Les effluves se visibilisèrent, en tourbillonnant autour de son nouveau vis-à-vis. Elles prirent une forme ovoïde, semblable à une aura incandescente, à une fumée compacte et vivante qui enlaçait sa présence. Cette intrigante momie avait répondu à l’appel d’un ton enjoué. Elle aussi était en train de consacrer toute son attention à cet instant précis, cela pouvait désormais se sentir.
Lorsqu’elle se jeta, arme en main, sur Wu-tang, ce dernier ne put s’empêcher d’esquisser un ris déformant, de plaisir et d’excitation. Il arrivait, et avec lui, l’entrechoquement des lames, les intenses bravades, les transcendances martiales… Un véritable rêve ambulant se mouvait jusqu'à ses pieds. Goutte à goutte, il se délectait de ce spectacle, fluide, chevalin, poétique, qui se déroulait, là, maintenant, devant lui.
Et la réalité, qui semblait s’être ramolie, le temps d’une extase, reprit très rapidement son cours lorsque l’accélération du mystérieux combattant l’amena, dans une suite de sauts prompts et soudains, à trouver les flancs du guerrier.
Toutefois… dès qu’il le vit franchir la distance d’engagement, avant même qu’il ne le laisse se préparer à l’atteindre, et alors qu’il avait pourtant proposé de ne pas se défendre du premier coup donné, une petite phrase anodine s’échappa depuis la profondeur de ses poumons.
— J’ai mentiiiiii... lâcha-t-il, sans aucune culpabilité, en se projetant d’un bond inattendu sur l’adversaire pour contrer la charge, profiter ainsi de l’inertie contraire pour réduire la distance en devançant son intention. Son pied droit s’était appuyé sur la pointe pour se propulser, soudainement, son corps entier s’était aussitôt tendu en arrière pour se maintenir, le torse ouvert, tandis que sa main gauche, libre, était allé chercher quelque chose derrière sa hanche d’un mouvement presque automatisé.
Alors que l’ennemi se stoppa net, d’un geste abrupt, dans sa lancée en se penchant vers l’avant, buste incliné, pour tenter d’envoyer un coup de couteau ascendant avec sa main droite, Wu-tang rentra directement dans son armement et heurta sa position en appuyant sa semelle gauche, projetée d'une puissante enjambée, sur le coude qui préparait l’attaque pour l’empêcher de se déplier vers le haut. L’impulsion descendante de la déviation visait également à l’entraîner au sol, étant donné que tout son poids de corps était penché sur le bout de sa course, au-devant. Pour ne pas s’écraser contre le tapis de sable, il allait sûrement avoir besoin de son autre bras, mais ce dernier allait peut-être devoir servir ailleurs.
Car, tout comme sa vicieuse manœuvre avait pour objectif de s’offrir, en premier sang, une petite plongée sur les ouvertures qu’il allait dévoiler en attaquant, le contre fut exécuté de sorte à ce que, muni de son katana à sa droite, et à présent en possession de son wakizashi à sa gauche, il puisse lui enfoncer des lames dans les insertions de ses deux trapèzes, totalement libres, presque dans un angle mort de sa garde.
Aussi, tout en repliant ses bras d’un double estoc et en continuant à l’amener par terre, pilotant la descente de son centre de gravité avec sa jambe gauche, appuyée sur son bras armé, il envoya alors ses lames se planter conjointement dans ses zones sensibles, situées entre sa tête et ses épaules, entre ses clavicules et ses cervicales... Il l'avait tiré à la manière d’un toréador qui piquait un taureau à l'échine, en jouant avec les forces, les lignes, les axes, qui s'offraient allègrement à lui en jouant.
La valse folle faisait cliqueter son armure. La scène était peinte d'un dessin de guerres et de fêtes. Aujourd'hui, il dansait, joyeux comme un enfant, épris comme un amoureux. Qu'importe ce que cette joute allait pouvoir porter aux yeux des hautes instances, quel que soit le résultat, il allait continuer à valdinguer, en riant. Jusqu'au bout de la nuit. Jusqu'à tout jamais.