Le Dieu de la Guerre avait habillé Wu-tang d’une toison de bonheur, d’un voile de coton, ample et léger. Il avait porté à ses lèvres un véritable élixir de jouvence dont il se délectait à chaque seconde pendant ses mouvements. Cette journée était bel et bien bénie.


Toujours élancé de sorte à contourner le nuage de fumée, qui se condensa rapidement avec le froid et disparut au bout de quelques secondes seulement, il aperçût enfin sa cible. Ce jeune nobliau préparait déjà un assaut visant à contrer son avancée, comme tout-à-l’heure, cette fois-ci en entamant une course dans sa direction. Ses foulées se dédoublèrent et il accéléra le pas, soudainement.

Wu-tang jeta un regard de chien affamé à sa proie, en plissant légèrement les paupières et en ouvrant, à peine, sa bouche, d'un sourire carnassier. Son corps laissait s'échapper un râle de fumée compacte.


Tout-à-coup, les mains et les épaules de l’adversaire bougèrent. Aussitôt, un des sourcils de Wu-tang s’arqua, comme par instinct de reconnaissance, il savait très bien ce que ces mouvements circulaires, en coup droit et en revers, signifiaient. Il venait de lui projeter des kunaïs, trois en tout : deux en direction de ses côtés et un traçant tout droit sur sa silhouette, jeté avec une très légère cadence de retard. Une parade aurait été compliquée et l’aurait forcé à dégainer dans l’urgence, à offrir des ouvertures, notamment avec le décalage dans la séquence des lancers ; c’était sans doute ce que son vis-à-vis désirait au fond de lui. Alors, plaçant la main gauche sur son étui à kunaï pour feindre la parade tant attendue, il se propulsa de plus belle en glissant sur ses genoux, le buste bien penché en arrière et les coudes rasant le sol, pour éviter, d’un seul geste, la salve des trois kunaïs qui lui furent lancés à quelques fractions de secondes d’intervalle.  

Cependant, une coupure trancha faiblement le haut de son crâne, laissant planer quelques cheveux arrachés dans les airs et faisant couler quelques gouttes de sang sur son front. Un quatrième projectile caché dans l’ombre des précédents ? Il ne l’avait pas du tout vu venir, mais son esquive globale lui avait permis d’éviter le pire. À en juger par la localisation de la blessure et la position actuelle de son corps, agenouillé, en dérapage vers l’avant, le dos proche du sol, il visait initialement sa gorge. Ce coup avait donc été pensé avec l’intention d’en finir. Avait-il peur au point de vouloir que cet échange de caresses cesse aussi rapidement ? Non, quand même pas. Peut-être estimait-il, au contraire, qu’un tel subterfuge était trop simpliste pour venir à bout du combattant qu’était ce barbare Katōjin. En tout cas, il aurait eu bien raison de le penser.

— Intéressant… glissa Wu-tang dans le feu de l’action.


Son élan effréné le mena directement aux pieds de son adversaire, qui, en dévorant la distance avec le même engouement que lui, s’était désormais muni d’un bouclier, afin de, vraisemblablement, se protéger de ses assauts tranchants. Quelle ne fut pas sa surprise quand, en bout de course, avant même que son énergie cinétique ne s’amenuise, il planta sa paume droite dans le sol pour s’appuyer dessus, désaxer tout son corps, casser son rythme et pivoter sur lui-même, en gainage, en faisant mine de tacler sa jambe abîmée par le balayage de tout-à-l’heure avec ses deux pieds. Il se retrouva torse parallèle au sol, maintenu pendant une fraction de seconde par la force de son avant-bras droit, et agrippa finalement le genou de la cible en resserrant ses deux cuisses autour. Il replia rapidement ses mollets en tailleur pour fixer l'étreinte, et avant de saisir le pied de l’adversaire avec sa main gauche pour le tirer vers lui et tenter une clé de jambe, s’assura de la libérer de l’arme qu’elle tenait pour distraire sa cible et occuper sa garde.

— MAIS RISIBLE !


Dans une position ubuesque, presque sortie de nulle part, il lança un kunaï qu’il avait dégainé en douce pendant son retournement de buste, en plein visage de l’adversaire, d’un geste souple vers l’arrière, et attrapa finalement le talon de l’ennemi, une fois sa paume libre. Étant donné que son appui était maintenant basé sur la patte de l'ennemi, sa main droite qui le soutenait au sol, s’enleva, s'éleva rapidement et alla ramener le tibia du noblaillon contre son torse. La pression que Wu-tang exerça sur la position de l'adversaire, transféra ainsi tout son poids de corps vers l'arrière, d'un coup, d'un seul, et le fit basculer vers le sol. Il le tenait désormais en entrave, avec la puissante ambition de lui briser définitivement sa pauvre jambe. Son dos, ouvert, était toutefois protégé d’une armure. Sa tête était recourbée vers l'avant, dans l'axe de sa prise.

Le un contre un que ce jeune Tsukuri vaniteux désirait tant, était déjà entamé depuis le départ aux yeux de Wu-tang. Pour autant… allait-il vraiment durer ?

Spoiler:

Après avoir observé les combats d'entraînement durant une petite dizaine de minutes, me voilà désormais au beau milieu de l'action. Mais contrairement à bon nombre d'entre eux, la castagne n'est pas spécialement amusante à mes yeux. Assassin émérite, voleur plus que confirmé, un combat se résume pour moi à attendre tapi dans l'ombre que ma proie baisse sa garde juste un instant, prêt à surgir, guettant le moindre instant de relâchement pour sévir. Ainsi, rares furent les occasions pour moi d'affronter des adversaires en pleine mêlée. Non pas que je les craigne, ou que je les évite, mais disons plutôt qu'elles me paraissent habituellement ennuyeuses... Toutefois, puisque je suis généralement coincé, reclus au sein des quartiers du clan, qui préfère éviter que je ne propage une nouvelle peste, un peu de grabuge à la barbare pour tuer le temps n'est pas de refus.

