Nouvelle journée. Nouveau combat. Cette fois-ci, j'ai décidé d'épauler mon âme-liée aux arts du combat. Si l'impression de symbiose qui m'unit à @Saigo ne cesse de briller de mille feux, il va falloir qu'il se démène pour arriver à ma hauteur. Je ne souhaite pas être la paire de gros bras du duo. Ce serait trop réducteur. Et je n'ai pas que ça à faire, surtout. Donnez un poisson à un affamé, et il sera nourri pour la journée. Apprenez-lui à pécher, et il pourra enseigner à son tour à autrui. Parce que c'est ça, le plus important, au final. La transmission de savoir. Le passage de flambeau. L'héritage des hommes. Un devoir de mémoire pour ne pas crouler sous le poids du temps.

J'ouvre un coffre de rangement remplit d'armes devant mon camarade juvénile, et les extirpe les unes après les autres pour les déposer sur ma table. Sabre, wakizashi, étoile-du-matin, aiguille de lancer, shuriken, kunaï, kriss, massue. Très vite, on ne voit plus le bois du support. De quoi donner l'embarras du choix à mon faire-valoir.

« Choisis ton arme. Et ne te coupe pas. »

Je l'avais trainé jusqu'à ma cabane sans lui donner de raison, et voici qu'il se retrouve devant mes trésors personnels – une myriade d'armes mortelles prêtes à ôter la vie à toute personne se trouvant du mauvais côté. Une planque dissimulée en pleine Forêt Blanche, à l’abri de tout regard indiscret, et des jeux d’ombre des clans fondateurs. Mon petit nid douillet. Mon cabinet de curiosités. Je me suis toujours sentit en sécurité, dans ce bosquet. Pourquoi lutter contre le sentiment de claustrophobie que me confère une chambre austère, lorsque je peux profiter du bon air ?

« Je t'entrainerai dès aujourd'hui à son expertise. »

Après une balade d’une année entière, dans les contreforts de la grande muraille escarpée, mon serviteur et moi venons tout juste d’arriver face aux trésors des Grands Anciens. Qu’est ce c’est cool d’utiliser des mots compliqués. Un jour, j’écrirai tous les mots compliqués de la terre entière et je m’amuserai à les utiliser tout le temps pour montrer comment je suis trop intelligent. Mais je ferai ça quand j’serai adulte. Ouais, c’est un truc de vieux de faire ce genre de chose, je sais pas pourquoi, mais ils trouvent ça cool... Donc bon. Je me concentre sur mon histoire.

Donc je disais. Après une balade d’une année entière, dans les contreforts de la grande muraille escarpée, mon serviteur et moi venons tout juste d’arriver face aux trésors des Grands Anciens. Après avoir défié les lianes de la forêt maudite, vaincu le golem de pierre millénaire, bu de l’eau parfaite de la cascade du paradis, sauvé un peuple de l’extermination, nous touchons enfin au but. Les mains de mon serviteur balayent la poussière du coffre en or massif. Il brille tellement que j’en ai mal au yeux. Le coffre hein. Pas le gothique. Avec une patience de fou malade, Seiki ouvre le coffre. Il prend tout son temps, au cas où y’a des pièges.

Dos à lui, je gesticule dans tous les sens. Je surveille toutes les issues. Les doigts armés et prêts à tirer, je n’attend qu’une chose : la visite d’un méchant. Comment il va manger ses meilleurs piou piou piou. Il m’appelle. Je me retourne. Le trésor du Dieu Guerrier est face à nous. J’suis tellement surpris que j’en bave. C’pour dire à quel point ces armes magiques sont folles. Je dois choisir une seule arme parmi l’ensemble des trésors du coffre. Si je me coupe, alors l’arme sera liée à moi pour l’éternité. Je dois faire un choix.

Je rentre dans le coffre, dans une position mi aérienne, mi terrestre. Le haut du corps à l’intérieur, mes pieds touchent plus le sol. Oh je vois. Alors comme ça, c’est le piège le coffre c’est ça hein ? Il essaye de m’aspirer, mais il va voir ce qu’il va voir. Je contracte ma main super fort, elle devient toute rouge. Et la GROSSE PATATE dans le coffre et ses armes illusoires. Je... Hmm... J’aurai peut être pas du. Ma main est toute gonflée et ça m’a fait super mal. J’ai qu’une envie, c’de pleurer mais j’peux pas le faire devant mon homme de main ! Je gonfle mes joues et je me retiens. Je sors du coffre en le renversant, sans faire exprès, sur moi. Inondé par ses trésors, je comprends que toutes les armes m’ont choisi. Je le savais.

