Les récents évènements de la Ceinture Noire ont inquiété tout le monde. Même si la Triade était au devant de la scène, les mains dans la merde et le sang, les autres clans fondateurs n'étaient pas en reste. Grand Érudit de la Forêt Blanche comme Seigneur de la Loge de Perfection détenaient leur part de responsabilité dans cette affaire : car ils avaient sous-estimé les premiers symptômes de cette contamination d'ampleur. En effet, après que les mercenaires Yagyū Sadaharu et Shinryo Yuugen avaient enquêté sur cette étrange maladie infantile, et avaient déniché une source d'énergie capable d'empoisonner un homme adulte à son contact, rien n'avait été fait pour corriger le tir. Cette source, souterraine, avait été laissée pour compte, presque muselée. Jusqu'au jour où le libre-arbitre fut sacrifié sur l'autel de la Doctoresse. Dès lors, abrutie par une puissance obscure, la plèbe se releva, et saccagea la banlieue sud-est d'Asatsuyu d'une agressivité admirable. Y avait-il un lien entre cette vague fatale d'asservissement et la source de la maladie infantile rongeant subrepticement le Quartier des épices depuis des mois ? Selon toute vraisemblance, les experts se réunissaient de concert pour l'affirmer.

D'un côté de la scène du village, au sein de la Cour de l'Ascension dorénavant privé de son Monolithe, les hautes instances du clan Kodama se convainquirent d'envoyer l'un de leurs plus précieux alliés sur le terrain, en compagnie d'une troupe de trois Érudits, dénués de tout chakra. L'objectif était simple : sillonner les galeries de l'Hypogée en direction de la source, que Shinryo Yuugen avait autrefois trouvé, et ainsi essayer de résoudre le problème. Même si les récentes turbulences du clan Shinnin, par l'initiative de la nouvelle Triade, avait isolé la Ceinture Noire, et donc la partie de l'Hypogée se trouvant sous elle, Bō Takeshi avait offert à ses alliés Érudits la possibilité de passer outre l'embargo. Ainsi, @Ameyūri Tengen et ses compagnons scientifiques disposaient d'un laisser-passer nominatif pour rejoindre les souterrains de la Ceinture Noire, au cas où ils rencontraient des problèmes légaux sur place.

De l'autre côté de la scène, coincé dans la banlieue crasseuse du village, se trouvait une ancienne alliée du clan Kodama, ayant rejoint les rangs du clan Shinnin, mais surtout ceux de Jin. @Tomoe Mirai avait déjà entendu parler de cette maladie infantile de la bouche de son ami d'enfance Yagyū Sadaharu, et était assurément impliquée par ce mal, de par sa gestion d'un orphelinat. Aux dernières nouvelles, si une Troisième Ancre existait bel et bien, menaçant la Ceinture Noire, et donc tout espoir de rédemption, il ne pouvait s'agir que de cette source souterraine. L'occasion d'y jeter un œil, tout en essayant de dénicher un sauf-conduit au travers de l'Hypogée pour espérer pouvoir sortir en toute liberté de cette prison à ciel ouvert. Mais il faudra faire preuve d'une discrétion toute particulière ; car des cas de villageois appréhendés ont déjà été recensés, après de vaines tentatives de fugue.

Malgré vos deux chemins opposés, vous disposez du même objectif. C'est dans les entrailles de l'Hypogée que vous vous retrouvez, au détour d'une galerie, sous la Ceinture Noire. L'un est du bon côté de la Triade ; l'autre a rejoint les rebuts qu'il condamne. Mais est-ce bien important face à l'éradication des stigmates de l'Empereur-Roi ?

Malgré mes récentes recherches, il m’avait été impossible de mettre la main sur un passage viable pour l’Hypogée depuis la Ceinture. Ma dernière tentative s’était soldée sur des galeries effondrées et impossibles à creuser. Après que les rumeurs sur la troisième ancre cachée dans les profondeurs me soient parvenues, je m’étais mise en tête de me lancer sur sa piste - Takeshi avait probablement raison, tout n’était pas terminé.

