La douce caresse des rayons de l’aurore effleurait tendrement le visage de Ren. Cette timide chaleur extirpa le savant d’un sommeil sans songe. En effet, cela faisait bien des années qu’il ne se souvenait d’aucuns de ses rêves, peut-être leur banalité ne méritait pas que l’homme aux nombreux tatouages en garde une trace. Ne s’attardant pas sur ce détail, il se prépara rapidement, comme à son habitude. Repas, toilette, habillement, sans perdre un instant, tous se succédèrent promptement. Les journées raccourcies de l’hiver étaient pour lui un rappel impérieux du caractère éphémère de sa vie. S’il voulait poursuivre son œuvre, il ne pouvait perdre aucune seconde, toute son existence devait être vouée à sa mission, à sa « destinée ».

D’un pas déterminé, il rejoignit en un temps record la cour du monolithe. Là, il débuta son numéro de charme, souriant avec bon cœur et se montrant particulièrement à l’écoute des autres érudits. C’était une habitude, une routine matinale comme une autre. Il prenait la température du clan Kodama et de ses scientifiques, grattait quelques informations sur les recherches en cours et sur les derniers travaux en vogue dans la cité. Sans même à avoir à forcer les autres, tous se livrèrent naturellement à lui, en toute confiance, quelle erreur… Il fut même surpris qu’un de ces anonymes veuille amorcer un débat avec lui, cependant en homme de science, il ne pouvait pas refuser une joute verbale. C’est alors que commença une lutte policée mais intense. Chaque partie avançait des arguments solides et essayait de convaincre l’autre, aucune mauvaise foi n’était à l’œuvre. Le thème de ce combat de rhétorique ? La nécessité ou non de concevoir l’humain tel un animal comme les autres. Par péché d’orgueil et surtout par esprit de contradiction, le brun aux cheveux longs soutenait l’idée que l’humanité s’était extirpée de sa condition animale et que le réduire de nouveau à ce simple statut revaudrait à nier tous les progrès de cette espèce et sa capacité à assujettir son environnement. Bien entendu, après plusieurs dizaines de minutes d’échanges stériles, les deux protagonistes trouvèrent un consensus. Les deux approches étaient complémentaires et aucune des deux ne devaient être balayés lors d’une recherche complète et honnête.  Ils se séparèrent en bon terme, néanmoins l’homme à la grande cape noire gardait un goût amer en bouche, il n’avait pas réussi à faire plier l’autre, à l’obliger à se rendre et à avouer son infériorité. Se sentant comme sali, humilié, il fit mine de s’approcher du monolithe et d’observer ses étranges glyphes afin de retrouver son calme.

Pourtant, son introspection ne dura pas bien longtemps. Dans son champ de vision périphérique, il pouvait apercevoir une tâche écarlate s’approcher. Ne voulant pas donner l’impression d’être sur ses aguets, il fit mine de ne rien voir et chercha dans sa mémoire à qui pouvait appartenir ses cheveux  vermillons. Il était certain qu’on lui avait déjà parler d’un savant atypique, tant à son physique qu’à son parcours, cependant il était incapable de retrouver son nom. Énervé contre lui-même, il crispa discrètement ses points, mais rien n’y faisait cet individu sans visage demeurait un inconnu. S’il voulait atteindre les sommets du clan, il allait devoir travailler sa mémoire, il était capital de connaître tous les membres de ce groupe, surtout s’ils ont déjà acquis une certaine renommée. Il souffla une grande inspiration, audible pour tout ceux qui l’entourait de quelques pas, puis refoula toute émotion, tout doute. Une interaction sociale allait surgir du silence, il se devait d’être prêt, il mobilisa toute son énergie pour contenir ses pulsions malsaines et pour imposer un masque empli de quiétude et de sympathie.

Comme il l’avait prédit, le jeune homme vint à la rencontre du trentenaire. Ce dernier s’était assis nonchalamment sur une table, feignant d’être emporté par de quelconques pensées. Mais il n’en était rien, il était sur ses gardes, prêt à charmer l’arrivant avec un sourire ravageur et une voix apaisante. D’ailleurs celui-ci, s’installa avec prudence en face de lui. Bandeau sur l’œil droit, chevelure aux couleurs automnales, visage inspirant la sympathie, Ren était certain d’avoir déjà entendu cette description. Il s’agissait assurément d’un Kodama, cependant son nom lui échappait. Coup de chance, il n’eut pas besoin de se torturer davantage, l’érudit au look atypique se présenta de lui-même et signifia même qu’il le connaissait. Avec cette intervention, le nouveau protagoniste provoqua chez l’archiviste des sentiments contradictoires. L’étonnement d’abord, d’où il le connaissait ? Par quel réseau ? Que savait-il sur lui ? Ces questions se bousculaient dans la tête du mercenaire aux cheveux longs. Ensuite, la colère, comment osait-il se présenter ainsi, l’empêchant de se présenter soi-même, imposant une interaction sociale sans repli possible, il s’agissait clairement d’un manque d’éducation. Enfin, la curiosité, il désirait à présent tout savoir sur ce jeune éphèbe et sur ses motivations. Arborant son masque le plus sociable et le plus courtois, il répondit au geste de politesse de son confrère et serra d’une poigne ferme mais amicale sa main. Son sourire, toujours aussi chaleureux, laissa place à des paroles mesurées et trahissant un désir d’en savoir plus sur son interlocuteur.