Parmi les combattants sur les lieux, quelques uns d'entre eux se démarquèrent par une volonté hors-norme, leur donnant depuis mon angle de vue une certaine aura. Des individus qui auront vite fait d'attirer mon attention, à contrario de ce quidam qui m'interpelle depuis sa position.

— Tu es un homme à la recherche de l'euphorie des combats je suppose ?

A l'entente de ces mots, j'arque un sourcil en tournant la tête vers mon interlocuteur. Un enfant... La lueur dans ses yeux témoigne de son innocence et de son ambition. Celles-ci seront-elles supportées par un potentiel tout aussi grand ? C'est ce que nous allons voir...

Amusé par sa manière d'ouvrir les hostilités, je le suis des yeux d'un regard nonchalant et plein d'ironie.

— Qu'est-ce qui te permet de dire que je suis un homme ?!, dis-je, rétorquant sur un ton moqueur tout en effectuant un geste en toute simplicité pour attraper son shuriken au vol.


Restant à ma position, j'observe la zone, en scrutant les moindres détails. Mon assaillant s'immerge dans ce qu'il reste de fumigène afin d'échapper à son triste sort après sa misérable provocation ; tandis qu'un autre s'extirpe justement de ce nuage de fumée par l'arrière. Scrutant la moindre de ses actions, je profite de le voir effectuer quelques mūdra pour les mémoriser. Quelle sorte de jutsu va-t-il nous divulguer après son intervention éclair de tout à l'heure ? Soudain, passant à ras de sa position, comme si elle le contournait, une arme de jet surgit de nouveau et trace une trajectoire courbe, parfaitement calculée, afin de viser mon épaule. Malheureusement, le shuriken ne versera aucun sang, et finira comme son prédécesseur, coincé entre mes doigts.


Bien que mise en application avec une grande dextérité, sa petite stratégie risque de ne pas lui être d'une grande utilité. Il n'est pas prêt de m'atteindre avec seulement des attaques à distance dans ce genre. A moins qu'il ne m'invite justement à le rejoindre au corps à corps ? Puisque c'est ainsi...

Loin de toute pression, je prends le temps d'analyser la situation. Le combat opposant les deux membres du clan Tsukuri fait encore rage. Leur échange est un régal, mais je ne peux leur accorder trop d'attention. Un portail, semblable à celui grâce auquel Sano est apparu quelques instants plus tôt, s'ouvre dans le ciel. Le jeunot m'ayant lancé des shurikens se met à enchaîner les mūdra à son tour. Restant stoïque quelques instants face à la scène qui se déroule sous mes yeux, je me mets finalement en action. D'un geste, puis d'un second, j'envoie les shurikens du jeune Yagokoro un à un, le premier en direction de son propriétaire avec dangerosité, le second en direction de cet étrange portail situé dans les cieux.

A peine ai-je terminé mon mouvement, que me voici en train d'exécuter le suivant. Usant d'une technique de déplacement rapide afin de franchir la distance qui nous sépare en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, j'apparais soudainement à proximité de Sano, sur son flanc gauche. Positionné de profil, le côté gauche en avant, j'ai les jambes fléchies, le buste orienté vers la droite. Poussant sur ma jambe d'appui, j'envoie un puissant revers de la gauche, main armée d'un kunai. L'arme file droit de sorte à entailler la chair au niveau de l'articulation de la hanche afin de rendre sa jambe gauche inutilisable. Ma main revenant aussi vite qu'elle n'avait assailli le jeune Manjiro, elle réorienta la saisie du kunai de sorte à lui envoyer cette fois-ci une estocade en pleine poitrine, d'un geste ascendant semblable à un uppercut, pénétrant ainsi sous sa cage thoracique, si tant est que l'attaque fasse mouche.

Spoiler:

Une vision presque parfaite lui était offerte sur cette arène. Toutes sortes d'informations lui furent transmises. Beaucoup de ces informations étaient ignorées, comme les mouvements de Baam ou les actions inoffensives de Rokûemon pour l'instant. Cependant, alors qu'il décidait de vouloir se battre de nouveau contre le petit prince et la bête, il fut d'abord interrompu par les paroles de Yuugen. Un long soupir s'extirpa provenant du plus profond ses entrailles. Pensait-il réellement qu'il allait l'écouter ? Un sourire se trouvait sur ses lèvres alors qu'il secouait légèrement sa tête.

Cependant, une chose plus qu'amusante apparu dans sa vision. Un homme qu'il ne connaissait ni d'Adam ni d'Eve voulait l'agresser. Un type plus qu'étrange qui s'élançait dans une course effrénée après l'envoie d'un Shuriken en direction de l'oeil dans les airs. Il suffisait que le monocle se retire de l'oeil pour que la technique disparaisse comme si de rien était, laissant le shuriken continuer sa trajectoire dans les airs, ne touchant que le vide comme cible. Cependant, l'homme était déjà arrivé aux côtés de Sano, son sourire nonchalant ne disparaissant toujours pas de ses lèvres.

Il n'avait pas eu le temps de réellement bouger qu'un premier coup arrivait dans ses hanches. La vitesse était plus rapide que ce qu'il aurait imaginé. Comment éviter un tel coup ? Cependant, bien que la plaie brûlante lui extirpait un grognement de douleur, elle n'était en rien handicapante. Bien moins profonde que ce en quoi il s'attendait, celle-ci laissait s'extirper quelques filets de sangs. Fine blessure qui continuerait d'augmenter, il en avait bien l'impression. La vitesse de la deuxième était tout comme, il aurait put aisément se décaler pour réduire les quelques dégâts, mais peut-être était-ce de l'arrogance ou de l'insouciance, si l'attaque était la même..

Et il ne fut pas déçu, bien que l'endroit visé était relativement sensible, la longueur du kunaï couplé au manque de force ne faisait que de pénétrer légèrement le torse du jeune homme. Du sang coulait alors qu'un grognement plus douloureux s'extirpait des lèvres de Sano. Son esprit revenait à lui-même alors que son corps brûlait des entailles laissées par les lames, un sourire fou se dessinant involontairement à ses lèvres. L'homme semblait avoir besoin de reprendre son souffle ou peut-être son assaut était-il fini. Peu importe.