Empruntant le tunnel de Karasu de nuit, il me fut assez simple de passer outre la méfiance des gardes avec mes derniers dons. Abandonner les enfants me faisait mal au coeur mais je devais tenter de régler pour de bon cette affaire de contamination : Seijaku ne pouvait pas tout faire à chaque fois pour le peuple. Et puis d’en bas, j’aurais peut-être plus de chance de trouver un accès pour la Ceinture…

Les repères m’avaient facilement permis de retrouver ma route jusqu’à l’entrée des sous-sols. J’utilisais régulièrement mes sens en quête de la fameuse ancre - mais ce fut une énergie tout autre qui se dévoila à mon regard. J’aurais pu me cacher, mais il s’agissait peut-être d’un signe du destin. Croisant les bras et armée d’un fin sourire aux lèvres, je descendis ma capuche pour être plus facilement reconnaissable de l’érudit - ignorant alors qu’il pouvait me détecter tout comme moi je l’avais fait.

- “Tengen… Je ne pensais pas te croiser ici. Je suis venue pour détruire la troisième ancre, à défaut de pouvoir aider pour celle de la place. Et j’en profite aussi pour trouver une entrée qui mène à la Ceinture Noire, j’ai un orphelinat à évacuer dans les plus brefs délais.”

Autant jouer carte sur table. Tengen n’était pas un Tsukuri, la guerre civile devait assez peu le concerner. J’ignorais même s’il savait que je n’étais plus une Kodama.

- “Et toi, qu’est-ce qui t’amène ici avec ta troupe d’érudits ?”

Les autres n’avaient aucun pouvoir, je ne me sentais pas vraiment en danger. En y repensant, je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de fréquenter le jeune homme depuis son étrange appel au rassemblement nocturne - en dehors des expériences sur la pierre rouge où nous n’avions même pas échangés un mot. Il était d’ailleurs plus charmant que dans mes souvenirs.

En plein milieu du néant, l'alchimiste et la brute se rencontrèrent enfin, accompagnés de la troupe d'Érudits ayant visiblement accepté cette mission en connaissance de cause. La traque de cette « Troisième Ancre » n'était pas sans danger. Les prémices de cette maladie, alors infantile, avait déjà fait couler de l'encre, et causé de nombreuses victimes. Mais l'évolution de cette contamination, lors du putsch de la Doctoresse, avait écrasé toute concurrence. Personne ne pouvait rester indifférent face à ce drame. Et ces trois scientifiques n'en représentaient pas l'exception. De plus, peu avant la mise en place de cette expédition, les mesures drastiques de la nouvelle Triade – le controversé Bō Takeshi – avaient sillonné aux quatre coins du village pour annoncer une vérité dérangeante. Le mal insidieux serait toujours d'actualité, et l'Aruji désirait mettre sous quarantaine tous les contaminés dans la Ceinture Noire le temps de trouver un remède. Sur le plan de l'éthique, cela posait un problème de taille. Par chance, les scientifiques étaient rodés à ce problème inhérent que connaissait la science. L'un des trois compagnons de Tengen, notamment, ne voyait pas l'ancienne Shosei d'un bon œil.

« Vos enfants pourraient être contaminés, madame. »

Sa crainte devait être prononcée de vive voix. Le scientifique se sentit comme soulagé, face à cette vérité explicite qui paraissait à ce point dérangeante, dans cette situation ambiguë d'enfermement souterrain.

« Vous devriez décaler cela à plus tard, pour le bien du village. »

Il n'y avait aucun jugement dans le timbre de sa voix. Il utilisait seulement sa logique pragmatique pour débattre du sujet – ce qui, dans les faits, était d'une inutilité impérieuse face à l'amour d'une mère d'adoption.

« Dans tous les cas, on aura besoin d'aide pour trouver cette fichue source de contamination. » poursuivit-il d'un revers de la main, incertain de vouloir jouer aux juges. « Tenez. Nous avons des remèdes en plus, pour lutter contre les effets néfastes de cette "Ancre". Un cadeau de Yagyū Sadaharu.
— Il aurait pu finir le boulot, tout de même, quand il a trouvé la source...
— Personne n'aurait pu savoir ce qui allait se passer, Kiro.
— Mouais. »

L'Érudit avança de quelques pas, et posa la fiole en verre sur le sol, à distance de Tomoe Mirai. Elle même venait de la Ceinture Noire – il valait mieux prendre des précautions pour ne pas transmettre le mal.