- Enchanté, très cher. Ravi de faire ta connaissance, si ma mémoire ne me fait pas défaut, c’est la première fois que l’on se rencontre ? Qu’est-ce qui t’amènes vers moi, en quoi puis-je t’être utile ?

Arrondir les angles, paraître aimable et à l’écoute de l’autre, c’était une chose aisée, un art qu’il maîtrisait à la perfection. Dissimulant ses véritables intentions en utilisant un vocable évasif et surtout, en enrobant le tout de bienséance, il était certain d’arriver à ses fins. Néanmoins, il allait devoir se montrer prudent, une telle asymétrie d’information était très dangereuse, il allait devoir se renseigner au plus vite pour qu’une telle situation ne se répète plus. Il nota cette idée dans un coin de sa tête.

- Tu en veux un peu ? Je les ai faits moi-même, c’est une recette de famille.

Toujours dans sa quête d’être accepté par l’autre, il avait sorti de son sac ce qui devait être sa collation de l’après-midi, des petites pâtisseries frites enrobées de sucres glaces. Il les tendait vers son nouveau camarade, espérant une réponse positive. Ne sachant pas qu’elle place occupait ce Shosei, il était bienvenu de tout faire pour s’en rapprocher, quitte à flirter si la situation l’exigeait. Pour le moment, observation et patience, le mercenaire aux cheveux de feu allait tôt ou tard éclaircir la situation et c’est à ce moment-là, que l’homme tatoué pourra déterminer quelle attitude il devait avoir face à cet inconnu.

Tant de compliments et de louanges, c’était étrange, inattendu, inquiétant. Ren se montrait méfiant, même si cela ne pouvait pas se lire sur son visage souriant et amical. Son masque de bienséances bien en place, il était armé pour ce combat. Car oui, c’était comme cela qu’il appréhendait cet échange, une lutte mentale, un affrontement silencieux, une joute sans victime. De plus, maintenant que sa curiosité avait été piqué à vif, il souhaitait en savoir plus sur ce borgne et sur cette fameuse mission. L’imprécision de Tengen soulevait moult question dans l’esprit de l’érudit aux cheveux longs. Premièrement, si l’ordre venait réellement des hautes instances, l’objectif de cette missive devait impacter la vie entière du clan, si ce n’est la vie de tous les Kusajin, sa nature était-elle aussi capitale ? Deuxièmement, cette notion de longue durée, cela signifiait-elle qu’ils allaient devoir collaborer durant plusieurs saisons ensemble ? Enfin, si seule l’intelligence et la confiance rentraient en considération pour choisir un partenaire, n’aurait-il pas été plus efficace de choisir un érudit ayant une plus grande influence ? Non, tout cela le laissait dans un état perplexe, mais il ne pouvait pas se dérober à la possibilité de briller aux yeux des hauts dirigeants du clan Kodoma.

Tandis que son compagnon de table se délectait des friandises que le trentenaire lui avait donné, il se leva solennellement, puis d’un geste gracieux et empli de respect, il fit une révérence à son interlocuteur. Toujours la tête basse, le regard rivé sur le sol, il s’apprêtait à accepter l’offre du mercenaire aux cheveux vermillon. D’un ton empli de gravité et de gratitude, il prononça ces quelques mots :

- Merci à toi, je ne sais comment te remercier de m’offrir une telle opportunité. C’est vraiment un coup du destin, j’espère que cette rencontre scellera une amitié solide entre nous et qu’elle se soldera par un résultat à la hauteur des attentes de nos dirigeants. A partir d’aujourd’hui, je consacrerais mon don, mon corps et mon temps pour t’assister au mieux. Néanmoins, pour la bonne poursuite de notre collaboration, j’ai besoin de plus d’informations.

L’homme tatoué sortit un bout de papier et un crayon, releva la tête avec un regard passionné, prêt à retranscrire toute information importante. Il ne voulait louper aucun détail, aucun indice sur les dangers et les implications de ce futur travail. Il se montrait extrêmement studieux et résonné. C’était à présent son esprit scientifique et son tempérament pragmatique qui prirent le dessus. Il essayait de dissimuler au maximum son impétuosité et son intérêt grandissant, mais avec peu de succès. Ses gestes précipités, les éclats dans son regard et son débit de parole de plus en plus rapide le trahissaient.

- Excusez mes tremblements et ma nervosité, mais j’ai rarement eu l’occasion d’avoir une telle proposition. Vous pouvez considérer à présent que je vous suis dédié et reconnaissant.

