Alors c'était donc l'Invaincu cette nouvelle personne qui venait d'apparaître aux yeux de tous? Enfin, c'est que cru comprendre le borgne, visage tourné en direction du ciel, se demandant ce qu'il faisait encore dans ce monde rempli de terreur et de massacre. Tout ça était lié au chakra, sans aucun doute. Depuis l'apparition de cette énergie nouvelle et de ses pouvoirs défiant les lois du réels, les événements s'étaient enchaînés à une vitesse folle, entraînant avec eux la perte de nombreux camarades pour le Watanabe. Aujourd'hui encore, sur cette plaine qui avait été le théâtre d'un affrontement extrême, gisaient les corps encore chauds de nombreuses connaissances, et même d'un membre de sa famille.

Un souffle hivernal, glacial, vint sortir le rêveur de ses pensées, le ramenant à la dure réalité qui l'attendait pour le restant de ses jours. Reprenant petit à petit conscience du monde, et surtout, du charnier sans égal qui l'entourait, le borgne bascula la tête sur sa gauche, en direction des paroles de tous. Effectivement, l'Invaincu se tenait là, trônant sur le Tigre comme un trophée de chasse. Le Watanabe et sa franchise auraient aimé le recadré, lui dire que sa façon d'agir souillait la mémoire de ceux qui avaient perdu la vie pour abattre ce démon, mais rien ne sortait. Sa bouche restait close, le visage encore endolori par la douleur et la colère.

À côté de l'homme au visage connu de tous, venait d'apparaître un groupe de personnes, sortant tout droit de la gueule d'un caméléon géant. Encore une sorcellerie qui dépassait l'entendement et les connaissances de tous, pourtant, le Watanabe le savait, tout ça n'était pas qu'une illusion. Depuis son expédition dans les plaines haletantes et ce combat dantesque pour le village, rien ne surprendrait plus le borgne. Une femme semblait se détacher du lot, prenant la parole pour calmer les esprits encore férocement touché par la tuerie qui venait de se passer sous leurs yeux.

Un instant, un souvenir revint dans la tête du jeune homme, celui de l'arme du Seigneur Izaya. De son œil de forgeron, il aurait pu reconnaître entre milles, les même matériaux présents, à la fois, sur l'arme et également sur les armures des inconnus. Il y avait-il un rapport entre les deux? Peut-être, même sûrement. Mais là n'était pas la question principale. De nombreux hommes que le Watanabe avait pu voir combattre à ses côtés ou sur différentes lignes vinrent se poster face aux petits groupes sortis de nul part, leur posant des questions que nombreux, si ce n'est tous, se posaient.

La femme plaidait leur innocence quant au massacre, affirmant avoir voulu aider avant que l'Invaincu n'en décide autrement. Utilisant des mots inconnus pour le Watanabe, elle affirmait venir d'au-delà la Constellation, sur le "Toit du Monde". Serait-il donc possible que certaines civilisations vivent encore au-delà de Kusa no Kuni, et possédant, au passage, une utilisation bien plus poussée du chakra que les élus du village d'Asatsuyu? Dodo y croyait, comme dit auparavant, plus rien ne le surprendrait.

Au terme d'une courte discussion quasiment à sens unique, la femme demanda à entrer dans le village en compagnie de ses acolytes et de l'Invaincu. Les Épreuves. Les dirigeants. Elle affirmait également pouvoir aider à la reconstruction des portes, assistant sa parole d'un geste, visant à préserver la vie de celui qui s'était lancé à corps perdus dans la bataille, Riku. Le borgne fut un moment rassuré, son compagnon d'armes n'était pas mort, bien que dans un état pitoyable, il vivait encore.

Certains semblaient enclins à les laisser entrer, d'autres moins. Mais avaient-ils vraiment le choix. Prenant appui sur son bras droit pour se relever, la première tentative fut un échec, le visage du borgne retomba à même le sol. Les brûlures sur son avant-bras étaient plus sérieuses qu'il ne l'avait imaginé. Se servant alors de son deuxième membre, il se hissa sur les genoux, les côtes douloureuses et le corps meurtri. Une main posée sur ses blessures, il prit un temps de réflexion avant de lever la tête en direction des inconnus, passant son regard noir sur l'Invaincu, il dirigea ensuite un œil plus enclin à la discussion vers la femme, qui semblait être bien plus réceptives et compréhensive que le reste du groupe.