« Ça agit en à peine une minute sur l'organisme, et dure à peu près quinze minutes. »

L'homme de science, chargé du transport de ce précieux remède, disposait de onze fioles restantes dans sa bandoulière. Les quatre Érudits disposaient initialement de trois produits chacun, afin de boucler cette affaire en quarante-cinq minutes. Une cinquième personne se rajoutant à l'équation, il fallait maintenant rationner le nectar.

« On vous suit, Gakusha. »

Tengen avait su entrer très rapidement dans mes bonnes grâces. Si je n’avais pas un bon souvenir de notre première rencontre, ce dernier était bien plus rusé que ses accompagnants.  Je mis de côté l’énervement qui montait en moi pour répondre plus calmement, apaisée par la réaction prévenante du blondinet.

- “Ils sont contaminés, tous ou presque. Et je le suis aussi. C’est pour ça que je suis particulièrement concernée par cette histoire d’ancre. Donc je suis ici de mon propre chef, pour sauver la Ceinture et ses habitants. Les miens sont trop occupés à s’entre-tuer pour ça.”

La réponse était autant pour le scientifique que pour Tengen, alors que dans le même temps la fiole disparaissait dans ma tenue.

- “Vous semblez bien plus au courant que moi… Et si les informations viennent de Haru, je gage qu’elles sont fiables. Je suis avec toi Tengen, mais je me garderais de tout contact. La maladie se propageait par le contact pendant l’épidémie, j’ignore si c’est toujours le cas maintenant qu’elle est en sommeil.”

Une chose me revint en tête.

- “Je ne sais pas si vous le savez, j’ai fait passer l’information à la nouvelle Triade mais… L’onde de choc qui a traversé la ville à la fin de la contamination, c’est la même qui a transformé plusieurs habitants devant moi. Il y a de fortes chances qu’une grande partie de la population à l’intérieur des murs soit elle aussi contaminée…”

Je me mis aux côtés de Tengen, exprimant ma situation un ton plus bas pour ne partager l’information qu’avec lui.

- “Je ne suis plus une Kodama, Tengen. Je soupçonne le clan de cacher des choses sur la disparition de Sadaharu. En fait, je suis une Justicière de Jin maintenant. Enfin, quand il voudra bien réapparaître. En attendant, je suis prise dans une guerre civile”

Mon ton était informatif, j’avais appris à faire avec les évènements, à mettre de côté mes angoisses. Elles ne me feraient pas avancer. Je ne perdais cependant pas de vue mes deux objectifs : mettre à l’abri les enfants et retrouver Haru. Tout le reste était secondaire.

Aujourd’hui je n’avais pas le choix. Je devais me fier à un Kodama.

Le Shosei accusa la méthode de son supérieur comme un viol. À Kusa, il était rare que les habitants fassent preuve d’autant d’irrespect, de malveillance. Car la main posée sur la bouche de l'Érudit était assurément déplacée – indigne des responsabilités qu'avaient attribué les hautes sphères du clan à Ameyūri Tengen. Sans compter les deux camarades à ses côtés, le scientifique aurait très certainement vrillé, sous couvert d'indignation, et décrire le comportement du Gakusha par mille noms d'oiseaux. Mais l'intégrité du groupe, comme cette mission qui peinait à se lancer, devaient néanmoins passer en premier. Seul un regard noir réussit à passer la censure des Shosei, qu'ils s'infligeaient entre eux pour ne pas aggraver la situation. Pourtant, ils avaient déjà tant à dire. Un Gakusha qui abuse de ses droits ? Une pestiférée qui souhaite délibérément transférer les siens dans le village ? Une complicité flagrante entre ces deux alliés devenant peu à peu les antagonistes du clan Kodama ? Même si la jeune femme s'était assurée de susurrer à l'oreille de son ami des informations privées, les trois Érudits n'eurent aucun mal à deviner les mots, et donc le sens de son message, du fait du silence de tombe régnant dans les souterrains. Voici le contexte dans lequel les trois Shosei allaient devoir évoluer – pour le meilleur et pour le pire. S'ils avaient été sereins en acceptant tantôt cette mission, en toute connaissance de cause quant aux dangers éventuels, ils redoutaient maintenant leur destin. Jusqu'à commencer à penser à rebrousser chemin pour rentrer en sécurité.