Bien sûr, tout ceci n’était qu’un baratin pour s’attirer les bonnes grâces de ce Kodoma à l’influence montante. Il pouvait peut-être s’appuyer sur lui pour atteindre les hautes sphères et donc l’impunité si chère à son cœur. Il allait devoir se montrer très patient et très sociable, espérons que sur le long terme son masque ne se brise pas et que son véritable caractère ne se révèle pas.

- Alors par où commençons nous, mon cher ami ?

La formule était peut-être trop osée, mais qui ne tente rien n’a rien. Autant forcer un peu le destin et stimuler davantage les liens sociaux. Ce n’était pas dans ses habitudes, mais la perspective de pouvoir être mis en valeur aux yeux de la hiérarchie le faisait perdre un peu pied.

La remarque du borgne et son rire firent réaliser à Ren son lapsus. Il avait tellement l’habitude de vouvoyer son entourage et les inconnus qu’il lui était difficile de tutoyer lorsqu’il se trouvait dans un état psychique instable ou confus. Bien sûr, ce n’était pas bien grave et Tengen semblait s’en amuser. Néanmoins, une gêne persistante s’était développée dans l’esprit du savant aux cheveux noir de jais. Il ne pouvait rien faire pour la dissiper, peut-être qu’avec le temps et la multiplication des échanges…

Dans tous les cas, les informations que venaient de lui transmettre le protagoniste à la crinière de feu étaient très intéressantes. Il fallait donc constituer une forme de bestiaire cataloguant toutes les menaces existantes pour faciliter les expéditions futures, c’était une très bonne idée, en effet. Cependant, cette envie de la partager avec les autres clans n’était pas au goût du savant à la cape noire, il comprenait l’intérêt stratégique et le jeu d’influence dans lequel ce projet s’inscrivait. Pourtant, il était persuadé que garder ses informations secrètes serait bien plus bénéfique pour les Kodama. Mais bon, cela ne relevait pas de son pouvoir, il allait obéir et faire de son mieux pour être utile pour son camarade de fortune.

Une fois les notes prises, l’autre Élu évoqua la possibilité de se rendre dans le quartier des épices. Ce lieu était quelque peu obscure pour l’homme tatoué, il ne s’y aventurait que très rarement et il connaissait peu ses us et ses coutumes. D’ailleurs, il réalisa que pour le moment, hormis son propre quartier et les zones d’influence Kodama, il connaissait mal la cité d’Asatsuyu et ses recoins. Cette mission serait donc une occasion rêvée pour lui d’élargir ses horizons et donc ses connaissances. Cette perspective fit renaître la flamme de sa volonté, il était de nouveau motivé et prêt à travailler. Maintenant qu’il savait qu’il allait en tirer un bénéfice personnel, cette mission était redevenue passionnante. De plus, il est vrai que depuis que les Shinnin avaient établi un avant-poste près des bois maudits, ils avaient acquis une certaine réputation. Il fallait absolument rattraper le retard pensa Ren. Son orgueil se mêla de cette affaire, sa fierté d’explorateur était piqué au vif. Il voulait les détrôner, quitte à les manipuler, eux et leurs savoirs.

- C’est une excellente idée. Mais aller dans le quartier des épices sans aucune source fiable identifiée et sans repère, ce serait perdre notre temps. As-tu une idée de qui interroger ? Une personne de confiance vers qui nous pourrions nous diriger ? Moi, je dois t’avouer que je n’ai presque eu aucun contact avec les autres clans et leur population…

Il prit le temps de réfléchir, de déterminer par la raison qui pouvait bien être leur informateur, cependant rien ne vint. Il ne savait même pas comment les autres clans conservaient le résultat de leurs explorations. Son ignorance commençait à l’enrager, néanmoins, rien ne transparaissait sur son visage. Il restait toujours aussi calme et bienveillant. Comme un aveu d’impuissance, il eut ses paroles emplies de doutes :

- Peut-être ont-ils des archives ou des bibliothèques où ils conservent ce genre de données… Du moins, je l’espère pour eux, sinon ils manquent cruellement de méthodologie… Sinon, peut-être que si nous nous attardions sur ceux qui publient les ordres d’expédition, nous aurions une chance de retrouver des traces des résultats de ces missions… C’est tout ce qui me vient en tête… Peut-être que sur le trajet d’autres idées me viendront, inspiré par les lieux, avançons et nous verrons bien sur place… De toute façon, rester ici ne nous fera pas avancer.

Aussitôt dit, aussitôt fait, d’un pas déterminé, il se dirigeait vers leur prochain lieu d’enquête. Il pensa à sa famille et leur longue tradition de gardien des archives, peut-être que dans les autres clans d’autres familles ont la même tâche séculaire. Il nota dans un coin de sa tête cette hypothèse, pensant l’évoquer s’ils faisaient chou blanc dans le quartier des épices.