-" Le seigneur Izaya vous accueillera, ainsi que le seigneur Kurogane. Je crois qu'il sera heureux de vous revoir, Invaincu."

Entama alors le borgne, sa phrase entrecoupée de longs souffles de fatigue.

-" Marcher en direction du, désormais, ancien rempart, Tsukuri Uken s'y trouve, il répondra à vos demandes mieux que quiconque ici."

Continua dans sa lancée Dodo. Après tout, la hiérarchie avait encore son rôle malgré tout. Uken était le plus haut placé, en ces lieux, dans cette pyramide qui régissait le village. Dodo marqua un arrêt, son visage se crispant de douleur. Il essayait de se relever tant bien que mal. Le reste de chakra qui lui restait encore lui permis d'arriver à ses fins.

-" Mais avant de parler politique, il serait mieux de donner une sépulture descente à toutes les personnes ayant perdu la vie ici. Vos intérêts passeront après ceux des défunts."

Termina finalement le borgne, s'en allant vers un cadavre qui se trouvait non loin de lui. Il posa sa main gauche sur son visage, fermant ses yeux qui trahissaient la peur que tous avaient eu en voyant ces démons s'abattre sur le village. Une petite prière s'en suivit, son âme pouvait désormais partir en paix.

La consternation règne. Les faciès sont fermés. Durs. Rancoeur et hargne peuvent se lire sur vos visages. Le temps des festivités n’est pas encore venu. L’héraut du Kage n’a pas – ou peu – prit en considération le fait que vous ne raisonnez pas comme eux. Il est difficile de s’intégrer à une culture et un peuple étranger. Pour elle, tout guerrier ne vit que pour la mort, il se doit de l’attendre et de choyer sa venue. Vous ne partagez pas cette perception du monde. Chose qu’elle comprend. Son visage rayonne d’une pureté exotique. Ses traits ne se froncent pas. Un sourire sans aucune animosité voile son visage. Elle comprend.

« Vous avez raison. Je m’excuse. Vos morts sont plus importants. Son regard se pose sur son escouade de Tetsujin. Ils comprennent également. Vous pouvez compter sur mes hommes, nous vous aiderons dans cette tâche. »

Une femme accourt au pied de Riku. Le Lion Écarlate est prit en main.

Nombreuses sont les voix qui s’élèvent de la foule. Certaines sont plus dissonantes que d’autres. Tous ne partagent pas l’avis de les laisser séjourner dans le village. La Kunoichi ne s’offusque pas. Elle n’a, de toute manière, pas ordre d’attaquer ce petit peuple archaïque. La patience est une vertu qui se cultive. Tout comme le respect. Un comportement insultant ne peut être laissé impuni.

« Je ne savais pas que les porcs étaient doués de paroles. Moi, Matsuda Shokkou, ne peux vous laisser parler ainsi. Le respect dissocie l’homme de l’animal, tachez d’en faire preuve, Artiste. »

Uken rejoint la scène. Les soldats ont les nerfs à vif, une confrontation, même verbale, serait dénuée de sens et contre-productive. De par son ascendance, de par son hérédité, il est l’homme le plus gradé parmi vous. « Katataka, Dodo et de nombreux autres ont raison. Je vous propose de venir séjourner à la Loge de la Perfection, le temps que nous réunissions les maîtres du village et que nous ayons le temps de pleurer nos morts. »

La femme acquiesce à cette idée.

Le binôme improvisé quitte les lieux, alors que les trois Shinobi en armure restent pour vous aider à panser vos plaies. L’invaincu baille. Il n’a plus rien d’intéressant ici. Les épreuves le musellent. Il pointe du doigt un homme. Toi, Muraga. Tu peux voir qu’il a faim de sang, tout comme toi tu as soif d’alcool. « J’aime ce tempérament. On se retrouve durant les épreuves, oisillon. Je me ferai une joie de t’ôter les ailes. » Le guerrier absolu n’a aucune compassion pour vos morts. « Cela vaut pour vous tous. Préparez vous, je ne suis pas ce faible animal. » Un crachat est relâché sur le cadavre du tigre. L’Invaincu rejoint le binôme quittant peu à peu l’horizon.

Asatsuyu a payé le tribut de la survie, mais à quel prix ?
Votre odyssée ne fait que débuter.