« Quel est le plan, Gakusha ? »

Plus qu'une demande solennelle, ce fut un examen pour cerner la légitimité de leur supérieur dans cette affaire. Méritait-il son grade, ou avait-il floué le clan comme il semblait pouvoir le faire à tout moment dans l'Hypogée ?

« Nous sommes sur le bon chemin, mais l'emplacement n'est pas précisé. Et au vu de ces nombreux tunnels qui s'entremêlent dans tous les sens, on risque de se perdre, ou de perdre simplement du temps, avant de tomber sur la source. Quelle est votre botte secrète ? Vous avez quelque chose, pour sûr ? »

Je ne savais pas vraiment ce que Tengen avait en tête mais la frustration de ses alliés ne m’avait pas échappé. Même si j’avais une forte envie de me débarrasser d’eux, par défiance, ils pouvaient être utiles - pour les besoins de la mission, il me fallait faire un effort. Et cela pouvait commencer par leur montrer que je pouvais participer activement à leur entreprise.

- “Je suis capable de détecter les énergies magiques et je connais plutôt bien celle que nous cherchons. Mémoriser ces choses fait partie de mes dons, en plus de pouvoir les repérer. Il nous faudra peut-être chercher un peu à l’aveugle au début mais dès que nous aurons une piste, je serais le plus fin des limiers. Je ne suis pas venue ici au hasard, Sadaharu était comme un petit frère pour moi et c’est en suivant ses récits que je suis arrivée ici.”

Assez de palabres, Mirai, il te fallait maintenant joindre les actes aux mots. Prenant la tête du groupe en espérant que les kodamas acceptent notre alliance de circonstance, je mis en éveil mes sens surnaturels à la recherche du chakra tant convoité. J’avais eu l’occasion de le sentir, de l’enregistrer. Sans compter le fait qu’il était latent en moi. S’il y en avait la moindre trace dans le coin, je ne pouvais pas la manquer. Du moins, c’est ce que je ne pouvais m’empêcher d’espérer secrètement. Sinon, nous perdions juste notre temps à errer dans le noir.

À l'inverse de l'Érudit en charge de cette expédition, l'ancienne Shohei décida de prendre les choses en main pour défaire une bonne fois pour toutes l'influence néfaste de la « Troisième Ancre ». Même si elle ne disposait d'aucune information tierce en rapport à ce mal, elle pouvait compter sur la présence des trois scientifiques, disposant respectivement de remèdes, d'un sens de l'orientation dans les souterrains affûté, et de compétences martiales pour défaire une quelconque menace. Faisant fi de la scène du Gakusha, les hommes du clan Kodama emboitèrent alors le pas de la dame, misant sur sa sensorialité pour les guider jusqu'au nid de vipères.

« Merci de nous aider, encore une fois. Et... désolé pour ma remarque de tout à l'heure. Je ne voulais pas me montrer irrespectueux. Je surestime peut-être cette contamination. »

Les présentations faites, l'escouade n'avait plus qu'à poursuivre son chemin vers l'endroit présumé de la source de la maladie infantile, découverte notamment par Sadaharu, dont l'amitié avec Tomoe Mirai confortait la légitimité de cette dernière dans l'affaire. Ainsi, grâce aux informations récoltées en amont, l'Érudit chargé de la cartographie – et du marquage des galeries empruntées – guida les siens au plus profond des ténèbres. Sans échanger de paroles superflues, ils progressèrent de concert, ignorant le comportement de leur meneur officiel, dont ils avaient choisi de taire les ordres au profit de leur mission. Pendant de nombreuses minutes, le groupe s'enfonça dans les entrailles de la terre, encore et encore, investis d'une nouvelle conviction quant à la réussite du projet. Après les affres du Gakusha, ils prenaient goût à cette nouvelle hiérarchie, chacun étant considéré à sa juste valeur.

Jusqu'au moment une fausse note vint se glisser sur la partition de leur épopée.

« Je sens... quelque chose. »

L'éclaireur n'avait aucun don de sensorialité, ni de sixième sens. Néanmoins, quelque chose trifouillait son organisme, l'irritait, le démangeait, l'attaquait. Il échangea un regard avec ses compères ; et, après quelques secondes, et quelques pas, partagea son intuition aux autres.

« Maintenant que tu le dis... j'ai un goût de fer sur la langue, précisa le garde du corps.
— Vous pensez que c'est à cause de l'Ancre ? demanda le cartographe. »

Les poils de l'homme aux fioles se hérissèrent comme un seul homme.