Tengen semblait réceptif au discours de l’érudit tatoué, néanmoins il n’apportait pas de solution viable, tout était flou, cela sentait l’amateurisme ou une tendance à trop se reposer sur la chance. Non, au vu de l’importance de leur mission, il fallait apporter de la rigueur, de la discipline et de la visibilité. Réfléchissant durement, Ren essaya de trouver un moyen de parvenir à leur fin sans prendre trop de risque et sans perdre trop de temps. Soudain, tout s’éclaircit, plusieurs voies s’ouvraient à eux, s’ils agissaient de façon méticuleuse et ordonnée, ce projet d’encyclopédie allait se faire sans accroc. Toute cette réflexion eut lieu dans un silence pesant où l’homme à la cape semblait ailleurs, inaccessible.

Puis, après ce mutisme quelque peu troublant, profitant de sa stature et de son autorité naturelle, le Shosei prit l’ascendant sur son camarade et avec sa voix la plus solennelle, entama un exposé de ces idées. Il était sûr de lui, ne voulait pas tergiverser pendant des heures et cela pouvait se ressentir. Ce n’était pas tant qu’il était pressé, mais plutôt qu’il aimait faire les choses de façon professionnelle et rationnelle.

- Bien, j’ai pris le temps d’y réfléchir. Je pense qu’on peut déterminer notre futur plan ainsi : 1, as-tu une preuve de la requête officielle, une lettre ou un signe à présenter aux autres factions nous permettant d’avoir un passe-droit ? 2, si ce n’est pas le cas, je te conseille d’aller le quérir chez nos supérieurs aujourd’hui. 3, moi, je vais aller faire un tour dans les archives de notre clan, j’y trouverais peut-être des traces d’un établissement similaire chez nos confrères, après tout, il arrive que des bibliothèques s’échangent des documents, pourquoi cela n’aurait-il pas lieu avec des archives. 4, nous nous retrouvons demain ici même, si la chance nous sourit, nous aurons tout ce qu’il nous faut pour rendre visite aux autres groupes fondateurs. Cela te vas-tu ?

L’érudit à la cape noire laissait peu de liberté et d’autonomie à son compagnon de fortune, cependant, pour lui, c’étaient les choix les plus logiques et les plus économes en temps. Il fallait se presser de mettre en place des partenariats d’informations entre les clans pour faciliter les explorations futures, c’était une nécessité. D’ailleurs, à cette pensée, il comprit pourquoi les hauts dirigeants souhaitaient partager l’encyclopédie. Pour le bien d’Asatsuyu, il était impératif d’échanger et de se coordonner, sinon la flore et la faune hostiles viendront à bout d’eux.

En attendant la réponse de l’homme à la chevelure écarlate, il commença à se préparer pour sa tâche. Regroupant ses affaires et se tenant prêt à saluer et à partir. Sa détermination et sa résolution pouvaient se lire dans l’étincelle de son regard. Tout son être, ses actes comme son visage traduisaient son envie de mener à bien cette mission. En fait, sans le vouloir, il avait perdu en chaleur humaine et en bienveillance, il était bien plus distant, austère et intimidant.

Tengen surprit le Shosei. En effet, ce dernier ne s’attendait pas à ce que son collègue réagisse aussi bien à son ton un petit peu directif. Cette agréable surprise fut grandement appréciée, elle empêchait un énième malentendu voire un conflit d’éclater. Cette ambiance studieuse et prompte à l’effort motiva l’homme tatoué et après une ultime révérence, pleine de sympathie et de franchise, il quitta la compagnie de son partenaire de mission. Pressant le pas, son enthousiasme et sa volonté décuplés par l’attitude de l’autre Élu, il se dirigeait vers son lieu de travail, les archives du clan Kodoma.

Édifice creusé à même le tronc d’un arbre centenaire et s’enfonçant dans les entrailles de la terre, son emplacement, tout comme son existence n’était connue que de peu de monde. En effet, seules certaines familles et les hautes instances du clan possédaient ses connaissances. Pour les initiés, il était facile de retrouver ses lieux invisibles aux yeux des autres. La sécurité étant capitale pour protéger ses documents, ses biens et ses secrets aussi vieux que la cité d’ Ayatsuyu elle-même, de nombreuses barrières, portes et sceaux étaient disposés sur le chemin menant à la bibliothèque pour freiner toute intrusion. En tant que gardien en chef de ces lieux, Ren arriva sans peine à atteindre le cœur des archives. Sur son passage, les autres gardiens qui rangeaient, scellaient et surveillaient les précieux documents, s’arrêtèrent tous pour le saluer poliment et avec beaucoup de déférences. Un tel traitement n’était pas seulement dû au prestige de sa famille, ses connaissances et ses hauts faits face aux pilleurs de secrets étaient reconnus et appréciés. L’érudit trouvait en ces lieux, les marques de respect et de distinction qu’il appréciait, venir ici était un vrai cadeau pour son ego.

