Les épreuves approchaient.
Osamu se questionnait réellement sur sa participation, ô combien conscient que la cité comptait des élus plus entreprenants et assurés que lui - En témoignait l'apparition du blondinet à l'explosive bénédiction qui lui était tombé dessus il y a peu. Ce n'était d'ailleurs pas sans une certaine appréhension qu'il retournait dans les parages... Néanmoins, la voie martiale représentait son seul salut et il ne pouvait donc s'y dérober. Au contraire ce type d'expérience quoique stressante le rapprochait de son utilité première en tant qu'individu : Se confronter à autrui afin de servir.
Dans sa sphère de solitude et d'abattement, le poisson de sable préférait largement les exercices à l'écart de ses contemporains, mais force est de reconnaître qu'un tel isolement restait contre-productif. Oui, intimement, il le reconnaissait. De là à changer sa triste routine ? Non.

Même dans le malheur, le confort primait sur la sagesse. Et l'inconnu le terrifiait.  

Aussi il avait pris soin de s'exiler dans un coin du stade, respectant des distances invisibles afin que son aura négative ne capte pas l'attention de prédateurs quelconques. La zone s'avérait de toute manière en pleine effervescence puisque déjà des aménagements s'ajoutaient afin d’accueillir l'événement aussi imminent qu'éminent.

Il ne perdait pas de temps, révisant ses mudra afin de provoquer des levées de sable tout autours de lui. S'arrêtant par instant comme pour surveiller les alentours d'un œil torve. La bête blessée s'était dorénavant renfrognée, prête à mordre. Du moins ici. Il n'y avait bien que dans un tel espace ou sous l'impulsion d'un ordre prononcé par son seigneur que le Shoni exhibait une modeste part de détermination. Pour satisfaire les désirs de son maître il était prêt à tout, mais seul, que pouvait-il prouver si ce n'est sa médiocrité habituelle ou son désœuvrement ? Le stade ne représentait pas à ses yeux un lieu plus réconfortant que les autres, mais au moins lui permettait-il de cultiver ses compétences ; les moyens de parvenir à ses fins.
Bien qu'il y aurait du travail.
Les enseignements - ou sentences, même si son esprit cassé ne les considérait plus comme telles - prodiguées par son père sortait d'une logique propre à la vieille école, un temps où les manœuvres rapides et sournoises primaient même sur les affrontements directs, un temps où le Ninjutsu n'existait pas.
Une ère définitivement dépassée... au grand dam des anciens prodiges du Bokusoumari.

En vérité, cette révolution constituait sa seule et unique chance de répondre et même dépasser les attentes de son père. Et surtout du seigneur Shinryo Gentoki, duquel dépendait tant de machinations aussi troubles que naturelles dans le cadre du jeu des noblesses.

Une lueur d'espoir pour Osamu. Même si elle ne fendait que rarement sa moue, elle était bien présente, s'assimilant même à sa raison de vivre.
Il ne devait rien lâcher.

   

Une entrée en matière moins abrupte que le dernier protagoniste rencontré sur ce même terrain sablonneux.
Pourtant, Osamu n'était pas dupe : Cela sentait le racket à plein nez. Son interlocuteur semblait légèrement plus âgé que lui et évidemment plus assuré, exposant son sang-froid en même temps que le prix à payer pour cette rencontre d'infortune : Miser. Mais miser quoi ? Il ne détenait rien de valeur, et à n'en point douter, en cas de défaite, ce nouveau rival lui prendrait tout.

La machine reprenait ; respiration plus courte, rythme cardiaque accru, les sens en émoi. Il ne ferait pas la même erreur que la dernière fois et prendrait les devants avant qu'il ne soit trop tard !

L'accomplissement vivace de signes incantatoires constituait sa première réponse à l'intrusion du garçon à la chevelure pâle. La terre s'effritait alors jusqu'aux pieds de celui-ci, comme pour le menacer de ne pas faire le pas de trop.

