Asseoir son autorité Contrat de rang COuvrir

L’avant-poste de Bunji avait été dévoré par les flammes. En d’autres temps, Seido serait parti sur les traces des fautifs, de ces créatures qui avait réduit en cendre un emplacement stratégique et économique pour le clan Shinnin. Néanmoins, avec l’ascension de Bô Takeshi, ceci ne figurait pas dans ces objectifs premiers. Le chasseur souhaitait avant toute chose regarnir les réserves de nourriture de la Ceinture Noire, sans passer par des bâtiments dans lesquels le tyran pourrait à nouveau sévir. Les Ceinturiens en auraient grands besoins s’ils souhaitaient passer l’hiver. Malheureusement, un confinement encerclait la Ceinture, quelques hommes de la Triade à une tête étaient même éparpillés vers les frontières de la jungle de Kusa.

Lorsque le Yoaketsume annonçait une volonté d’expansion, et donc d’expédition, l'orphelin voyait cela comme son ticket de sortie. Non pas pour quitter la Cité Noire, mais pour l'approvisionner. Vouloir créer une colonie auto-suffisante n’était pas vide de sens. La guilde de la Griffes de l’Aube n’était pas à but politisé, elle souhaitait certainement s’éloigner des affaires dangereuses du clan Shinnins qui se profilaient. Pourtant, la plupart des membres étaient issues de la Ceinture Noire, comme son créateur, pour venir répondre aux besoins de protection des plus démunis. Il était impensable que la situation actuelle conviennent à la majorité des chasseurs de monstres. Ce désir d’indépendance cachait peut-être une autre vérité, et cela n’avait pas échappé à Seido.

Le chasseur fulminait quand on lui apprenait que la réunion se déroulerait au bar du “Souffle de Kusa”, en plein dans la Panacée à laquelle il n’avait pas accès. A moins de se faire massacrer sur place. Il avait vu les horreurs et le barbarisme cruel du tyran. Informant un collègue qu’il ne pouvait pas passer le confinement puisqu’il n’était pas dans les bonnes grâces de la nouvelle Triade, il était loin de se douter que le vétéran parmis tous se déménerait pour le blanchir. On lui demandait d’attendre non loin des portes l’arrivée de Wazamono Shinsipei, qui lui faisait signe de venir. Un peu méfiant et surpris, l’orphelin s’approchait avant de récolter des autorisations, et quelques reproches au passage. Les gardes n’attendaient qu’un pas de travers, l’instinct du chasseur le lui dictait, préférant les quitter avant de rapidement jeter un oeil aux papiers aux mots trop complexes pour être lu et de prendre la parole :

Un chasseur n’est ni proie ni prédateur chef.

Il n’était aucun et les deux à la fois. Un chasseur se devait savoir passer de l’un à l’autre en fonction de sa chasse, sans être acculé, ne s’interdisant pas le chaos mais sans jamais subir. Seido pouvait parler de chasseur à chasseur avec cet homme, il savait qu’il le comprenait et inversement : ils n’étaient pas des amateurs. Sous couvert de leur dialecte, une seconde conversation pouvait être perçue. Pour l’heure, leur parole pouvait tomber dans trop de paire d’oreille, préférant changer de sujet.

C’quoi l’prix à payer pour c’bouts d’papiers ? J’sais qu’z’avez pas dû avoir ça gratuit.

Leur chemin se déroulait jusqu’au bar qui avait été aménagé pour l'occasion. Nombreux étaient les chasseurs à s’être réunis à de grandes tablées, l’événement était singulier et les sourires et la détermination marquaient les visages malgré la conjoncture des récents événements. Seido ne quittait pas Shinsipei jusqu’à l’intervention d’un bambin, sans lui rappeler certains souvenirs. D’un air embarrassé, il lui avouait d’un sourire :

J’tais pas comme ça quand j’tais gosse quand même ? Fait’vos trucs chef, j’vais m’en occuper, j’vous dois bien ça.

