Les terribles affrontements qui avaient eu lieu quelques jours plus tôt aux Portes d’Or étaient bel et bien terminés. Pourtant les séquelles de ce combat allaient certainement perdurer pendant très longtemps. Que ce soit physique, mental ou matériel. Certains d’entre nous avaient été grièvement blessés, alors que d’autres avaient été traumatisés par la perte d’un proche ou simplement par les visions de la horde fonçant sur nous. Quant à la Porte d’Or, elle avait été complètement détruite. De plus, depuis ce jour-là, j’avais constamment mon buste emballé dans des bandelettes de tissus sous lesquelles on appliquait un baume censé « soigner » mes brûlures. J’avais juste l’impression que seul le temps arriverait à guérir ces blessures. Toutes les blessures.

Toutefois, cela n’avait pas été les seules conséquences. J’avais reçu deux lettres. Toutes deux avec une proposition alléchante. Enfin au premier abord. La première venait d’Izaya, le dirigeant des Tsukuri. Suite aux évènements de la Porte d’Or, il avait remarqué mes efforts et ma bravoure. Il savait que j’étais celui qui avait remarqué le premier que ce n’était pas une armée qui marchait vers nous, mais une horde d’animaux qui fuyaient pour la plus part. Il savait que je m’étais rendu au front sans trop de défenses pour les dévier. Et il voulait que je devienne l’un des ses Kouha. L’offre était très tentante car j’avais toujours voulu rejoindre les Tsukuri, mais ma loyauté irait toujours envers mon Clan et surtout ma famille. D’où mon hésitation.

Ensuite, j’avais reçu une lettre de Takeshi-san. Bien que sa lettre découlât d’évènements qui s’étaient produits dans la Ceinture Noire, ceux-ci étaient tout aussi récent que ceux auxquels j’avais pris part. Dans son message, il me proposait aussi de travailler avec lui et pour ça il me demandait de toucher quelques mots à mon Oncle, qui faisait partie des Shinnin les plus influents, pour qu’il se rallie à lui. Cependant, je n’étais pas moi-même convaincu de ça. Selon certaines rumeurs, et de ce que je savais de lui, Takeshi-san n’était pas vraiment un saint. Et encore moins ces derniers temps. Il emploierait des méthodes pas très recommandables dans des buts souvent personnels. Mais surtout, dans son esprit, on était avec ou contre lui. Il n’avait pas de juste milieu. C’était pourquoi je voulais en parler à mon Oncle et que je me rendais à son bureau à la Panacée.

Étrangement ce jour-là, il faisait plutôt beau alors que des choses plutôt graves se déroulaient dans le quartier. Le ciel était d’un bleu azure et le Soleil brillait de mille feux. J’avais presque honte devenir gâcher une journée pareille en venant trouver mon Oncle pour de telles raisons. En même temps, il n’y a jamais de bon moment pour ça… Je connaissais parfaitement le chemin jusqu’à son bureau et il ne me fallut que quelques minutes pour l’atteindre, une fois dans la Panacée. Je frappai à la porte et presqu’immédiatement, une voix m’ordonna d’entrer.

Bonjour mon Oncle, comment vas-tu ?

Ah Katataka ! Installe-toi, je t’en prie. Qu’est-ce qui t’amène dans le bureau de ton vieil Oncle ? Tu as besoin de travail ?

Non, pas vraiment. Je viens pour te parler d’une affaire très importante… De Bō Takeshi.

Immédiatement, le sourire qu’il avait affiché en me voyant avait disparu en même temps que sa bonne humeur. D’un seul coup, l’air était plus tendu et la tension pouvait se ressentir. C’était un sujet ardu et épineux. Je fus le premier à reprendre la parole.

Il m’a envoyé une missive récemment, il veut que je te convainque de travailler avec lui. Je sais que tu n’en as pas envie et de ce que j’ai entendu, je n’en ai pas trop envie. Mais est-ce qu’on a le choix ?

On a toujours le choix, mon garçon. Il suffit juste d’en accepter les conséquences et de vivre avec. Mais en effet, dans notre cas le choix est plutôt difficile. Surtout que je sais des choses sur Bō que tu ne sais pas. Sur ses méthodes et sur ses objectifs. À ma place, tu comprendrais que je ne veuille pas l’aider. De plus, cela lui donnerait plus de pouvoir si quelqu’un comme moi le soutenait.

Alors que comptes-tu faire ? Tu ne veux quand même pas te battre contre lui ? Parce que si tu restes ici sans rien faire, il ne te laissera pas tranquille. Au contraire, tu seras même en danger !

Je le sais. Je le sais très bien même. Après me l’avoir demandé gentiment, il est rapidement passé aux menaces. Ce n’était pas explicite, mais il a menacé ma famille. Il vous a menacé.