Ses mains s'enlacèrent, fusionnant en multiples signes plus qu'étranges tandis que sa main gauche restait bloquée sur le dernier signe. Son pied droit fusait à travers l'air pour aller jusqu'à fendre les jambes de l'adversaire, mais avant de toucher ses jambes ce fut un portail qui s'interposait. Le portail de sortie, lui, se positionnait à une certaine distance derrière la tête de l'homme-momie, là où sa vision ne pouvait le porter. La jambe sortant de ce portail viendrait à frapper tel un fouet l'arrière de son crâne. Suite à ce coup, c'était son corps qui se repliait sur lui-même pour rappeler sa jambe. Et dans ce même mouvement fluide, alors qu'il tournait son corps dans une rotation vers la droite de sorte à pouvoir mieux se positionner après avoir rappelé le pied. A peine ce pied touchait le sol qu'un nouveau portail s'ouvrait sur la trajectoire du coude tandis que les deux premiers se fermaient. Cette fois-ci, un portail de sortie bien moins imposant que le premier se forma en face de la gorge de l'homme-momie. Un coup sec visant à frapper sa gorge après que le premier coup ait fait mouche -ou non-.

Mais ses assauts ne se finiraient pas de sitôt. L'homme-momie avait osé attaquer Sano, il ne le laisserait pas s'en sortir si facilement. Retirant une nouvelle fois son coude pour rappeler son attaque, les portails se refermaient une nouvelle fois alors que son poing droit fusait en avant sous de nouveaux appuis de ses pieds. Un magnifique crochet du droit qui partirait en direction du crâne de l'adversaire ! ... Enfin, c'était si un portail ne venait pas à se former sur sa trajectoire une nouvelle fois. L'autre portail de sortie cette fois-ci n'attaquerait pas le haut du corps de l'adversaire mais bien direction dans la rotule de sa jambe gauche directement sur le côté de toutes ses forces.

Finalement, souffle légèrement retenu sur toutes ces attaques, celui-ci se libérait dans une grande expiration. Un sourire satisfait sur ses lèvres, la joie de Sano fut courte. L'adrénaline frappait toujours dans son système, lui permettant d'être passé au travers des blessures un instant tandis qu'il était sur place pour frapper. Cependant, à la fin, ceux-ci revenaient frapper de plus belle. De sa main droite il venait à se tenir la blessure sur son tronc alors qu'il ouvrait la parole à cette homme pour la première fois.

"-Qu'est-ce qu'un idiot comme toi me veut ? Ne vois-tu pas que j'allais m'amuser assez avec d'autres personnes."

Compressant sa blessure au torse, il se redressait légèrement de sorte à le regarder de haut. Un léger rire mixé à de la douleur et de l'agacement se faisait entendre.

"-Et puis, certes, tu tapes rapidement, mais tu ne me fais même pas mal. Je n'ai rien senti pour l'instant, ahahah !"

Fausse bravade dans un simple but d'humilier l'adversaire, il ressentait toujours ses plaies brûlantes. Elles n'étaient en rien encombrantes pour l'instant, mais à chaque mouvement, celles-ci lui rappelait qu'il ne fallait pas qu'il en accumule trop.

Spoiler:

Le temps d’un instant, Yuugen perçut le métèque différemment. Il n’était plus le sauvage maniant ses armes comme ses poings à la perfection, mais plutôt la personnification vivante du Dieu de la Guerre. Un véritable bourreau, un rouleau compresseur réduisant tout ce qui entrait dans son champ d’action en charpie.
Il était honoré de pouvoir combattre face à un être d’un tel prestige – et intimement, il espérait lui ressembler un jour.

Son corps s’arqua vers l’arrière, il glissa en dessous de son assaut. Une gerbe de sang explosa toutefois dans l’air ; son assaut perfide bien qu’esquivée toucha.
Rien d’important. Rien de quoi mettre en déroute l’Absolu.

Et avant même qu’il n’eut vraiment le temps de comprendre, en raison de ses mouvements au corps à corps que le jeune Shinryo ne maîtrisait pas, son genoux et par extension sa jambe toute entière fut saisie dans une entrave bien particulière. Un knee bar des familles comme diraient certains.
La douleur, atroce, se déversa dans tout son corps. Il ne pouvait laisser cette technique persister ou sinon il perdrai l’usage de sa jambe. Son instinct l’intima de se réveiller et c’est ce qu’il fit.

Tandis que les bras puis les jambes de l’aborigène se resserraient sur son genoux, Yuugen dégaina son ultime arme du jour, un énième kunaï. Son buste se releva dans un mouvement unique, le kunaï mordit sa chair au niveau de son œil gauche, une très légère entaille, rien de bien grave.
D’une vélocité dépassant clairement son adversaire, trois coup de surins se perdirent dans le corps du métèque tandis qu’il commençait à comprimer de toutes ses forces la position.

Le premier visa l’hypocondre gauche où plus concrètement l’endroit où se terrait sa rate. Le second glissa en direction de son aine. Bien que perfide, notre ambitieux ne visa pas les parités génitales du guerrier. Seul la naissance de son artère fémorale était sujet à cet assaut. Et pour clore cette contre attaque, un dernier coup de kunaï fila en direction de la naissance de sa hanche – et par extension à la fin de son armure.

La force des coups sacrifiés au profit d’une rapidité accrue, ce genre d’attaque n’avait que pour vocation de provoquer une douleur lancinante chez l’adversaire pour que celui-ci lâche la position.
Un combat où seul la mentale, comme dirait Seijaku, comptait. Conscient de sa faiblesse, il ne partait pas gagnant si cette soumission durait dans le temps.

Pour le moment, il retenait ses cris de douleurs et gardait la hargne de vaincre. Trop concentré dans son combat, il n’avait aucune idée des exactions proches de sa position.

