Lieu : ... au-delà des frontières dangereuses de Kusa no Kuni ...
Date : ... au cours de l'an 2 ...
Le cœur du garçon tambourinait contre sa poitrine. Son souffle haletant bouleversait son organisme enivré par l'adrénaline. Il courrait. Courrait pour sa survie. Courrait pour son bien. Zigzaguant entre innombrables crevasses du canyon, l'aventurier bondit de relief en relief, écorchant la roche en y apposant ses paumes. Devant lui, un bouc musela son instinct de survie pour singer sa course, fuyant la petite bouille de chair humaine à ses trousses ; mais celle-ci ne faisait que raccourcir la distance les séparant. À chaque faille, chaque obstacle sur la route, le gamin rognait de quelques centimètres de plus, un sourire béat affublant son visage, la bouche crispée par l'effort, l'émail de ses dents dévoilée au grand jour. Un torrent d'hormones envahissait son corps pour lui permettre de se surpasser.
« Tu perds de la vitesse, Haramaki ! »
L'animal ne pouvait pas se permettre de répondre – mais cela n’en occultait pas la sombre vérité. Les mouvements de l'humain étaient bien plus rapides, et enchaînés avec aisance. Le bouc, quant à lui, peinait à mettre ne serait-ce qu'un sabot devant l'autre. Ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'il ne s'écroule, ne tombe dans l'un des pièges naturels du canyon, ou ne se fasse rattraper par son destin. Ce qui arriva bien plus vite que prévu.
Dans un saut improbable, le garçon plaqua son compagnon sur le côté, manquant de lui arracher un bout de corne par la proximité dangereuse avec un roc. L'animal essaya de se débattre, certes ; mais les frêles muscles du gamin dominèrent leur proie vulnérable sans le moindre problème.
« Je t'avais dit que je te surpassais au saut de cabri ! ... Comment, ça c'est de la triche ? Eh ! J'ai quatre pattes, tout comme toi. ... Tu es si mauvais joueur, crétin de bouc. Oui, un mau-vais joueur-euh, c'est bien ce que j'ai dit ! ... Ah ouais ? Tu veux régler ça maintenant ? ... Eh, te défile pas ! ... Comment ça, « ça n'en vaut pas la peine » ? ... Mais je ne suis pas fatigué, moi ! ... »
Le gamin s'assit en tailleur à côté de son ami, les joues rougies par l'effort, son torse brûlant dansant au gré de sa respiration. La bête peina à se remettre en place, les genoux ployant sous la fatigue.
« Tu n'es pas drôle. »
L'humain décala sa maigre besace pour la placer devant lui, et commença à la trifouiller pour y chercher de l'or, ou, vraisemblablement, de quoi se sustenter. En guise de collation, il extirpa deux pommes de son fourre-tout, et en offrit une cadeau à son meilleur ami. La seconde lui était réservée.
« C'est beau, pas vrai ? »
Perchés sur la cime du canyon, l'entière péninsule se dévoilait à la curiosité de deux aventuriers de l'extrême. Des montagnes à perte de vue ; des cours d'eau serpentant dans les vallons des pics omniprésents ; des masses noires sombres perdues dans le ciel, à l'horizon. L'un de ces décors particuliers que l'imagination du garçon adorait se mettre sous la dent pour broder des rêves de mille et une couleurs.
« Je me demande où est-ce qu'il est. ... Moui, ça, je m'en doute. ... Oui, tu as raison, on pourrait leur demander. ... Hahaha, peut-être des aspics cachés derrière des rochers ? ... Vraiment ? Et tu parles le poisson, toi ? ... C'est bien ce que je pensais. ... Eh, ce n'est pas du jeu ! C'est toujours à moi de faire les présentations. ... Tu te sous-estimes. Je suis sûr que c'est juste de la timidité. »