Rapidement, il trouva ce pourquoi il était venu, le registre des entrées et sorties. Sur ce livre, à la reliure dorée et aux feuilles sentant le parfum d’antan, se situaient toutes les informations qu’il cherchait, du moins, il l’espérait. Pages après pages, survolant les nombreux écrits comptables, il ne trouva rien. Enfin, pas tout à fait, à de nombreux endroits, un symbole inconnu était calligraphié, trois triangles entremêlés. A ces dates, son paternel était encore le maître des archives. S’il voulait en savoir plus et trouver ce qu’il désirait, il allait devoir retourner dans son ancien foyer
. Cela ne l’enchantait guère, non pas qu’il avait un mauvais rapport avec ses proches, mais plutôt qu’il ne voyait pas l’utilité de maintenir un lien. C’était davantage une perte de temps et d’énergie qu’un réel bienfait. Il pouvait se passer d’eux pour vivre. Du moins, c’est ce qu’il pensait. Car au vu des faits, il semblerait que son père ait pris la liberté de lui cacher quelques informations concernant le fonctionnement des archives lors de la passation de pouvoir.

Quelque peu échauffé par cette hypothèse, il quitta promptement son doux refuge pour rejoindre la demeure familiale. Il n’eut pas beaucoup de marche à faire, en effet, celle-ci se trouvait à proximité de l’arbre gardien. C’était une manière pour la lignée des Akemi de garder un œil sur les archives. Elles ne devaient jamais quitter leurs esprits. Avec vigueur, il ouvrit la porte et la referma derrière lui. Il se prépara mentalement au combat qu’il allait devoir mener, soupira du plus profond de son âme et entama le dialogue.

- Mère, Père, j’ai besoin de vos connaissances. Je suis en mission pour les dirigeants de notre noble clan et pour cela, je reçois l’aide d’un Gakusha. Pour faire simple, j’ai besoin de savoir si d’autres archives semblables aux nôtres, existent dans les autres clans fondateurs. J’ai remarqué un signe particulier dans le registre, vous pourriez peut-être éclairer mes lanternes.

- Reeeeeeen ! Mon fils adoré ! Regarde-toi comment tu as grandi ! Mais dis donc, tu es tout maigrelet ? Tu manges à ta faim, j’espère ? Et ce teint blafard ? Toi, tu révises de trop ! Sors un peu, profite du soleil ! Et d’ailleurs, en parlant de sortir, tu as trouvé une jeune femme ? C’est que l’on ne se fait pas tout jeune et nous aimerions beaucoup avoir des petits enfants…

- Chérie, laisse le tranquille. Ce n’est pas à ton fils que tu fais face, mais à un mercenaire à la solde du clan. Il n’a pas de temps à perdre avec tes élans maternels. Il est là pour des réponses, je me trompe ? Bien, je crois qu’il est temps que tu en apprennes davantage sur ton métier. Il existe bien, des établissements semblables à nos archives. Bien entendu, ils n’ont pas la rigueur ni la discipline pour conserver efficacement les documents devant demeurés secrets. C’est pourquoi, ne t’attends pas à un miracle, cela m’étonnerait guère que tu trouves tout ce que tu veux en ces lieux. De plus, le symbole que tu as trouvé est la marque d’une vieille entente entre les trois clans, pour le bien de tous, les secrets devaient rester cachés et l’existence de ces trois archives ne devaient être connu que par les dirigeants et les gardiens en chef des archives. Tu imagines bien que l’échange et la communication de tels secrets entre les clans devaient eux aussi être couvert d’un voile opaque empêchant tout premier venu de révéler la vérité.

- Et donc je n’étais pas digne de connaître toutes ces implications, c’est ça ?

- Non, tu te fourvoies, c’est juste que ce travail est toute ma vie, je voulais garder une tâche bien à moi, un rôle dans cette institution, je n’étais pas prêt à tout abandonner...

- C’est pourquoi vous m’avez humilié devant les autres familles, vous avez entravé mes savoirs et vous avez fait perdre du temps crucial au clan. J’espère Père, que votre égoïsme en valait la peine.

- Ne le prends pas comme ça, je n’ai pas voulu te causer du tort Ren… Je t’en supplie comprends moi.

- Peu importe vos états d’âme. Montrez-moi où se situent ses autres archives et comment les pénétrer. J’aurai bientôt un laissez-passer signé des hauts dirigeants. Je vais prendre votre chevalière, cette preuve de mon appartenance à notre illustre lignée devrait suffire pour m’ouvrir les portes de ces proto-archives.

Tout ce qui suivit se passa dans un silence glacial, la mère ignorée par son fils était proscrite dans un coin, abasourdit par tant de froideur. Le père, lui, essayait tant bien que mal de racheter ses fautes en donnant une carte ancestrale où se trouvait les autres archives et des consignes pour atteindre leur cœur facilement. Une fois tous ces biens échangés, Ren se dirigea vers la porte, se retourna avec un sourire chaleureux à destination de sa mère.

- Mère, je vous aime. Quand les temps seront plus cléments, je viendrais vous voir et nous échangerons autour d’un thé, c’est promis.