Je...je n'ai rien!... Se justifiait-il après coup, confirmant qu'il ne semblait pas prendre l'invitation comme telle mais plutôt à la façon d'une agression. Par anticipation.

Ce n'était pas le même profil que le blondinet. L'un explosait à l'instar de ses arcanes, lui semblait seulement poser son jeu, fatalement, calme et serein. Cela le rendait-il plus avenant aux yeux du globuleux ? Certainement pas !

...Je préfère être seul ! Tentait-il, conscient que comme d'habitude, ce ne serait pas si simple.

Ses yeux alertes vibraient constamment sans ne jamais s'engouffrer réellement dans le regard adverse. Ainsi fonctionnait le Shoni, attentif mais suffisamment consciencieux pour capter une scène ou des séries d'action sans tomber dans le dévisagement d'autrui - une épreuve trop difficile pour lui.

Spoiler:

   

Du sable blanc, doux et léger...
Osamu se serait laisser absorber par une telle atmosphère si le contexte ne le rappelait pas à la prudence. Puisque derrière les paroles de surface, il demeurait toujours le fond, bien plus hostile et pressant que tout autre type de réflexion : Effectivement, l'arcane hivernal au delà de sa splendeur fomentait déjà une réalité plus tragique. Les flocons s'amalgamaient au dessus de la tête de l'intrus, sculptant à mesure de leur fusion un stalactite assurément acéré...

Voilà pourquoi le piteux héritier d'une famille mineure s'était empressé de marquer le sol de son chakra. Malgré tout, il apprenait de ses erreurs, et le souvenir de la charge de son précédent adversaire alors qu'il espérait que ce dernier ne tourne les talons restait amèrement gravé dans sa mémoire. Ici, dès lors que des signes incantatoires avaient été accomplis, il s'était tel un miroir calqué sur les mouvements adverses afin d'anticiper une potentielle mauvaise posture.
Aussi, lorsque la flèche de givre fendait l'atmosphère sous l'impulsion de son propriétaire, le Shoni lui s'occupait déjà d'accomplir sa propre gestuelle de manière à lever une vague sablonneuse prête à dévorer le projectile chakratique.

Un mince sourire en coin. L'espoir dans la détresse.
Mais tout de même... La dernière fois, il n'avait rien fait et son adversaire s'était empressé de lancer l'assaut. Ici, il s'était préparé en guise de sommation et son nouvel ennemi y voyait le motif parfait afin d'inaugurer le premier sang - heureusement en vain. A croire qu'en ce lieu, les invitations ne pouvaient se refuser... Un jour, deviendrait-il celui qui tomberait net sur un autre quidam solitaire ? Une question qui resterait en suspend.

Puisqu'en l'état, la protection granuleuse qui venait d'éclater en un nuage de poussière lors de la confrontation des matières ne laissait place qu'à une silhouette de crapaud, bondissante, poursuivant son trajet jusqu'à gagner son objectif : Celui qui lui faisait face. Oui c'était à son tour de fuser vers l'avant, faisant fi de la peur qui lui tiraillait les tripes. Loin d'être un imbécile, Osamu savait que la clé de la victoire reposerait sur la rapidité dans l'action, puisqu'il partait toujours fatalement du principe que ceux qui le provoquaient ne feraient qu'une bouchée de lui.

A peine à distance convenable qu'il dégainait son katana, exécutant quelques premières frappes simples à la façon d'un automate ; toujours aucune implication visuelle ; des coups standards qui ne constituaient que la pointe de l'iceberg. Sa longue lame s'échappait de ses mains au cours de l'échange, et déjà il s'accroupissait abruptement, un de ses genoux craquant même sous l'effort soudain. Au tour du wakizashi de rentrer en jeu : Cette fois-ci pour appliquer une double entaille nettement plus vivace et précise au niveau des tibias, du haut vers le bas, du bas vers le haut, tel un violoniste jouant de son archet.  
Seconde leçon apprise : Neutraliser les appuis. Dans une prolongation de l'affrontement comme son avortement par la fuite, cela servirait sa cause.