Spoiler:

Wu-tang avait fait mouche, son offensive avait bel et bien fonctionné. Le jeune Tsukuri s’était ainsi retrouvé plaqué au sol, sur le dos, la jambe bloquée dans la clé de genou que lui faisait subir le guerrier. Ce dernier, assis sur la hanche de l’adversaire, penché vers l’avant, maintenait le haut de sa cuisse bien comprimée entre ses abducteurs, ses mollets se croisant de plus en plus autour de sa prise, pour bloquer son genou. Il allait créer une hyper-extension de ses articulations en forçant sa rotule à s’étendre l’envers, dans son sens, et pour ce faire, il tirait son tibia vers l’arrière à l’aide de tout son corps. Il s’enroulait autour du membre de sa proie tel un serpent et commençait, lentement, à resserrer l’étreinte, à augmenter la pression de ses hanches, à décupler la constriction et les dégâts, à distendre les tendons, appuyer sur ses os, fissurer ses muscles…

La tension de Wu-tang faisait pulser sa carapace,  son pouls rebondissait en écho sur toutes les parcelles de sa peau. Son cœur battait la chamade et ses yeux, vides, brillaient d’une lueur sombre, absorbé par la concentration.


La puissance de sa clé allait, non seulement, devoir affronter celle des muscles de l’ennemi, qui, au moins instinctivement, allaient essayer de se contracter et de limiter les dégâts, mais Wu-tang allait également  subir des assauts par derrière. Il pouvait en être certain : ce petit prince balafré n’allait pas se laisser faire sans bouger, il allait forcément tenter de se défaire, en attaquant des points stratégiques, nerveux ou vasculaires, à l’aide d’une arme. Après tout, il ne l’avait jamais vu combattre sans depuis le début de l’affrontement.  S’il voulait parvenir à lui disloquer totalement la jambe et l’handicaper pour de bon, il devait résister à ses assauts tout en trouvant une solution pour augmenter la compression de sa soumission...

C’était un défi acceptable, voire un pari plutôt amusant en fin de compte.

Il ne pouvait pas le voir vraiment, alors il allait attendre la première attaque, sentir le bon moment, et réagir en fonction. À ce titre, il ne fallut pas plus de quelques secondes pour qu’il sente déjà une douce et agréable sensation de chaleur frapper son tronc, de dos ; un choc comprimé, une piqûre d'estoc, se heurta contre son armure, déchirant une large partie de son cuir, l’altérant fortement, et fit palpiter une petite sensibilité, un point de pression insignifiant, non loin de son bassin. Ce fut seulement à partir de ce moment-là qu’il se décida à agir, conscient qu’il n’allait pas s’arrêter en si bon chemin et très certainement continuer de lui asséner des coups de lame de part et d’autre.


À la manière d’un crocodile qui vrillait sur lui-même, oscillant tel une toupie, la proie enfin dans la gueule, pour détruire toute forme de résistance et déchiqueter ses tendons récalcitrants, Wu-tang se tourna vers la gauche, autour de l’axe de la jambe qu’il tenait, tout en continuant de maintenir le talon de sa victime, faisant ainsi rouler en tonneau son corps tout entier pour tordre définitivement sa jambe et la briser. De sa position assise, sur les hanches du garçon, il passa sur les côtés, son profil gauche touchant désormais le sol, en retournant légèrement son buste dans la direction de l’adversaire, ouvrant son épaule droite vers l’extérieur, pour le regarder et faire faire un tour complet à sa rotule, toujours cadenassée entre ses jambes.

Pendant ce temps, l’ennemi, rapide, était enfin parvenu à lui planter un kunaï, cette fois-ci dans la cuisse. La sensation fut beaucoup plus désagréable que la précédente, la plaie était légère, minime, certes, mais, s’étant retourné pendant l’action, elle avait touché l’arrière de son jarret, dans une partie légèrement décharnée, proche de ses fesses. Une sève rouge s’écoula dans un filet fin, longiligne, serpentant le long de ses muscles. Le dos de Wu-tang touchait presque le sol, après s’être déroulé latéralement pour disloquer totalement la jambe ennemi et positionner son buste, à fortiori son visage, à l’opposé des bras de l’adversaire, de sorte à ce qu'ils soient dorénavant trop loin de son allonge pour être atteint par l'une de ses mains.

Et, malheureusement pour lui d'ailleurs, l’autre coup qu’il tenta de lui donner fut projeté dans le vide et frappa à peine un bout de sa hanche, déchirant une lamelle de la tunique de Wu-tang. Malgré la rapidité avec laquelle le coup avait été lancé, il avait visé une partie qui n'était plus disponible et avait abouti à un piètre résultat.


Le combattant continuait de maintenir sa prise, avec encore plus de torsion. Il s’accrochait à elle comme un prédateur restait suspendu à sa viande. Il se tenait maintenant en diagonal de son adversaire, à ses quatre heures, sur le sol, le flanc gauche plaqué contre terre, le buste de biais vers la droite, les hanches toujours fixée sur son genou, le talon adverse entre les mains, bloqué dans l'aiselle, les jambes entrelacées autour de son quadriceps et les pieds cachés derrière son fessier. Le mouvement de rotation totale qu’il avait exécuté pour se mettre à couvert, avait surtout permis l’hyper-extension de sa rotule, la dislocation de sa tête fémorale et la torsion totale de son pied, qui venait de faire un tour entier sur lui-même, dans un grincement d’os significatif.

Un halètement profond transperçait sa gorge, la faisait gonfler, puis redescendre, en rythme, alors qu'il forçait sur son entrave avec un décuplement infernal de férocité. Le plaisir qu'il ressentait, en humant le parfum de son ennemi, en combattant contre lui, en le brisant, lui faisait littéralement passer le souvenir de ses plaies et de l'acide lactique qui jaillissait dans ses membres. Ne pas s'intéresser à ses blessures était sans doute sa plus grosse tare...