Une fois ce message passé, il retourna chez lui étudier la carte extrêmement fragile, en fit une copie qui sera plus facile à transporter et se prépara pour la mission qui l’attendait le lendemain. La nuit fut courte, que ce soit pas excitation ou énervement, le résultat était le même. Devant le monolithe, son visage portait les stigmates de la nuit tourmentée qu’il venait de traverser. Mais peu importe son état physique, la flamme de sa détermination n’était pas éteinte, il était prêt à poursuivre sa tâche.

Attendre… Heureusement que Ren était d’un tempérament plutôt patient et tolérant. Bien entendu, pour lui, le retard était une marque flagrante d’irrespect et devait être sanctionné. Cependant, il n’était pas d’humeur à reprendre son confrère, non, il garderait encore une fois tout son ressentiment pour lui, bien enfoui dans les abysses de son âme. Las de contempler le même paysage, il se leva et fit le tour de la place, observant le décor si particulier de la zone régit par les Kodama. Nature et humain vivaient en parfaite osmose, l’un se reposant sur l’autre pour grandir et se fortifier. Un spectacle ravissant et apaisant, pour tout esprit tourmenté, un véritable remède contre l’anxiété.

Là, sans prévenir, un blondinet se tint derrière le Shosei et l’aborda. La surprise passée, les premières secondes furent compliquées. En effet, l’homme tatoué était sur la défensive, ne reconnaissant pas l’inconnu. Cependant, quand ce dernier ouvrit la bouche et fit entendre sa douce voix, son identité fut révélée. Son camarade de mission, Tengen, avait subit un ravalement total de sa personne. A quelques détails près, il était difficile de percer à jour son nouveau profil. Un peu confus et agacé par ce tour, le savant fit un pas en arrière comme pour marquer une distance de sécurité. Ce Kodama enchaînait les bévues et s’y prenait mal pour élaborer une relation durable avec le manieur d’encre. Mais encore une fois, celui-ci garda tout pour lui et arbora un sourire franc et chaleureux. Les apparences avant tout, pensa-t-il.

Puis, cette mission semblait tomber de Charybdes en Sylla : voilà qu’à présent, son collègue revenait sur le plan initial et les intentions du groupe. Était-ce pour cela tout ce cinéma ? Une telle excitation et une telle préparation pour changer d’idée à la dernière minute ? Vraiment aucune rigueur, ni aucun professionnalisme n’émanait de cet homme. Toutefois, étant son supérieur, Ren se plia à son avis et fit mine d’apprécier ce changement impromptu. S’il devait gravir les échelons du Clan, il allait devoir se jouer des autres, tout en restant fidèle à ses valeurs.

- Ce n’est pas grave, j’ai pu profiter de ce temps pour observer notre domaine. Quant à ton idée, ma foi, je la trouve intéressante. Récolter les informations sans s’user à la tâche, rassembler les données et les partager à tout le peuple érudit, ceci pourrait bien fonctionner. Néanmoins, ce registre devra être accompagné d’un lettré pour transcrire la parole des indigents. Ainsi, notre projet sera véritablement ouvert à tous. Et l’option de partage, devrait pousser les autres clans à partager leur savoir. De plus, un corps spécialisé dans la vérification de ces informations et l’accumulation de preuves devrait être aussi constitué, pour que notre recueil ne soit pas rempli de ragots, de contes et de légendes sans aucune véracité. Franchement, je te suis sur ce coup-là !

Ren feignait à merveille l’enthousiasme et la passion. En réalité, il était trop agacé pour ressentir un quelconque frisson de plaisir. Pourtant, ses idées et ses sentiments devaient rester secrets pour le bien de cette mission.

L’échange se muait en flatterie et en banalité, la mission avait perdu en saveur et en sel. Néanmoins, le sens des responsabilités et l’honneur du Shosei l’obligeaient à répondre et à poursuivre l’aventure. Ce n’était pas tant que la compagnie de Tengen était désagréable, mais plutôt que l’érudit était dégoûté de voir ses efforts réduits à néant en si peu de temps. Il avait tout de même dû rendre visite à sa famille, pour lui, c’était quelque chose de difficile. En effet, il redoutait toujours l’attitude trop enjouée de sa mère et les cachotteries de son père. Souvent, il se perdait à rêver d’une naissance noble, dans une lignée respectable, comme les Tsukuri…

Enfin bref, pas le temps de se perdre en espoir vain et en quête d’une meilleure parenté. Il fallait avancer et faire progresser ce projet. Ecoutant attentivement son collègue, il perçut une facette de cette tâche qu’il avait oubliée : l’image des Kodama. Car si Ren améliorait celle-ci, il y avait de grande chance que cela se répercute sur sa propre influence. Tout cela allait peut-être être bénéfique pour lui finalement. Cette perspective lui embauma le cœur d’un enthousiasme et un optimisme neuf. C’était peut-être la première marche vers son ascension.

