Le balafré eut la soudaine envie de trancher la corde du puits pour abandonner son partenaire de circonstance dans les abysses de l'Hypogée. Il le méritait assurément. Personne ne l'aurait regretté. Son comportement toxique était une invitation au suicide par vingt-quatre coups de couteau dans le dos. Mais, dans l'absolu, quelles que furent ses véritables intentions, le nobliau aidait le peuple. Et cela, Sadaharu ne pouvait l'ignorer.
Tandis que le gaillard s'amusa à enquêter sur la qualité de l'eau souterraine, l'alchimiste partit sur le terrain, au contact de cette insidieuse et obscure maladie touchant les gamins de la Ceinture noire, et ce sans dresser la moindre protection. Son organisme avait le chic de trier le bon grain de l'ivraie en permanence.
« En espérant que ce ne soit qu'un rhume... » maugréa le jeune homme en approchant de la bâtisse.
Un taudis ; un refuge ; un asile perdu au cœur de ce labyrinthe urbain pour entasser, semblait-il, tous les mioches contaminés au même endroit. Dès les premiers symptômes, le bouche à oreille déformant la vérité pour en faire un mal implacable, les familles s'empressaient de trainer leurs petits chez le « faiseur de vœux » pour éviter une mort précoce. Un comportement logique, soumis à l'instinct grégaire et à l'ignorance, qui avait – par chance – évité une propagation disproportionnée du virus. L'alchimiste n'allait pas devoir courir aux quatre coins d'Asatsuyu pour mettre la main sur un mioche blafard, avec une fièvre aiguë capable de faire rougir le fer d'un katana.
Sadaharu frappa trois fois à la porte. Les mots de son collègue lui revinrent soudain à l'esprit.
Une tuberculose ? L'alchimiste ne savait pas ce que représentait cette chose, mais au vu du nom, cela devait être infâme. Ainsi, quand le jeune homme ouvrit la porte pour se frayer un chemin jusqu'à l'enceinte du refuge, il croisa les doigts de son autre main pour ne pas tomber sur un mal trop pernicieux.
Hélas, cela semblait être le cas.
La scène lui donna envie de vomir. Une dizaine de mioches, allongés sur des paillasses quasi inexistantes, recouvraient le sol disparu. D'innombrables boutons rougeâtres étaient apparus sur leur peau, formant tantôt des plaques, tantôt des croûtes du fait d'une démangeaison certaine et intense. Certains contaminés, bien trop faibles d'esprit, avaient été attachés par de puissants liens pour les empêcher de s'écorcher davantage le cuir. Mais ce fut cette fumée opaque, semblable à l'opium des établissements de la Panacée, qui troubla le plus le jeune alchimiste.
Des encens répandaient des effluves atypiques, médicinaux, desquels Sadaharu reconnut une odeur de thym, et de lavande. La médecine d'Asatsuyu no Sato peinait encore à présenter de véritables résultats. Les experts conseillaient l'usage d'herbes et de plantes aux propriétés antiseptiques, sans pouvoir apporter de raccourcis à la santé. Il y avait des expériences, certes ; mais rien ne pouvait convenir au commun des mortels sans les brutaliser.
« Bonjour...
— Bonjour, jeune homme. Vous êtes venu rendre visite à votre frère ? »L'alchimiste secoua la tête de gauche à droite. Par chance, il n'avait pas à subir ce cauchemar.
« Je m'intéresse seulement à cette maladie. Je viens de l'Atelier.
— Un alchimiste...
— Avez-vous besoin de quelque chose ?
— Eh bien... d'un miracle, peut-être. Je ne sais plus quoi faire. Leur état est stable, mais ils souffrent le martyr, c'est certain. Je ne saurais dire s'ils sont sur le point de rejoindre la Lune... »Sadaharu compatit au sort du vieil apothicaire, comme de ses patients juvéniles. Mais d'où est-ce que venait cette étrange maladie ? Y avait-il le sujet zéro, là, dans la salle ? Le jeune homme préféra garder le silence. Il devait marquer un temps avant la suite des opérations, assurément irrespectueuses.
Et en attendant, le nobliau évoluait toujours six pieds sous terre...