Spoiler:

Des bruits d'impact résonnent à travers l'arène, transformée en véritable champ de batailles. Le tintement métallique d'une arme blanche par-ci, le fracas d'une frappe lourde brisant un os par-là... Inconsciemment, les combattants présents s'adonnent, allégoriquement, à une symphonie aux envolées parfois hasardeuses. Exalté par cette douce mélodie, venue briser le silence de mort qui régnait dans ma vie ces derniers temps, je me suis laissé emporter, prenant part à ce grand brouhaha.

Mon entrée en scène se fit en parfaite harmonie. La délicatesse de chacun de mes pas, la souplesse de mes mouvements et mon timing millimétré sonnèrent comme une douce mélodie, venue renforcer la montée en intensité du présent extrait. Mes coups de lame font mouche, précisément là où je visais. Tout est parfaitement ajusté pour que le rythme et la mélodie du combat conserve sa consonance. Jusqu'à ce que...

Une action, seule, vient tout gâcher, comme une tache au beau milieu d'un tableau. Crispé par cette fausse note, je reste immobile un court instant. Est-il vraiment en train de faire des mūdra, alors même que nous sommes toujours au corps-à-corps ? Tout à coup, une pulsion meurtrière m'envahit. Là, tout de suite, une ouverture pouvant s'avérer mortelle s'offre à moi. Toujours de profil, centre de gravité abaissé, et principalement supporté par ma jambe arrière, je m'avance légèrement, d'une impulsion soudaine, armant le bras droit, prêt à frapper...


Puis, rien. Stoppant mon élan nettement, en appuyant sur ma jambe avant, je refrène ce réflexe reptilien, gravé en moi et mon système nerveux, de par mon passé d'assassin. Le bougre, en tout amateur qu'il est, a eu de la chance... Si je le tuais, ici, lors d'un simple match d'entraînement, les retombées allaient être lourdes en conséquences, et je ne puis me permettre de mettre en péril ma quête. Alors, serrant les dents sous le coup de ma frustration, matérialisée par un frisson me parcourant de part en part, je ressers l'étreinte de ma main sur mon kunai déjà ensanglanté. Je recule ensuite d'un vif pas, souhaitant profiter de mon allonge supérieure à la sienne en le gardant à une distance bien précise, ni trop proche, ni trop éloigné.

Ayant déjà vu son pouvoir auparavant, je reste sur mes gardes, prêt à réagir. A en juger par l'expression sur son visage, il semble vouloir me rendre mes coups. Malheureusement pour lui, je vois clair dans son jeu. S'il peut traverser des portails, il va très certainement chercher à m'atteindre à travers ceux-ci, et ce, via un jeu de feintes très certainement élaboré. Ce genre de capacité peut s'avérer très efficace grâce à l'effet de surprise, toutefois, face à un adversaire averti, elle requiert que son utilisateur fasse preuve d'ingéniosité pour surprendre son adversaire.

Et je suis prêt à y faire face.

Combattant émérite, au style de combat basé sur l'agilité, j'ai toutes les cartes en main pour lui donner du fil à retordre. S'il veut me rendre la monnaie pour tout à l'heure, il va devoir passer non pas la seconde, mais la cinquième vitesse. Surtout qu'il continue de me laisser des ouvertures. S'attend-il réellement à me surprendre ?

Le voilà qui attaque... Analysant chacun de ses gestes, je sens venir un coup de pied circulaire, alors que sa jambe arrière décolle du sol et que son bassin entre en rotation. C'est le moment ! Intuitivement, je fais le lien entre sa capacité, la mūdra qu'il maintient active, et le coup de pied : il veut faire passer son coup au travers d'un portail ! Par où va-t-il frapper ? Devant, derrière ? À gauche, à droite ? En garde, toujours de profil, je recule légèrement, comme pour esquiver le kick prétendument adressé à mon encontre, et je scrute, au travers de mon champ de vision, l'apparition d'un portail. Mais il n'en est rien. Je me retourne alors soudainement par la gauche, et aperçois avec stupeur qu'un portail s'ouvre à proximité de ma tempe. Ainsi, d'un geste réflexe, dans la continuité de ma rotation vers l'extérieur, je balaye à l'aide d'un revers du coude gauche dans cette zone, ce qui me permet de dévier le kick. Le pire a été évité.

Ne souhaitant pas lui laisser le temps d'enchaîner, je ramène mon bras dans le sens inverse, de sorte à lui planter l'arrière du pied, perçant son talon avant qu'il ne repasse au travers du portail, laissant s'écouler une petite giclée de sang à mes pieds. L'enchaînement ne s'arrête pas là. En ramenant sa jambe, c'est alors son coude qu'il ramène en arrière comme pour frapper une cible située dans son dos. Apparaît soudainement une nouvelle paire de failles spacio-temporelles, dont la sortie se situe cette fois-ci face à ma gorge. Attaque fourbe, ne me laissant aucunement le temps de parer à l'aide d'un bras comme précédemment. Toutefois, en plaquant mon menton contre mon épaule gauche afin de couvrir la zone sensible, je viens encaisser le coup tant bien que mal, limitant plutôt bien la casse.

Le coup me fait quand même légèrement reculer, mais je reste en place grâce à de bons appuis. Confiant, je maintiens ma garde face à lui, prêt à réagir. Le regard presque "dans le vide", je ne l'observe pas seulement lui, mais également tout ce qui se trouve dans mon champ de vision, afin d'anticiper la provenance de sa prochaine attaque. C'est alors qu'il envoie un coup de poing, qui de nouveau sera peut-être de nouveau transféré sur une autre zone de mon corps. A l'approche du coup, mon attention est portée sur le poing : l'attaque pourrait être véritable. Toutefois, à la vue du portail, il devient évident qu'il s'agit d'une feinte. C'est alors au second plan de mon champ de vision que mon attention se tourne. Et quelque chose semble se préparer au niveau de mon genou. Avec légèreté, je bascule sur ma jambe arrière afin d'élever ma jambe gauche, juste assez pour que mon tibia vienne encaisser le coup à la place de la rotule.