Il mit à contribution ces sentiments afin de se jouer plus facilement du Gakusha. Son visage resplendit de bonne humeur, de joie de vivre et de gratitude. Ce masque social allait lui permettre de cacher tout le ressentiment qu’il ressentait pour son supérieur. Il était capital d’entretenir un bon lien avec des membres du clan aussi imminents. Acquiesçant au propos de son camarade, il lui répondit avec un air guilleret et presque naïf.

- Merci, merci ! Mais sans ton génie tout ceci n’aurait pas lieu ! C’est grâce à toi que je peux avoir des idées aussi novatrices, tu m’inspires et me tires vers le haut ! Je te suis, tes paroles font loi Tengen !

Suivant son compagnon, ils marchaient tout deux vers la gloire. C’était tout du moins le ressenti de l’être tatoué. Il entendait presque les cloches du succès sonner sur son passage. Le délire s’entichait de son âme et la réalité n’était plus que fantasme. Est-ce que cette sensation allait perdurer ou bien être refroidi par la hiérarchie ? Le savant n’en avait aucune idée, tout ce qu’il savait, c’était qu’il était bien plus simple de se laisser porter par des faux espoirs que de se confronter à la rudesse du monde.

Voilà l’aboutissement de leur travail enfin récompensé, le serviteur du Grand Erudit leur faisait part des conclusions plus que favorables qui avaient été promulguées. Un genou à terre, tête baissée, Ren restait immuable dans ces circonstances solennelles. Il allait marquer enfin le nom Akemi dans l’Histoire des Kodama, autrement que par leur tâche de gardien centenaire. La fierté enorgueillit son cœur, si ses lèvres restaient fixes, son aura brillait d’une énergie pleine de satisfaction et de joie. Bientôt, son existence sera reconnue par tout le monde et il ne demeurera plus un fardeau pour sa lignée. Peut-être qu’ainsi, il sera accepté par la Matriache…

Soudain, l’évocation d’une encyclopédie et des compliments, soulignant le savoir-faire de sa famille, firent lever la tête au Shosei. On venait de lui confier une tâche et une œuvre qui devait marquer Asatsuyu, il sentit aussitôt le poids des responsabilités tomber sur ses épaules. Il saura se montrer digne de cette confiance, il ne gâchera pas une telle occasion de sortir de l’anonymat. Des idées fusèrent, il savait pertinemment comment faire, ses origines et son goût pour le savoir lui dictaient quoi faire. Aucune crainte, aucune appréhension, sa détermination et sa volonté étaient aussi affûtées que des lames. Dans son regard brillait un éclat si pur et si intense, qu’il pouvait rivaliser avec la moindre pierre précieuse. C’était le reflet de son être, de son identité, de son âme.

Quant à la logistique, cette pièce confortable et la possibilité d’investir la cour du monolithe étaient des atouts notoires. Cela allait grandement les aider et ils avaient tant à faire pour rendre ce projet viable. Mille projets virent en tête du savant tatoué. Tant de perspectives, de choix, d’opportunités, il était impatient, tel un enfant guettant les présents pour son anniversaire. Son corps tremblait légèrement, il essayait de se contenir pour ne pas perdre la face devant le vieil homme.

Après que ce dernier est remis le document à Tengen, il énonça les difficultés relatives à la vérification des informations et de la lutte contre les rumeurs sans fondement… Bien entendu, l’archiviste entendit la faiblesse de son clan avec douleur. Il était donc dans une situation aussi fragile, incapable d’agir selon ses désirs et ses besoins… Il allait falloir remédier à cela, une campagne de recrutement, de la formation à grande échelle… Ces pistes étaient hors-sujet pour le moment, mais il faudrait s’y pencher un jour si le clan voulait s’adapter au nouveau monde. Dans un coin de sa tête, il nota ces idées et se promit de les présenter aux hautes instances.

Une fois la messe dite, les deux élus se retrouvèrent seuls. Emporté par la fouge, le trentenaire commença à mesurer à l’aide de ses jambes la taille de la pièce, il comptait à haute voix. Puis, ses mains dessinaient des étagères, des bureaux, il parlait sans prenant garde à l’image qu’il renvoyait, la passion l’habitait. D’un coup, il fit volte-face et se retrouva devant son supérieur.

- Je sais, je devrais te laisser parler et décider, mais connais-tu les codex ? C’est le format idéal pour notre encyclopédie ! Pour faire simple, adieu les parchemins, bonjour des feuilles de papier jointent ensemble à l’une de leur base et maintenues par de la couture, du bois ou autres astuces. Si on en produit plusieurs, à des tailles conséquentes, on pourrait rendre accessible et pratique des milliers de savoirs. Cette nouvelle bibliothèque sera tout bonnement grandiose. En plus, on peut même se payer le luxe de choisir entre un rangement, et une récolte de données, sous forme alphabétique simple ou d’abord thématique, et ensuite alphabétique. Suis-je clair ? Tu as une préférence ? Je sais, je parle vite, mais j’ai des tas d’idées pour ce projet.

