No Time to Die.
Fin d'Hiver, An 2
Nuit tombante. Nuit tombée. Ceinture noire. Là où la vie ne s’arrêtait jamais exactement. Nuit et jour. Jour et nuit. Mais pas exactement les mêmes êtres humains qui y rôdaient. C’était peut-être cela qui pouvait le plus effrayer avec cette partie de la grande Cité. En ces lieux sombres, la nuit pouvait dévorer un homme sans jamais le rendre à sa famille. Beaucoup le disaient dorénavant, il fallait énormément de courage pour se rendre en ces lieux obscurs. Dangereux, comme ils aimaient à le dire. Pourtant, ce n’était jamais vraiment ceux qui y logeaient, habitaient et dormaient qui en parlaient mais ceux qui ne connaissaient justement pas le quartier. Ceux qui l’avaient justement nommé de la sorte. Noire. Elle ne l’était pas pour les connaisseurs.
Marchant au lent rythme qui accompagnait l’âge, bâton de berger dans sa main gauche, Kazune ne craignait pas les lieux. Il avait depuis longtemps appris qu’il n’était pas une cible, sinon pour être tabassé. Mais à quoi bon tabasser un vieux qui n’avait pas d’argent ? Juste quelques bêtes. Tout le monde se fichait bien de lui. Ou alors, ils l’aimaient encore bien, parce qu’il détournait les yeux face aux vices des plus jeunes. Il n’aimait pas cela. Mais il était trop vieux pour les arrêter. Il ne disait rien, ne faisait rien, ne voyait rien et n’entendait plus rien. Sourd. Aveugle. Muet. C’était le meilleur moyen pour survivre au milieu de ces bas-fonds, comme les nommaient les gens de la Haute. Evidemment qu’ils n’oseraient pas venir ici. Trop d’argent. Trop d’arrogance. Ils regardaient son peuple d’un œil hautain.
Un soupir. Ici, la lutte pour la survie était quotidienne. Nécessaire. Si chacun désirait voir le prochain lever de soleil, il fallait parfois le faire au détriment du voisin.
Il prenait à gauche. Un autre virage alors que sa canne résonnait dans une ruelle habituellement vide. Pas ce soir. Malchance. Il prit une longue inspiration alors qu’il continuait calmement. Il n’était pas nécessaire de s’emballer. Il ne lui arriverait rien s’il ne disait rien. S’il ne regardait rien. Pourtant, le visage se tourna vers lui et le contact visuel fut établi. Un seul instant. De trop avant que l’autre ne s’approche. Brièvement pris d’une paralysie, il se mit à énoncer dans son esprit tout ce qui comptait pour lui. Ses bêtes. Son épouse. Ses enfants. Ses petits-enfants. Sauraient-ils seulement ce qui lui était arrivé cette nuit-là ? Ou son corps aurait-il déjà été dévoré par les chiens errants ?
« Je ne vous veux aucun mal, sachez-le. Je ne suis qu’un humble paysan, désireux seulement de passer son chemin pour rentrer chez lui. Je n’ai rien vu. »
Il avait déjà pris son bâton de berger entre ses deux mains, le serrant suffisamment pour riposter en cas d’une attaque physique sur sa personne. Comment expliquerait-il les bleus et les cicatrices ? Elle ne serait définitivement pas contente d’apprendre qu’il était encore passé par la Ceinture, ce soir. Une inspiration, puis il fermait les yeux, trop craintif de sentir la mort le reprendre plus tôt qu’il ne le pensait.