Il y eut alors un blanc le temps que l’information parvienne jusqu’à mon cerveau. Takeshi-san nous avait menacé. Notre famille. Il avait menacé des innocents qui ne savaient pas se battre et qui n’avaient rien avoir dans les histoires du Clan si ce n’est qu’ils étaient liés à mon Oncle.

La seule solution serait de travailler avec lui comme il me l’a demandé, ce qui me répugne, ou de fuir. Je serais capable de faire ce sacrifice, travailler avec un monstre comme lui, pour vous mais pourras-tu l’accepter ? Je sais que tu es aussi droit que je l’étais à ton âge et à cette époque, je ne l’aurais pas supporté…

Tu as raison, je n’aime pas ça… Mais fuir ? Ce n’est pas non plus une solution ! Et puis, pour aller où ? De toute façon, il finira par nous retrouver !

Mais avons-nous vraiment le choix ? Si tu tiens à la sécurité de notre famille, il n’y a pas d’autre solution. Même si j’accepte de travailler pour lui, au final ils seront toujours un moyen de pression pour Bō. Quant au où, les Tsukuri ou les Kodama devraient peut-être accepter de nous accueillir. Nous serions hors de portée ainsi… Mais les convaincre ne sera certainement pas facile.

Les Tsukuri, tu dis ? Il se trouve qu’Izaya m’a envoyé aussi un message pour me proposer de les rejoindre et de devenir un de ses Kouha. Cela faisait aussi partie des choses dont je voulais parler avec toi… Mais tu crois qu’il accepterait de tous nous accueillir ? Si oui, ce serait peut-être la solution.

Je ne sais pas, c’est probable. C’est suite aux évènements à la Porte d’Or Tsukuri que tu as reçu cette proposition, je suppose ? J’hochai alors la tête en signe d’approbation. Alors il te voit certainement comme un héro ou quelqu’un de très important du moins. De ce fait, il y a de grandes chances qu’elle accepte. Mais il faut encore que la Famille accepte et ce ne sera peut-être pas aussi évident…

Je sais, je sais, mais je ne suis pas sûr moi-même de ce que nous devons faire. De ce que je veux faire.

Ça, je ne saurais pas le dire à ta place. Il faut que tu suives ton cœur et quelques soit ta décision, je la respecterai.

Je pris alors quelques instants pour réfléchir. C’était une décision très importante pour notre avenir et je ne voulais pas la prendre à la légère. Mais au fond de moi, je savais déjà ce que j’allais faire. Bien que les deux possibilités allassent contre certains de mes principes, l’une des deux me répugnait plus que l’autre.

C’est décidé, nous partons. Comme tu l’as dit, je ne supporterai pas de travailler pour un homme comme Takeshi-san. Et bien que j’aie envie de le combattre, la sécurité de notre famille me tient plus à cœur. Alors, j’accepte la proposition d’Izaya si toute notre famille peut aussi venir.

Bien, bien… Rentre chez-toi pour essayer de convaincre ton Grand-Père. S’il est d’accord, les autres suivront plus facilement. Je m’occupe de répondre au Chef des Tsukuri pour lui dire que tu acceptes sous condition. Une dernière chose, tenez-vous prêt à partir. Dès que je reçois une réponse, nous quittons le Quartier des Épices pour peut-être ne plus jamais y revenir.

Merci, mon Oncle. Merci pour tout ce que tu fais pour nous, déclarai-je en m’inclinant.

Redresse-toi ! Il n’y a pas de ça entre nous et puis pour la Famille, je ferais tout et n’importe quoi ! Tu le sais très bien. Maintenant, file ! Nous avons du travail.

Au revoir, mon Oncle.

Tandis que je fermais la porte, je vis qu’il me faisait un petit signe. Je n’avais plus de temps à perdre et je me dépêchai de rentrer pour en parler avec ma famille. Il ne me fallut que très peu de temps pour rentrer à la maison et heureusement, Grand-Père était seul. Je pus donc discuter tranquillement, et pendant longtemps, avec lui. Finalement, au bout de plusieurs heures, nous tombèrent d’accord et il agréa que nous ne pouvions pas travailler avec quelqu’un comme Takeshi-san et que nous ne pouvions pas non plus mettre notre famille en danger. C’était donc la bonne solution que nous avions prise selon lui. Il ne restait plus qu’à convaincre le reste de la famille…


Quelques jours plus tard, toutes nos affaires étaient prêtes. Nous n’avions préparé que ce qui nous était vraiment utile et ce qui était important. Ce que nous pouvions racheter, nous le laissions sur place. C’est au coucher du Soleil que quelqu’un frappa à la porte. C’était mon Oncle avec la réponse d’Izaya. Je la lu rapidement et un grand sourire s’afficha sur mon visage. Il était d’accord pour accueillir notre famille et notre Clan. Ce soir-là, les Aoki partirent en exode pour le quartier Tsukuri et laissèrent derrière eux le Quartier des épices.