Elle remontait à loin cette époque ou Seido réclamait des combats à ses aînés, armé d’arme tantôt en bois tantôt en corne, des armes artisanales qu’il s’était fabriqué faute de pouvoir se payer quoi que ce soit. Le gosse chassait depuis son plus jeune âge pour survivre, renforcé de sa seule témérité, poussé par la faim. C’était ce groupe de chasseur qui jadis, lui avait offert l’arme qu’il portait encore aujourd’hui à la ceinture, auquel s’était ajouté au fils du temps des énormes couteaux et un bouclier en os. S’approchant du héro au tabouret par derrière, il lui posait la main sur la tête, non sans lui tirer légèrement les cheveux.

‘Tention, gros monstre derrière toi, à c’qu’il paraît i’t’tient par l’ch’veux et t’mange d’abord les’yeux avant d’boire ton cerveau ! Heureusement qu’on peut en v’nir à bout non ?

Des rires s’élevaient à nouveau, deja bien présent suite à l’annonce de l’enfant. Certains verres s’étaient levés pour l’acclamer avec ironie parfois sympathiques, d’autres avec moqueries. Quand le petit lui dévoilait son visage, Seido le reconnaissait depuis la réunion de la Cité Noire. Évidemment, par “s’occuper” il avait sous-entendu au vétéran du Yoaketsume de veiller à la sécurité de Saigo.

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L’orphelin tenait par les cheveux le bambin sémillant qui prenait à présent une posture confiante, sous les encouragements des chasseurs. La prise de parole du chef de la Griffe d’Aube avait calmé l’engouement, laissant place à un calme discipliné, bien que jamais réellement silencieux entre les bruits de chaise, de verre ou de reniflement. Les temps sont noirs : c’est par cette phrase que le vétéran avait choisi d’attaquer son discours. Des mots qui n’avaient pas le même sens pour Seido. Un avis qui n’était pas isolé. Certains chasseurs s’interpellaient entre eux d’un regard, dans un élan patriotique, soupçonnant que l’expression n’avait pas été utilisée au hasard avec les récents événement de la Cité Noire.

Les autres n’étaient pas en reste, la maladie avait ravagé le ghetto, beaucoup avait perdu des proches, des amis, de la famille. Une ambiance pesante venait de s’instaurer dans le bar qui avait transpiré la vie précédemment. Le couteau avait été remué dans la plaie. Seido empoignait inconsciemment de plus en plus fort la touffe de cheveux qu’il avait pris en otage. Comme pour y rajouter une couche, Shinsipei le désignait comme l’un des Élus. Il détestait cette visibilité sur son don, ayant souvent prit soin de le dissimuler aux yeux des autres chasseurs. Il se battait avec les mêmes moyens que ses collègues, sauf cas extrême. L’orphelin trouvait son pouvoir, à double tranchant, trop instable depuis son apparition.

Le plus vieux des Chasseurs de Monstre faisait part de son inquiétude des Elus claniques à l'échelle du village. La chevelure cramoisie avait son avis bien tranchée. Les Dons ne changeaient pas les personnes, du moins la plupart. Un sale type restait un sale type, bien qu’il était aussi persuadé qu’il pouvait faire perdre le contrôle. Il l’avait déjà expérimenté, sans toutefois s’en souvenir, une impression désagréable. Dans tous les cas, la balance était légèrement au désavantage. Le Yoaketsume était neutre mais pas ses membres. Les chasseurs de la Ceinture ne pouvait qu’être consterné par le blocus et le sort qui s’acharnait sur leur quartier. Shinsipei le savait, il connaissait ses hommes. L’interprétation était libre de sens, il leur demandait de se battre sans impliquer les consoeurs et confrères de la guilde ou de faire l’effort de se retenir. Son amitié avec Bô Takeshi surprenait en premier lieux Seido. La négation qui suivait rappelait la réalité : ce discours était entendu par les sbires de la Triade.