C'est alors que, contre toute attente, un bloc de roc, projeté violemment, vient s'écraser avec fracas contre son dos, l'interrompant dans sa combinaison tout en le déséquilibrant. Sa phase offensive est terminée. Bilan des courses, un petit coup au menton et une jolie frappe à la jambe. Jolie ferveur dont il a fait preuve, mais cela méritait-il de subir une telle blessure à la cheville ? Une articulation de plus, et pas des moindres, a été touchée. Cela pourrait le pénaliser pour la suite. Et puis, il a finalement été la cible d'une attaque en traitre. Peut-être le karma pour avoir interrompu le massacre de David contre Goliath ! Quoi qu'il en soit, je profite de cette interruption pour reprendre tranquillement mon souffle, scrutant encore mon environnement d'un air malicieux, comme à l'affût d'une farce à glisser en douce.

Spoiler:

Chacun des coups portés par le jeune homme semblait toucher quelque chose de solide, mais il n'en démordait pas. Le premier contré, son pied se faisait légèrement trancher une nouvelle fois par la momie. Un filet de sang coulait sous l'ouverture de sa chaussure causé par le kunai. Une nouvelle fois, ce n'était pas suffisant pour se faire écrouler l'adversaire, mais pourtant poser le pied à terre lui brûlait celui-ci. Serrant les dents, son enchaînement continué encore et encore.

Cependant, à peine le dernier coup posé qu'un choc se fit ressentir sur son corps. Sa tête partait directement sur le côté alors qu'un rocher semblait ricocher sur celle-ci. Enfin, "ricocher" est un bien grand mot. A peine sa tête touché qu'il continuait à peine avant de toucher le sol. Sano, quant à lui, avait son esprit qui se dispersait un instant, tombant dans le vide. Mais avant de toucher le sol, sa main venait à frapper le sol avec force pour s'empêcher de tomber, se relevant aussitôt avec la tête qui tournait.

Titubant de quelques pas sur le côté, du sang coulait de la plaie sur sa tête pour recouvrir son visage de sang. Deux personnes contre lui. Deux attaques en traîtres qu'il a reçu à la suite. Un oeil se fermait tout seul à cause de l'accumulation du sang tandis qu'un main se tenait contre la plaie sur la tête. Une respiration haletante alors qu'il les regardait un à un, un flash meurtrier se dispersant aussitôt dans le seul oeil ouvert qu'il avait. Il était toujours en condition de continuer ce combat.. Mais à quel prix ? Il ne pouvait toujours pas gérer de deux contre uns. Quatre bras sont plus puissants que deux, en partant du même principe qu'ils étaient plus ou moins au même niveau.

Tout son corps hurlait, mais son esprit ne cédait pas à chaque blessure. Son torse, son pied et sa hanche brûlaient. Mais eux étaient supportables, ils lui rappelaient uniquement leur présence. Seulement le coup à la tête lui a fait perdre conscience l'espace d'un instant. Tout aurait pu se passer s'il ne s'était pas rapidement relevé et que l'adversaire en face de lui reprenait ses esprits face à l'assaut fulgurant.

Son expression se transformait en un sourire nonchalant, ses dents blanches se retrouvant teinte par le sang. Presque difforme avec ce sourire, il rigolait intérieurement. Levant la seule main ne touchant pas sa plaie, ce rire se transformait en réalité, n'étant plus seulement que dans sa tête.

"-Vous gagnez."

Relevant les épaules comme s'il s'en fichait, ses pas se tournaient alors qu'il repartait vers l'une des entrées de l'arène où les quelques nécessités étaient présentes; bandages, etc.. De quoi au moins empêcher la personne de perdre trop de sang. Peu importe ce qu'il se passerait à présent, ça ne le regardait plus. Il ne prit pas la peine de regarder les deux seules personnes l'ayant attaqué en traître. Il ne les accusait pas intérieurement, il notait juste leur apparence.

Il partait avec le corps droit, n'en ayant que faire de la défaite dans l'arène. Ce n'était que le début du polissage de son don, tout un tas de nouvelles idées apparaissaient dans son esprit en ébullition. Hm, est-ce que la sensation de bouillir venait de son engouement d'apprendre ou alors de la blessure ? En attendant, il devrait se faire soigner pour la blessure à la tête, le sang qu'il perdait au total -malgré le reste des blessures minimes-, pourrait s'empiler pour réellement faire tomber le jeune homme. Et c'était la tête haute qu'il partirait se faire soigner, soyez-en sûrs.

L’homme avait sous estimé la bête.
L’Absolu ne pouvait être contenu dans les barrières du fini. Le puissant Katojine n’était rien en comparaison aux partenaires d’entraînements du Shinryo. Il l’apprit à ses dépens.

Cette puissante clef de genoux eut raison de cette articulation fondamentale pour tout combat. Le métèque réussit, de manière sinueuse, à le mettre hors combat. Il n’aurait pas du vouloir encaisser cet assaut, son bouclier aurait suffit. Un puissant râle d’agonie fit vibrer ses cordes vocales. La douleur était à son paroxysme, indicible, il ne s’était jamais confronté à pareil blessure...

Ses offensives ne purent prétendre à être parfaites, même en sacrifiant la puissance de celles-ci, la vélocité acérée n’arriva pas à pénétrer la chair du sauvageon – et quand elle réussit cet exploit, ce ne fut qu’une piètre balafre en plus.

Yuugen se maudissait. Il maudissait cette faiblesse qui le plaça en dessous du titan. Il se sentait capable de continuer, capable de montrer ses vraies prouesses... Mais où le mental était en place, le corps, lui, ne suivit pas.
Impossible de se redresser sur ses deux pattes.

Ses mains frappèrent la terre avec force, le caprice du petit enfant dans toute sa splendeur. Ce même enfant dû se résigner. Il ne pouvait plus continuer dans cet état : il risquait bien trop gros. Tel la larve qu’il incarnait, il rampa, avec difficulté, en direction de la sortie des lieux. Ou du moins, vers l’un de régents du Stade qui sera en mesure de le sortir de ce guêpier.