Le revoilà parti, il tournait autour de son collègue, se mordant le pouce et marmonnant des paroles incompréhensibles. En réalité, il cherchait un moyen de rendre le rassemblement d’information le plus fiable et le plus aisé possible. Il n’était pas question d’accabler un grand nombre de lettrés dans un projet qui pouvait ne pas les enthousiasmer.

- Alors j’ai réfléchi à autre chose. Qui et comment obtenir ses diverses connaissances. Je reste sur l’idée qu’un individu sachant écrire doit être l’avatar de ce registre. Selon la fiabilité de la source, il aura deux codex à disposition. Se seront des « brouillons », des ébauches, ils demanderont une deuxième lecture et un enregistrement dans l’encyclopédie officielle qu’une fois tout prouvé. Du coup, les deux « livres » se distingueront par leur fonction. L’un pour toutes données fiables, venant d’élus, ou d’un grand nombre de personne et qui ne demande peu de vérifications. L’autre, au contraire, sera fait de rumeurs, de contes et de légendes demandant d’être étudié en profondeur. Pourquoi avoir un tel ouvrage ? De un, cela donnera l’illusion à tout citoyen d’être entendu et de participer à l’Histoire à sa façon. De deux, toutes ses histoires ont bien souvent une part de vérité, la débusquer et rassurer la population de ses peurs primitives, pourrait nous offrir une meilleure image, une meilleure réputation. Nous serons ceux qui chassent leurs angoisses et qui faisons de leur vie un havre de paix. De trois, contre un monde dont nous ignorons tout, ignorer sciemment des informations serait dangereux, nous devons nous montrer à l’écoute et être vigilant. C’est pourquoi, même si nous n’avons pas les moyens de tout démystifier pour le moment, ne nous empêchons pas de le faire dans l’avenir. D’autre part, je pense que je vais demander à un des bibliothécaires qui sert ma famille de nous aider, il en sera ravi, et à deux, nous nous relayerons pour transcrire les connaissances des habitants de notre Cité. Nous formerons aussi d’autres érudits et les pousserons à prendre le relais. Si nous sommes suffisamment nombreux, la récolte ne devrait pas être trop pénible et trop laborieuse. Ah ! Et il va falloir faire la promotion de cette initiative, un journal ou quelqu'un ayant assez de réseaux pour la diffuser efficacement serait fort utile... Tu connais quelqu'un qui pourrait jouer ce rôle ?

Il se mit à regarder son camarade et l’observa méticuleusement, il essayer de comprendre quelques choses. La confusion régnait dans son esprit…

- Dis-moi Tengen, depuis quand tu as les cheveux carrés ?

Lui ? Le simple Shosei, le meneur de ce projet ? C’était tant d’honneur, tant de responsabilités, tant d’opportunités pour briller… Un sourire franc et massif apparut sur le visage de l’érudit. Rares étaient ces moments où la sincérité prenait le pas sur les considérations sociales. L’archiviste ne faisait plus attention à son image, à sa réputation, ravi de cette confiance, il se retourna, pivota sur lui-même, les bras grands ouverts. Son enthousiasme et sa fougue étaient communicatifs, il riait aux éclats, heureux tout simplement. En balayant la pièce de son regard pétillant, le trentenaire se projetait dans l’avenir, avec ces multiples ouvrages reliés, héritage de sa pensée et de son génie enfin reconnu, quel plaisir intense…

- Bien ! Tu as raison Tengen, je parle trop ! Agissons ! Si tu es d’accord, on va rédiger tout ça, si nous couchons par écrit nos idées, elles paraîtront plus claires, plus exploitables ! Alors, je vais commencer, et tu me diras ensuite si tu veux ajouter quelque chose d’accord ?

En réalité, c’étaient plus des propos rhétoriques, qu’une véritable offre… Et le voilà reparti dans ses pensées, dans son engouement sans limite et dans sa dévotion à sa tâche. Tout son être était penché sur le parchemin qu’il noircissait au fil de ses réflexions. Précis, méticuleux, déterminé, l’homme à la cape était bien décidé à faire de cet écrit, une base solide pour cette Encyclopédie. Parfois, il regardait l’horizon, perdu dans le fil de ses pensées, mais il revenait bien vite à son texte, son héritage. Une fois sa postérité assurée, il tendit le papier à son collègue.

- Tiens, je te donne ce résumé. Il contient toutes mes idées, mes prévisions et mes perspectives. Je te le confie, corrige-le, adapte-le, approprie-le toi, et par la suite fait le parvenir aux Institutions pour que tout se lance comme indiqué. Moi, je te quitte, je dois rentrer chez moi, j’avais oublié, mais j’ai une urgence à m’occuper. Bonne journée, bon courage et à bientôt mon ami !

Un dernier sourire et il s’évanouit dans la lumière aveuglante, produite par la porte de sortie. En réalité, il n’y avait pas d’urgence, il voulait simplement aller quérir la Matriarche pour lui faire part de ce projet, espérant un peu de considération, en vain malheureusement.

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