« Si c'est le cas, il faut ingérer un remède. Je ne veux pas risquer l'empoisonnement. »

Le concerné porta aussitôt sa main à sa bandoulière, prêt à avaler une concoction.

Les excuses étaient sincères et je n'avais ni l'envie, ni le loisir d'être revancharde. Nous étions tous ici pour une bonne cause, c'était le principal.

- "Vos inquiétudes sont légitimes. Je ne comptais pas faire entrer mes enfants dans la cité pour être sincère. Simplement les mettre à l'abri hors de la Ceinture Noire - des gamins n'ont rien à faire dans un climat de guerre civile. Mais à mon humble avis, il y a déjà beaucoup de gens contaminés en ville."

J'étais sincèrement rassurée d'avoir les érudits à mes côtés : alors que je m'étais lancée tête baissée dans les souterrains, leur minutieuse préparation de l'expédition nous faisait gagner des heures, si ce n'était des jours...

Je suivi rapidement l'échange, intriguée. Mes yeux n'avaient rien vu pour l'instant, mais je pris le temps de détailler un peu mieux les environs, jouant de ma mémoire chakratique dans l'espoir de retrouver la trace bien connue de l'origine de la maladie - autour de nous ou sur mes nouveaux alliés. Malgré tout quelque chose clochait quand même - moi, rien ne m'affectait.

- "Je ne ressens rien... Vous pensez qu'il est plus sage que je prenne quand même un remède ? Si la maladie me protège ou m'empêche de sentir ce qui vous affecte, c'est probablement que nous approchons... Il ne faut pas perdre une seconde de plus."

Mes sens en alertes, je pris les devants une fois les résultats de mon analyse obtenus et partagés avec mes alliés. Si j'avais une piste, je la suivrais. Sinon, le cartographe continuerait de guider mes pas. Remède en main, j'étais disposée à le boire, ou non, en fonction de l'avis des scientifique. Pour l'instant, je me sentais plus que bien - motivée comme jamais à débarrasser la ville de ce mal.

La présence du Gakusha était assurément de trop. Ou peut-être cruellement nécessaire ? Dans cette fenêtre d'incompréhension, où la décence professionnelle n'était plus qu'un lointain souvenir, l'alchimiste et proche ami d'Arai Kisaragi décida de retourner au bercail... pour quérir des renforts. Mais, en attendant, les trois scientifiques dévoués à cette cause n'avaient pas abandonné, et désiraient toujours aller au devant du danger pour sauver le village. Sous la tutelle de l'ancienne Shosei, ayant pris le contrôle de cette escouade par son témoignage touchant, les quatre partenaires évoluèrent dans les tréfonds du village, convaincus de leur réussite. Lorsque la femme leur demanda leur avis sur la consommation d'un remède face à cette mauvaise impression, l'homme ayant sonné l'alerte fonça aussitôt sur la perche, et se saisit d'un remède pour appuyer sa pensée.

« Avec le départ de ce bon-à-rien, nous en avons plein en réserve. Évitons de tomber bêtement malade.
— Je suppose qu'on peut se le permettre...
— Allez, cul-sec ! »

Après avoir partagé un élixir à chaque membre de l'escouade, tous l'ouvrirent pour en boire le contenu.


De longues minutes s'écoulèrent depuis la consommation du remède. Se fiant à la perception chakratique de la jeune femme, le groupe se rapprocha de la signature de la source de contamination – et ils purent confirmer ce fait par une nette aggravation de leurs symptômes. Si les premiers signes avaient bel et bien été ressenti tantôt, et avaient été balayés rapidement par l'effet palliatif de ce premier élixir, le Mal Noir commençait à revenir à la charge.

« C'était combien de temps, déjà, la durée d'effet du remède ?
— Quinze minutes. Ça fait quinze minutes.
— J'ai l'impression qu'on marche depuis une demi-heure...
— Ou dix minutes ? »

Le scientifique dodelina de la tête. Toute cette roche, omniprésente, le privait de ses repères.

« Et si on abuse trop de la préparation, ça fait quoi ?
— Aucune idée. »

Tandis que les deux hommes taillaient le bout de gras, une information parvint au sixième sens de @Tomoe Mirai. Elle ne pouvait pas en être persuadée, au demeurant, mais quelque chose semblait approcher dans leur direction – hélas encore trop loin du rayon de détection de la femme pour s'en assurer.