▬ Elles m’ont choisi ! Toutes ! J’suis un héros hihihi. Enseigne moi, enseigne moi Seiki !

Bon le seul problème, c’est que le combat, comme Seiki fait, c’est pas mon délire. Moi j’suis plutôt en mode, piou piou piou, alchimie, illusion, contrôle de la nature, des trucs plus stylés qu’un simple coup de poing quoi. APRÈS, ça reste cool hein. On juge pas.

Idiot.

Le destin m'a encombré de la présence de ce simplet malléable. Mon cœur fait le grand écart entre deux extrêmes qui ne sauraient accorder leurs violons sur un terrain d'entente. Je subis l'âpre prix de devoir tirer l'énergumène vers le haut, vers les sommets de sa condition d'être humain précaire, la faute à une éducation inexistante.

La maladresse embrasse sa connerie pour former un pêle-mêle de désespoir. Le plus patient des professeurs s'arracheraient les cheveux à essayer de faire du gamin un commis un tant soi peu doué. Face au débâcle qu'il a causé dans mon inventaire sacré, je reste impuissant. Devrais-je le gronder ? Lui marquer l'os zygomatique d'un revers de manche ? Tendre une main de pardon, paume vers le ciel, pour miser sur le lendemain ?

« Tu prendras ce gourdin. »

J'abandonne mes armes au néant, quitte ma planque fétiche, rejoins l'immensité de la Forêt Blanche.

« Tu ne peux devenir un héros sans arme, ni pouvoir. Or, c'est dans l'adversité que le corps humain se dépasse. Aujourd'hui, tu subiras ton premier baptême – celui du sang. Les mots, les slogans, l'esbroufe, ne doivent jamais occuper le premier plan. Ce ne sont pas les politiques qui sauveront notre monde. »

Je détache le fourreau de mon sabre de ma ceinture, et les balance tous deux au loin.

« Tu dois te défendre. Car je vais te frapper. Et fort. Jusqu'à ce que s'éveille ta Conviction. »

Je fais rouler mes épaules, échauffe mes articulations, craque les jointures de mes doigts.

« Quelque chose dort en toi. Ça a intérêt de se manifester. »

J’aime quand il s’énerve, il est tellement pas crédible. Ses cheveux roses. Juste ça suffit. Qui peut avoir peur d’un combattant au cheveux de fille ? Sûrement pas moi héhé. Je suis le grand héros vaillant du nom de Saigo. C’est impossible que ce qu’il dit arrive. Déjà car petit un, je suis un héros. Deux, c’est mon meilleur pote. Trois, il m’a encore jamais tapé, pourtant je suis me bagarré plein de fois avec hein. J’pas peur des coups, j’suis fort comme un rhinoféroce moi. Aller qu’il vienne, je vais l’étaler en deux.

Un petit bim. Un petit bam. Et on termine par un boom des familles.

Pfiou, heureusement qu’il rigole. J’étais à ça, mais à ça de le croire et d’avoir peur. J’attrape le gourdin et m’amuse à le faire tournoyer dans ma main. Il tombe. C’est un raciste. Il aime pas les Shinnin. C’est obligé. Y’a pas d’autres solutions. Je regarde mon âme liée. Mais qu’est-ce qu’il fait ? Pourquoi il danse ? Il se prépare pour un concours. Oh le sa(l)igo. Il m’a même pas prévenu. Hop, ni une, ni deux je l’imite. Je claque mes meilleurs pas de danse, tombe, me relève, dégaine un lune-marche et finit par tomber à la renverse. Je me sens rockstar.

Qu’est-ce que c’est trop bon la vie d’artiste.

Il me sort les mêmes mots d’adultes que je comprends jamais. Comment j’suis censé parler avec lui, si il parle des mots de vieux. Non mais allô quoi. Bla-bla-bla. Toujours la même rengaine. Actuellement la seule chose qui dort en moi, c’est mon appétit. Et puis, j’ai rien à prouvé à personne, je suis déjà le plus fort du village. Je tire ma langue et d’une main je baisse ma paupière. Le tout accompagné de quelques sautillements. J’ai même pas peur.