Une sortie de combat qui seyait à sa condition.
Cet affront ne restera pas impayé. Il se le jura sur son honneur. Ici, maintenant, il n’allait plus perdre. Plus jamais. Et ce, même si il fallait sacrifier sa vie à l’entraînement. Au diable les mondanités.

Lorsqu’un os se fracturait ou que des ligaments se rompaient, un bruit presque inaudible faisait vibrer le corps tout entier, en s’y réverbérant comme dans une caisse de résonance. La douleur était avant tout une fréquence, profonde et harmonieuse, qu’il fallait savoir entendre, et Wu-tang y était très sensible. Il connaissait parfaitement le rythme des variations électriques que les nerfs savaient stimuler pour faire passer un message, le son d’un cartilage qui grinçait sous la pression, le crissement d’un muscle qui se déchirait… Il les avait entendus de très nombreuses fois, de trop nombreuses fois, en lui ou chez les autres, et il savait, en cela, identifier la sensation qu’il faisait advenir chez son adversaire en fonction des stimuli qu’il lui renvoyait.

En maintenant sa prise avec brio, en détendant son buste jusqu’à l’étirement le plus total et en contenant la jambe de son jeune adversaire entre ses serres sans lâcher, il sentit sa rotule se disloquer, son talon se briser et sa hanche se déboîter… La douleur le submergea, il la vit frémir, apparaître telle une décharge électrique, monter en lui et s’expulser par un cri de souffrance. La clé avait enfin fonctionné, le jeune Tsukurijin était désormais handicapé d’une jambe. S’il avait déjà eu de grosses difficultés à lutter contre lui en étant pleinement maître de ses capacités, l’issue d’un combat à cloche-pied était déjà courue d’avance.

Un soupir s’échappa des naseaux du guerrier. Il se détendit à nouveau pendant une fraction de secondes, en ouvrant ses mains, relâchant son étreinte, et en posant les pieds  sur les hanches de son ennemi, à présent réduit à l’état de mollusque rampant, pour prendre une impulsion et s’en éloigner. Wu-tang était encore dos au sol, les jambes pliées, prêt à s’exfiltrer de sa clé, mais avec du recul, sa position n’était pas si sécuritaire : un coup en traître pouvait rapidement être donné, que ce soit un jet à courte distance du garçon ou une attaque lourde venant d’un tiers. Alors, dès qu’il reprit son souffle, il s’aida du support que constituait le corps du nobliau, allongé, pour y prendre appui et se projeter en arrière en glissant sur le dos afin de se ressaisir. Son armure ripa contre le sol, de très timides étincelles jaillirent de la friction du métal. Dans son élan, il leva ses genoux, retourna ses coudes, apposa ses paumes contre le sol, se redressa complètement en faisant une roulade arrière et fit un bond pour se mettre à distance.


En se relevant doucement, dépliant ses hanches et ses jambes, il dégaina son sabre, dont le fourreau pendait à sa ceinture, et le tint en direction de celui qu’il venait de maîtriser allègrement. La posture de Wu-tang était maintenant stable et mobile, prête à enchaîner, à continuer la passe d’arme avec le jeune homme, mais… il aperçût avec dépit que ce dernier était en train de se traîner vers la sortie du terrain. Apparemment, il voulait arrêter de danser. Sans doute avait-il eu peur d’y rester. Pour autant, il semblait troublé à l’idée d’abandonner, il paraissait même rager de lui-même...


L’odeur persistante qu’il avait senti, émanait bel et bien de lui, il n’y avait pas de doutes là-dessus, mais elle n’était pas encore assez sucrée, tout compte fait, et cette acidité, cette saveur citronnée qu’il n’était pas parvenu à reconnaître, était finalement un simple goût de faiblesse. Tout s’éclaircissait désormais.

— Ton odeur est particulière… Seulement, tu n’es pas encore assez mûr ! cria-t-il à la dépouille de sorte à ce qu’elle l’entende distinctement. Laisse-toi le temps d’éclore, jeune pousse, entraîne-toi, persévère et reviens m’offrir un combat d’anthologie quand tu seras enfin prêt. Je t’attendrai ici, dans l’Arène.

Laissant sa proie s’évader, non sans un certain amusement, il se retourna alors vers le champ de bataille à la recherche d’un nouvel adversaire. Ses yeux se fermèrent et son nez se leva. Il fit le vide autour de lui : les cris et les chocs environnants se diluèrent dans le noir, un voile opaque recouvra toute la surface du terrain, les parages n’étaient plus que de vagues mirages, flous, indistincts.


Soudain, un parfum fila et fit palpiter son cœur. Contrairement à tout ce qu’il avait pu flairer d’attirant jusqu’à présent, ce qui passa dans ses narines était un arôme rude et rance, un mélange de lard beurré, de viande rôtie et d'herbes persillées, de pissenlits et de feuilles... Habituellement, les fragrances de sucre dans l’air étaient synonyme de puissance, de combat à venir, mais étrangement, il ne pouvait s’empêcher de marcher en direction de cette senteur bizarre, presque puante, un rictus sanguinaire déformant l’entièreté de son visage.

Un katana à la main droite, il avançait avec une tranquillité déconcertante en direction de son futur ennemi, quand tout-à-coup, sans crier gare, un gladiateur surgit sur sa gauche, une masse prête à s’écraser sur son crâne. D’un mouvement presque banal, instinctif, il recula sa hanche gauche, déplaça son pied d’appui vers l’arrière, fit pivoter son poignet droit vers l’intérieur, et leva son bras en revers pour découper le trapèze de son assaillant. Cette simple frappe de taille perça la clavicule et l’omoplate du combattant, traçant une large entaille sur son épaule. Le regard toujours dirigé vers l’odeur, il ne porta aucun intérêt à la pestilence qui venait d’essayer, vainement, de l’attaquer, et évita sa carcasse tombante d’un petit pas chassé.


