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Mes mains formaient encore le dernier signe autorisant l’exploit quand je me mis à doucement sortir du sol. Une fois ce dernier de nouveau solide sous mes pieds, mes doigts se délièrent. Pas un bruit - ma cible continuait à maintenir sa proie contre le mur, une brute abusant d’une enfant à peine adolescente. Si ce genre de choses pouvaient arriver dans la Ceinture, les horreurs n’avaient fait qu’empirer depuis l’avènement de Bō Takeshi. Les pires raclures de l’espèce humaine s’étaient passés le mot : le Gardien n’était plus là. Jin… J’espérais du fond du coeur qu’il soit en vie.
Telle une ombre vengeresse, enroulée dans mon épaisse cape noire, je rendis une implacable justice. Son poing armé de renforts vint frapper la nuque du condamné, mes muscles tordus par la puissance de l’effort. Un craquement résonna - ma première vie prise. Froidement et volontairement. Je ne ressentais pourtant rien, rien d’autre qu’un vide froid et abyssal. Il n’en était pas à son coup d’essai mais, avais-je pour autant le droit de faire ça ?
Mon moment de doute n'échappa pas à ma protégée, qui me remercia - sans doute inconsciente de ce que je venais de commettre sous ses yeux : un meurtre.
- “Tu as de la chance que je sois passée ici. Cours à l’orphelinat, ne t’arrête sous aucun prétexte.”
Le soleil terminait sa course dans le ciel, gratifiant la ville de ses derniers rayons. Voilà que j’avais un corps sur les bras. Bénissant le jour où Ren m’avait permis de toucher la pierre rouge, je fis quelques signes à l’aide de mes mains avant de plaquer mes paumes sur le sol. Doucement, le corps fut happé par la terre - jusqu’à disparaître entièrement. Pas de cadavre, pas de meurtre.
Un geste furtif attira mon attention - une ombre au bout de la ruelle. La demoiselle ? Non, elle avait disparu dix secondes plus tôt. Quelqu’un d’autre alors ? M’avait-on vu faire ? Remontant ma capuche pour m’assurer que je n’avais pas été reconnue, je pris la fuite dans l’autre direction - usant de plusieurs passages étroits pour perdre de potentiels poursuivants.
La Ceinture était en guerre - je devais protéger les innocents quand j’en avais l’occasion. Sans prison et seule, je ne pouvais qu’user de violence dissuasive. Aux grands maux, les grands remèdes. A son retour, Jin comprendrait sûrement.
Il ne me fallut pas longtemps pour gagner la cour de l’orphelinat - une impasse enclavée entre deux blocs de maisons au bout de laquelle trônait la porte de mon havre. Pressant la poignée pour entrer, j’offris mon plus beau sourire à l’assemblée. Des dizaines de personnes vivaient à présent son mon toit, tous des enfants. Ma débitrice me sauta dans les bras - Rina n’avait que treize ans.
- “Je ne veux plus voir aucune fille dehors toute seule, qu’importe la raison, c’est clair pour tout le monde ?”
Les oui fusèrent à travers la pièce, je ne pouvais que compter sur leur bonne foi. Impossible pour moi de contrôler plus de quarante enfants, alors même que je ne connaissais pas encore leurs prénoms à tous - mais j’espérais sincèrement qu’ils réalisent enfin dans quel état était la Ceinture.
Mes lèvres rencontrèrent le front de la miraculée, que je serrais avec tendresse dans mes bras.
- “J’ai fais comprendre à celui-ci qu’il devait changer de secteur, il ne vous touchera plus jamais.”
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