Je ne sais pas! Je veux la paix, juste la paix!!... p... prend mon katana!... tu as gagné! Clamait-il, vraisemblablement toujours paniqué et incertain quant à la réussite de sa manœuvre, déjà occupé à amorcer l'étape suivante.
Celle qu'il maîtrisait le mieux.
Se barrer en courant, tant que son souffle et ses muscles le lui permettaient.
Tout ça pour ça, et pourtant c'était si évident. Jamais il n'aurait affronté frontalement un adversaire aussi sûr de lui, ni essayé de le leurrer au gré d'un début de rixe, si ce n'était justement pour pouvoir baisser sa vigilance et passer derrière lui dans le seul but avoué de s'échapper...

On ne se refaisait pas en un jour.

Spoiler:

   

Un échec.
Un de plus à son palmarès - La défaite se faisait d'autant plus amère lorsqu'aux actes par ailleurs surprenants s'ajoutaient des "leçons" tout aussi écrasantes. Car la première, il s'était essayé à l'appliquer, avait tout bonnement été avortée par une attaque dans le dos. Bien qu'il n'en avait pas vu la forme exacte, la vision fugace du clone créait les connexions quant à la résolution de ce mystère. Quelle maîtrise incroyable...

Osamu avait déjà abandonné, misant tout sur la fuite à ses risques et périls. La glace l'avait heurté, puis il avait chuté, et son ennemi s'était même emparé du col de son kimono afin de le redresser malgré son manque de conviction. Humiliation.
Ses jambes cotonneuses ne répondaient plus désormais, aussi il vacillait lorsque l'emprise se relâchait, et remettait genoux à terre. Ses paumes de plaquaient au sol, non pas dans le but d'éveiller le sable mais bien d'extérioriser sa résignation. Il tremblait. Mais ce n'était plus la honte qui le perturbait en son for intérieur, puisque quand bien même il pouvait esquiver le regard, son ouïe quant à elle percevait pleinement les propos.

Impossible de fuir... si tu es avec des amis ?

Ce concept ne lui avait jamais traversé l'esprit... une triste réalité qui s'imposait difficilement à lui. Loin d'en rejeter l'idée ni la logique, le fait est que ce genre de situation ne collait pas avec ce qu'il était : un pitoyable être humain sans cercle d'intimes ou même de réels collègues. Sa formation elle-même consistait à accomplir des missions brèves et en solitaire, par la furtivité et l'effet de surprise. En cas d'échec, il avait été rôdé pour résister au delà de l'imagination à la douleur et autres supplices de tortionnaire - Même si ce n'était pas parfait, son esprit s'était tant brisé au gré des épreuves que son système nerveux s'emballait ou s'éteignait en fonction des situations afin de les "gérer". Et ce dans l'unique but de faire son office, dans la réussite comme dans une ultime défaite.  

Mais envisager de lutter avec des camarades, voire même veiller sur eux ? Ce n'était pas son rôle. Du moins, ça ne devait pas l'être. Ce n'était pas prévu ainsi. Si ?

Perturbé, le Shoni ne parvenait pas à répondre à toutes les requêtes adverses. Dans l'incapacité de se relever immédiatement, il ferait au moins le minimum, car étrangement cette notion semblait lui délier la langue. Une voix fluette et hésitante s'échappait alors, néanmoins plus calme que tantôt.

Shoni... Osamu.  Soufflait-il.  
Je... je me bats seul... mais j'ai essayé de te leurrer avec mon premier assaut je...  Se perdait-il en justification via une intonation trop basse pour paraître constructive, je veux pas que tu gardes mon sabre.........  Abandonnait-il finalement, misérable mais sincère quant à l'idée de cette "mise". Sans doute osait-il revenir là dessus parce que son adversaire s'était montré plus doux que bien d'autres interlocuteurs.

