de modifier deux trois trucs. A quoi tu... penses au juste...? Lui demandait-il, inquiet.

Malgré sa piteuse stature, le poisson de sable ne souhaitait pas se montrer aux autres encore plus à découvert. Il préférait qu'on ne le regarde pas, actuellement bien trop fébrile, sans panache ni faits d'arme, sans charisme ni bagout - Quand bien même on lui offrait une nouvelle coupe, ses deux affreuses cicatrices faciales seraient toujours là et il était hors de question qu'il se maquille ! De plus, même s'il apparaissait comme beau, cela ne ferait que donner source à des situations de désillusion comme il s'y attendait déjà. Dès lors qu'il ouvrirait la bouche, on se moquerait de lui... Obligatoirement.

Un élu... oui... mais ce n'est pas une bonne idée Sigo. Les gens... Je crois pas que les gens apprécieraient une démonstration ici...  

D'après ce qu'on lui avait enseigné, il y avait des lieux pour exprimer son potentiel, et tous les autres ne méritaient pas d'être dérangés par l’effervescence des Bénédictions, encore controversées. Effectivement si celles-ci pouvaient apporter un grand bien au village, l'inverse était tout aussi vrai. Or la majorité de la population ne jouissait pas de tels dons et ne pouvaient pas toujours se projeter dans la peau de ceux qui en découvraient les possibilités. La crainte l'emportait sur la fascination, pour l'instant du moins. Et ça, le Shoni le comprenait parfaitement.

On... on peut pas devenir des héros si on... on est pas bienveillant avec le... peuple, pas vrai ? Soulignait-il, comme pour convaincre son petit interlocuteur de ne pas insister sur cette voie là.