« Je vote pour en reprendre un. Et vous ?
— On pourrait attendre un peu. On a encore aucune idée d'où se trouve la source.
— Et si on y passe la journée... mentionna le dernier larron.
— Mirai ? L'un des trois avait retenu le prénom de la jeune femme. Tu nous entends ? »

Soudain, l'impression de l'élue aux capacités sensorielles se concrétisa – sous la forme d'un homme aux yeux bandés. Tout juste sorti des ténèbres des souterrains, sans aucune torche pour accompagner son chemin, l'être ne semblait avoir besoin d'aucun artifice pour se diriger. Au contraire ; on pouvait croire que c'était un jeu d'enfants.

« Je n'ai donc pas rêvé. Vous existez vraiment. »

La silhouette s'approcha du groupe, les mains levées, en guise de soumission, comme il l'avait appris des mœurs des Kusajin. Grâce aux torches des trois scientifiques, tous purent admirer la tenue élaborée sublimant le galbe du troglodyte, à laquelle on avait greffé un brassard atypique, doté du symbole 雨.

« Cet endroit empeste la Souillure. Comment faites-vous pour respirer ? »

Une veine noirâtre balafrait le visage blafard de l'inconnu. Les symptomes du Mal Noir avaient déjà assiégé son organisme. Il en était conscient ; et, pour le moment, cela ne semblait pas le déranger outre-mesure.

Le départ de Tengen avait été inattendu. Je me retrouvais alors seule avec les trois scientifiques - que je commençais d’ailleurs à apprécier. Fait à double tranchant, puisque je risquais de moins bien vivre un malheureux évènement les impliquant. Et plus nous avancions, plus mon instinct me hurlait que quelque chose n’allait vraiment pas ici.

L'élixir semblait agir, rassurant mes alliés alors que je ne sentais pour ma part aucune différence. Mes sens continuaient d’être notre principal repère, le cartographe m’aidant dans la mesure de ses moyens. Leur réflexion sur notre unique protection me fit tiquer :

- “Je suis très loIn d’être une experte mais, Haru résistait bien à ses préparations grâce à son don.”

J’étais prête à ajouter mon opinion sur une non reprise pour le moment - mais mon sens magique capta enfin quelque chose de concret : une présence approchant. Même si j’étais encore difficilement capable de confirmer mon impression, mon esprit s’accrocha à cette première rencontre - enfin, nous tenions peut-être quelque chose. Je restais cependant sur mes gardes, n’oubliant pas pourquoi nous étions là et ce que ce mal rampant était capable de faire. Pour répondre à mes alliés, je fus brève.

- “Nous ne sommes pas seuls.”

Mes mots furent appuyés par l’apparition d’une silhouette, un homme simple, bien vêtu, aveugle mais surtout - ostensiblement atteint par le mal qui rongeait les lieux. La prudence était de mise, je connaissais très mal les habitants du monde d’en dessous et celui-ci me semblait bien trop serein. S’il était conscient de son état, il était probablement dans le camp de notre antique nemesis.

- “Nous existons, oui et je possède un pouvoir capable de nous protéger, moi et mon groupe.”

Le mensonge était nécessaire. S’il était contre nous, il me prendrait pour cible - ce qui était mon but. J’étais la plus dangereuse du groupe et préserver autant que possible le porteur des fioles était une priorité.

- “Nous cherchons l’origine du mal qui frappe les souterrains proches. Seriez-vous disposé à nous aider dans notre enquête ? Sinon, je vous recommande de fuir au plus vite les lieux, l’endroit aura raison de vous dans peu de temps.”

Je masquais au mieux ma confusion face à l’étranger, ne sachant vraiment quelle était la meilleure marche à suivre. Je n’avais été une chef dans l’âme, bien plus à l’aise dans le rôle de force de frappe ambulante. Pourtant cette fois, je n’avais guère le choix. Et mes décisions pouvaient être lourdes de conséquences.

Afin de préciser mon choix instinctif, je fis à nouveau usage de mon troisième œil - produisant avec discrétion quelques signes dans mon dos, aidée de ma seule dextre. Je devais m’assurer que l’étranger n’était pas une trop grande menace pour mon groupe.