Une seconde voix s'élevait, de nouveau, à quelques mètres, proche du vétéran. Alors que l’orphelin avait une touffe de cheveux dans les mains, Saigo était en train d'agripper les vêtements de la tête d’affiche du Yoaketsume, arborant sa nouvelle pelade sur le crâne. Regardant sa main vide du gamin, le chasseur était consterné, déboulant à travers la foule pour abattre son poing sur le dessus du crâne du gamin, le réprimandant. Le geste était brusque mais loin d’être excessif ni blessant.

Respectes l’chef p’tit. T’as du potentiel si on t’entraines, r’garde, c’t’à toi.

Il lui lâchait les précieux cheveux qu’il avait perdu tout seul, ce qui lui avait permis sa fuite et de rouler un chasseur d’expérience, bien servis par le discours de Shinsipei.

J’ajout’rai qu’à tout c’la, l’village a subi une attaque d’la part d’superprédateur. D’créatures de cinqs métres d’haut, vingts pour l’plus grand. J’y étais. Le Yoaketsume d’vrait r’vendiquer c’cadavres, ils sont sources d’c’sang qu’nous redoutons. On d’vrait découvrir leur point faible et d’mander au clan Kodama d’pousser l’recherches. Ca ralentirait au moins la profusion d’pierres. En s’occupant des menaces extérieures, on protége Asatsuyu. En ce sens, j’suppose que l’chef a d’ja décidé ou on s’installe. Vu qu’l’avant-post d’Bunji au Sud-Est à été détruit et qu’on doit être plus nombreux et plus forts pour r’vendiquer la zone, sans parler que c’pas l’menace l’plus imminente, ça m’étonnerait pas qu’on r’garde à l’opposé. Au Nord-Ouest, ç’nous permettra d’sonder d’ou sont v’nus ces superprédateurs qu’nous ont attaqué, d’découvrir d’nouvelles natures, et d’servir de relai avec c’nouveau pays qu’a débarqué : L’Toît d’Monde. J’vise juste chef ?

Seido ne souhaitait pas que Bô Takeshi soit l’heureux propriétaire de Bijuuseki, d’ou le rôle du clan Kodama, qui avait toujours su travailler avec brio avec la guilde : les relations étaient aux plus beaux fixes. Cependant, il ne pouvait le dire publiquement. Sa langue croulait toujours sous le poids de la censure. Vivement qu’ils sortent de la zone d’influence de la Triade, une discussion plus sérieuse devait s’imposer à l’extérieur des murs.

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L’ambiance avait changée, plongée dans les explications et le futur de l’escouade de la Griffe de l’Aube et de ses membres. Quand tous avaient compris quelle tuile représentaient quel choix, après plusieurs questions - parfois la même demandée à chaque coin de la pièce et qu’un calme partiel s’était à nouveau installé - occupés dans l’effrayant choix aux responsabilités pesantes, la voix de l’orphelin s'élevait à nouveau.

Confrères et consoeurs chasseur. J’saisis bien vot’ déception. Moi aussi, j’le r’grette. La question, en d’autres temps, c’s’rait même pas posé. Le Yoaketsume est né dans la Ceinture, par d’Ceinturiens, pour d’Ceinturiens, où nos racines s’trouveront à tout jamais.

Il est vrai que pour chacun, au fond d’eux même, avait la réponse. Beaucoup n’avait jamais envisagé le centre névralgique des Chasseurs de Monstres aussi loin : leur QG était la Ceinture Noire. Regardant leur chef à tous, l’Elu-Chasseur hôchait la tête d’un signe d’approbation, de reconnaissance et de remerciements. L’intervention du vétéran avait permis de proposer un ensemble de solution alternative à la situation actuelle, certains l’avait mal compris. Shinpisei leur avait laissé le choix, recentrant la question, ce qui aidait Seido à réaliser :

J’me suis perdu à parler d’avant-post, on pourra en faire autant qu’nécessaire par la suite, p’tit à p’tit. Le QG, on parle bien d’un lieux ou nous nous r’trouverons tous, ou nous boirons à nos victoires, nos trophées et nos réussites, après nos chasses, nos explorations et nos découvertes. Un endroit, ou nous rendront hommage à nos défunts en y racontant leurs exploits, duquel nous pourrons protéger c’qui nous est cher. J’n’acccepterai plus une attaque comme l’Loup Démoniaque. L’Ceinture Noire est pas abritée par d’murs et d’fortifications comme l’reste d’village.
Rappelez-vous qui vous z’êtes. Rappelez-vous, q’vous z’êtes les murs.