Laisse moi... j...je ne fais pas le poids...

Ses bras se pliaient, les coudes touchant à leur tour la neige avant que son visage ne vienne se lover entre eux.
Nul.

Spoiler:

   

Que se passait-il ?
Son aîné se jouait-il de lui ? Nombreux étaient ainsi ; lorsque les hostilités n'étaient pas sitôt assumées par ses détracteurs, elles prenaient des détours rendant la sentence plus dure encore à supporter. Le piteux poisson de sable digérait peu à peu son incompétence, se questionnant ainsi à mesure des paroles de son interlocuteur... qui semblait honnête. Il ne bronchait plus, aucune forme d'enthousiasme ni la moindre étincelle n'exultaient malgré les ondes positives projetées par le combattant des neiges, jusqu'à ce qu'une main se pose sur son épaule.
Un sursaut, puis plus rien.
A nouveau l'écoute, insondable. Le menton toujours baissé.
La réalité, c'est que le Shoni hésitait à reprendre l'affrontement, soudainement. Revenant sur sa fataliste conclusion pourtant sincère afin de tuer cette ébauche de traquenard avant que cela n'aille trop loin. Car il ne savait pas s'il pouvait lui faire confiance. On ne lui avait martelé qu'une chose durant ces dernières années : Apprendre dans la solitude, vaincre ses cibles désignées par tous les moyens, ne rien lâcher en cas de défaite. Il ne devait pas seulement être une ombre...
... mais bien un anonyme. Duquel on ne saurait rien tirer, dans le bien comme dans le mal. Juste devenir l'outil d'une personne - Un outil simple mais fiable, quelle qu'en soit la qualité intrinsèque.

Sa bénédiction avait à la fois servi ce but déterminé par son paternel et annihilé le cadre initial, puisque étalant son champ des possibles. Il avait gagné en valeur et en utilité potentielle, mais aussi en éventuelles prétentions... même s'il ne le réalisait pas encore.
Et ce jeune homme, Shitamuki Hyozan, semblait aujourd'hui même bien décidé relever cette piste.
Alors... bienveillance ou magouilles perverses ?

Le piteux protagoniste s'était mollement redressé, et l'espace d'un instant son regard avait timidement croisé celui de l'adversaire comme pour y chercher une réponse... ou plutôt l'énergie de décider lui-même de la réponse.

J... Ma sœur... c'est pour elle que je m’entraîne... Avouait-il sans s'attarder sur les apparentes flatteries. Mais elle est en... sécurité... Je... c'est pas prévu que je tr... travaille en équipe, je crois, je dois juste devenir... fort... et...

Il ravalait sa salive, son regard se portant discrètement sur son wakizashi. Sa place n'était peut-être tout simplement pas dans une arène, que ce soit dans le cadre du Bokusoumari ou d'un champ de bataille. Son potentiel se révélerait ailleurs, tout simplement... Il n'y aurait pas que des élus dans sa ligne de mire, et il fallait bien des agents comme lui afin de faire le sale travail confié par la caste supérieure. Est-ce que le Seigneur Gentoki le garderait sous sa tutelle s'il s'échappait de sa condition ?
Une question délicate et qui lui faisait peur, même si tout cela le dépassait. Mais après tout, apprendre de l'habilité d'un autre n'engageait à rien... alors peut-être qu'accepter la proposition de son rival actuel ne serait pas un mal, même s'il ignorait tout de lui. Un ami ? Le Shoni ne savait pas vraiment comment se comporter avec autrui, même sa relation d'antan avec sa petite soeur ne constituait plus qu'un souvenir enfoui.

Co... comment tu as fait... pour te dédoubler ? Demandait-il sans quitter sa bulle, à la manière d'une personne encore en train de bouder.