La prière se terminait, la première d'une longue série. Le borgne ne pleurait pas, ne pleurait plus. Il restait fort et désormais impassible, pour toutes les personnes ayant mis leur courage et leur dévouement au service de la protection de ce village. Personne n'aurait pu prévoir une attaque de telle ampleur, régit par le monde animal. Pourtant, malgré les peurs, les visions de mort et le sang, tous avaient sauté dans la bataille, avec honneur et dévouement, perdant la vie ici, afin d'en protéger d'autres. Comme l'avait dit Dodo quelques minutes auparavant, tous méritaient une sépulture digne de ce nom, qu'importe leur rang, leurs idéaux, leurs qualités et leurs défauts, tous ces hommes et femmes, de tout âge, jonchant le sol, tous étaient des héros au regard du borgne.

Un homme que le Watanabe n'avait pas vu jusqu'ici, mais qui au vu de son état semblait s'être battu au côté d'eux, s'approcha alors du Watanabe, soutenant ses propos envers la femme qui semblait être l'héraut du groupe. D'un ton amical et compréhensif, l'homme à la chevelure blonde glissa quelques mots à l'oreille du borgne, s'engageant à la sépulture de tous ceux ayant péri ici. Dodo se releva, toujours dans une souffrance qui froissait son visage.

-" Merci.."

Un simple remerciement, accompagné d'une tape sur l'épaule du blondinet l'ayant soutenu précédemment. Il n'oubliera pas son visage, comme il n'oubliera jamais ceux des élus ayant suivi ses ordres. Comme il n'oubliera pas, non plus, le visage des "généraux" improvisés, qui par leur courage et leurs idées ont permis au peuple des murs de survivre une journée de plus. Le Watanabe était reconnaissant envers tous, qu'ils soient Tsukuri ou non, aucune différence n'était à faire sur ce champ de bataille. Tous les rôles avaient eu une importance ici. Que ce soient Riku et son action suicidaire, ou bien Katataka en première ligne, qui avait voulu régler les choses par la parole plutôt que la violence. Mais le Watanabe n'oubliait pas également ce jeune homme, qui malgré un bras en moins, semblait ne pas avoir perdu sa franchise. Il retiendrait également cette intervention éclair et décisive de cet homme aux katanas qui faisait maintenant face à l'invaincu, semblant ignorer la peur. Il y avait également ce jeune homme, presque à peine assez grand pour tenir une arme, qui s'était jeté à corps perdu sur le tigre, d'un courage dépassant celui de bons nombres de présent ici.

Le borgne n'oublierait pas non plus l'importance des hommes ayant tenu les positions sur le rempart, d'où venaient sûrement ce blondinet et l'homme et la fille se tenant près de Riku. Le borgne n'avait aucune idée de ce qui avait bien pu se passer sur le rempart et à terre, mais une chose était sûr, ils avaient également eu un rôle déterminant dans cette victoire.

La femme accepta la demande du borgne et du blondinet l'ayant appuyé dans ses propos. Les trois hommes sortis de la bouche du caméléon en sa compagnie resteraient à leurs côtés afin d'aider à enterrer les cadavres et à offrir une cérémonie décente. Uken rejoignit également la plaine semblable à un charnier sans nom. Il avait entendu les paroles du Watanabe et du jeune homme au regard perçant. La femme accompagna alors le Tsukuri, en direction du rempart dont les gravas gisaient au sol, encore chaud de ce halo de flamme.

Le borgne, d'un pas lourd, fatigué et blessé se rendit en direction d'un autre corps sans vie. Utilisant le même procédé et le même rituel que sur celui d'avant, il lui ferma les yeux, avant de prier en son nom une dernière fois. Puis il passa à un autre, puis un autre. Avec l'aide des inconnus ainsi que les personnes présentes ayant la même vision de la mort que lui, il comptait bien effectuer ce rituel sur l'entièreté des cadavres, ou du moins ce qu'il en reste. Certains hommes s'attaquaient déjà à la construction d'une énorme fosse commune, non loin de l'ancienne porte d'or, légèrement excentré, afin d'y accueillir les pauvres gens ayant perdu la vie.

Dodo s'en faisait le serment maintenant, il reviendrait au niveau de cette fosse, pour se souvenir, pour ne jamais oublier les défunts. Il y consacrera même une partie de son travail, afin d'ériger, pour eux, et pour le souvenir, une sculpture en leur honneur.