Nul besoin d’expliquer à ces hommes le reste du discours. Seido avançait d’un pas décidé vers le gamin, faisant craquer le plancher sous son poids à chaque pas lourd, plongeant sa main dans le sac de tuile. Les actes avaient plus d’importance que les mots. Un bois violacé y avait été tiré : la jungle luxuriante de Kusa. L’appel était clair. Le QG des Griffes de l’Aube était la barrière des Ceinturiens. Reprenant place auprès de l’ancien, il le mettait presque au défi, s’assurant qu’il vienne avec lui.

Merci chef pour l’rappel. On parie une chope j’connais plus d’endroits qu’vous qui f’rait une bonne base ?

Tout en surveillant du coin de l’oeil Saigo, pensant déjà au calvaire que cela serait en pleine fôret.

Tuile violette : jungle de kusa.

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Seido était aux aguets. Il triait le visage des chasseurs qui se saisissait d’une tuile violette, depuis le sac que le bambin baladait d’un coin à l’autre de la salle, reconnaissant et retenant parmis eux, ceux qui s’étaient toisés d’un regard chauvin aux premiers mots de Shinpisei : “Les temps sont noirs“. Le vote était clair. La jungle de Kusa accueillerait les Chasseurs de Monstre comme elle le faisait déjà avec ses tanières dissimulées en son seins, bien connues du Yoaketsume. Il était désormais temps d’en choisir une et de l’ériger comme leur refuge qui pourrait tous les recevoir à la fois. L’Antre de la Griffe de l’Aube allait naître. Dès demain, ils se mettraient en route. A cette annonce, les curieux disposaient et prenaient congés, beaucoup ne reviendront pas mais les quelques âmes convaincus étaient la bienvenue.

L’orphelin ne souhaitait qu’une chose, quitter ce bar. Mais face à la tournée qu’offrait le vétéran et le besoin de se démarquer des glaneurs de nouvelles, une choppe avait finalement été remplie en compagnie d’autres chasseurs qu’il avait repéré un peu plus tôt. Écourtant la beuverie, leur chuchotant discrètement que l’endroit n’était pas festif et avait des oreilles. Seido reprenait la route de la Ceinture Noire en passant par les Ruelles de Safran, récupérant du papier aux Milles Poissons et achetant haches et pioches au peu de marché habituellement dédaléen. Il passait les Porte d’Or sans problème, en présentant ses récents documents, bien que reluqué par la charge qu’il transportait. Il rentrait chez lui, dans un petit taudis situé près de la zone ravagées de la Ceinture Noire.

Il préparait ses équipements de survie pour le voyage, comme il le faisait parfois pour les longues chasses, s’étalant sur des jours, voir des semaines quand une proie d’exception faisait surface. Un petit étalage de pierre était entreposé au-dessus d’une cheminée de fortune, qui compensait les petits courant d’air provenant du seuil de la porte et de fenêtres mal entretenues. S’en saisissait d’une, il s’en servait pour aiguiser ses armes, puis deux autres étaient rangé dans ses affaires du lendemain. Il serait chargé comme une mule, il espérait qu’on l’aide lors du voyage. Il devait à nouveau se rendre au Souffle de Kusa avant l’expédition, peut-être qu’on allait lui reprocher d’avoir passé la nuit chez lui, peut-être pas. L’argumentaire était vite choisi, on lui avait demandé de se préparer et il était prêt.

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