Après quelques mètres, il s’arrêta et fit face à un curieux personnage, entièrement bandé, très odorant. Plus il s’était rapproché de lui, plus Wu-tang s’était étonné, encore une fois, de ses émanations. À en juger par sa démarche abracadabrante, il n’était pas un combattant du stade, mais il se dégageait de lui quelque chose d’assez mystique. Il était une sorte d’esprit volatile, sans formes et sans apparence, que le monde avait oublié. Il trônait, seul, puissamment, au beau milieu des assauts et semblait, tout comme le guerrier, prendre du plaisir à être ici, à être cerné par la guerre, par le conflit. Avec du recul, en fin de compte, il reconnaissait vaguement sa silhouette. Dans sa vision périphérique, pendant qu’il terrassait le petit Tsukurijin, il l’avait vu se débarrasser du microbe aux portails qu’il avait loupé de peu.

Son odorat ne l’avait pas donc pas trompé. Malgré sa fétidité, il était fort. Assez pour le distraire. En levant sa lame au niveau de son visage, le bras tendu vers l’individu, il l’alpagua de la sorte :

— Toi, là-bas ! Tu t’ennuies ici, n’est-ce pas ? Ces affrontements ne sont pas dignes de ton intérêt, je me trompe ? Alors, viens donc par là et attaque-moi ! Sa poigne maintenait son arme avec vigueur, mais son index s’en échappa et vint, d’un geste significatif, l’enjoindre à s’approcher. Je te laisse commencer, je ne me défendrai pas sur le premier coup, mais sache que ma réplique sera le double de ton attaque.


Il écarta ensuite les bras, torse bombé, sabre tenu vers le haut, et attendit une réponse, avec impatience. Allait-il lui foncer dessus ? Allait-il lui envoyer un projectile ? Allait-il utiliser un pouvoir et l'attaquer ? Allait-il fuir ? Un large panel de possibilités, et pourtant, une seule décision.

Au beau milieu de cette arène, où la violence et le danger règnent, rien ne semble pourtant m'inquiéter. Mon adversaire du jour sort, contrarié d'avoir été interrompu. Il devrait être content : celui qui l'a attaqué par derrière s'est lui-même fait éjecter du terrain par un inconnu. Chaque instant, le nombre de combattants encore présents dans l'arène diminue... Pour ma part, je reste silencieux, immobile, au beau milieu du grabuge, tourné vers les hauteurs du stade, où deux individus inconnus scrutaient discrètement les combattants. Intrigué, mon attention semble comme happée par ces deux personnages, oubliant tout à coup la rixe tout autour de moi. Comme si rien ne pouvait m'atteindre, je me désintéresse totalement de la scène. Car le véritable danger, pour moi, ne se trouve pas à l'extérieur, mais bien à l'intérieur de moi-même.

— Kof kof.


Une toux soudaine vient me tirer hors de mes songes. Une toux ensanglantée, au désagréable goût ferreux. La tête qui tourne, les oreilles bouchées, je commence à tanguer légèrement, à mesure que ma vue se trouble. Mes forces me quittent peu à peu. J'ai l'étrange sensation que mon corps pourrit de l'intérieur... La main sur le ventre, la tête baissée et le souffle faible, je tente de recouvrer mes forces. Décidément, cette maladie m'emportera dans la tombe, et rien, d'ici-là, ne m'aura permis de me sentir vivre. A moins que...


Mon regard croisa celui du titan qui écrasait un jeune noble quelques instants plus tôt. Tout à coup, une bouffée d'énergie s'empare de tout mon être. Comme si mon chakra s'était éteint quelques instants pour revenir de plus belle, affluant dans chaque parcelle de mon corps, le vivifiant à nouveau. Serait-ce cela, le coup de foudre ?!

Essuyant mon gant plein de sang contre les bandages qui recouvraient ma cuisse, je me mis en marche en direction de cet étrange énergumène qui, à son tour, s'est tourné vers moi et marche dans ma direction. Un sourire narquois étire mes lèvres encore une fois, et alors que plus rien d'autre que ce danger ambulant ne semble exister à mes yeux, j'avance, moi aussi, droit vers cette rencontre désormais inévitable.

Un caïd sorti de nulle part traverse alors mon champ de vision, arrivant par ma droite. Armé d'un sabre, qu'il tient à deux mains, pointe vers le haut, il est prêt à décocher une entaille verticale. D'un coup de paume ascendant, je viens frapper au niveau de ses poignets, déviant l'attaque qui passe alors devant moi, la pointe de l'épée se plantant même dans le sol. J'en profite alors pour poser mon pied dessus, l'immobilisant quelques instants, avant d'envoyer un revers du coude en plein visage de mon assaillant, repoussant son corps sur plusieurs mètres et propulsant son esprit loin dans le cosmos.

Rien ne doit plus interrompre ce moment si intense, si puissant. A mesure que j'approche, mon coeur palpite, j'en ai presque la chair de poule. Nous voilà désormais face à face, quelques mètres seulement me séparant de l'élu de mon coeur. Plaquant une main contre l'autre, une petite émanation de chakra se fait sentir, alors que je réponds aux avances de mon vis-à-vis.


— Comment pourrais-je te refuser cette danse ? J'en suis déjà tout émoustillé...

Une lame semblable à un kunai, mais de la taille d'un court sabre apparaît dans mes mains, puis, je me mets en garde. Soudain, à l'aide d'un déplacement rapide, je m'échappe par la droite, me retrouvant sur la gauche de Wu Tang. Approchant à grande vitesse, je stoppe net ma course alors que je suis encore à une certaine distance, toute calculée pour la suite de mes mouvements. Mon élan fait pencher mon corps en avant, et, profitant de ce déséquilibre, je viens donner un revers ascendant à l'aide de ma lame, venant viser de telle sorte à l'entailler tout le long du flanc gauche, de la hanche à l'épaule.