Oh, il était dans son élément, autour de lui, un nuage de fumée quasi opaque. Les salles de jeux avaient le luxe d’attirer les plus gros fumeurs du village et bien entendu ; lorsque l’on parlait d’argent, il n’était pas rare de croiser Seijaku au tournant. Postiché derrière une machine de pachinko, trônait Seijaku. Comme d’habitude, cigarette au bec et regard à demi blasé. S’il était ici, c’est qu’il n’avait rien de mieux à faire aujourd’hui, les paris se portaient à merveille et son petit commerce avait décidé de mettre la clé sous la porte pour aujourd’hui.

Un long soupir s’échappait d’entre ses lèvres, tandis qu’il relançait la machine pour un autre tour. Depuis combien de temps était-il ici déjà ? Des heures, au point ou le fauteuil sur lequel il se tenait avait gravé l’empreinte de son fessier au détail près. Que dire de ceux qui l’entouraient ? Certains y étaient en couple, d’autres fouillaient la moindre machine à la recherche de quelques wèns à miser, Seijaku lui, ne faisait qu’amasser l’argent, tellement que ses voisins d’à côté négociaient pour prendre sa place, pensant que la machine était défectueuse.

Mais, quand bien même il aurait échangé sa place avec ceux qui le demandaient, sa chance l’aurait sûrement suivi. Alors, lorsqu’on le lui demandais, il se contentait de lâcher quelques pièces, par-ci par là. Envoyant certains lui apporter des collations tout en les laissant garder la monnaie et quand, finalement, il décida de se lever, la direction de l’établissement lui souhaita au revoir ; tandis qu’hôtesses et autre femmes de plaisirs se mirent à le filocher, en vue de mettre la main sur un potentiel nouveau butin !

Malheureusement pour elles, il faut dire que Seijaku n’était pas du genre à s’attarder sur de telles créatures, encore moins pour des rapports tarifés… Ah la panacée, c’était vraiment le coin du quartier qu’il détestait profondément. Tout ici n’était que décadence et ne servait qu’à tirer profit de la misère des rêveurs, qui ne cherchaient qu’à s’en sortir, quitte à dépenser tout leur argent dans les salles de paris. D’un geste de la main, il les repoussa tandis qu’il se rendait à ce pourquoi il était venu ici dans le premier lieu.

Plus tôt dans la journée, il avait reçu un message via un petit garçon qui traînait par là, un membre du clan cherchait à le rencontrer… Sûrement quelqu’un d’assez impliqué, quelqu’un qui savait où le trouver… ce qui avait le mérite d’attirer son attention. Alors, il se rendait au point de rendez vous, la fumée nébuleuse de sa cigarette accompagnant chacun de ses pas jusqu’à ce qu’il arrive face à son interlocuteur.

Et là, il décrochait un petit sourire à la vue de celui-ci. « Tiens tiens tiens… n’est-ce pas le jeune effronté de la dernière fois… que me vaut l’honneur ? » Posé dans un bar, le jeune homme se tenait là, Sano, de son nom.

Il fit un signe au tenancier, et dès qu’il se fit remarquer, Seijaku commanda un café, ainsi qu’un verre d’eau, avec la cigarette qu’il avait en bouche, il venait de réunir le triplé gagnant permettant de rester en place pendant de longues heures. Au départ, il restait debout, se contentant d’analyser sans dire un mot. Décortiquant chacune des paroles de son interlocuteur afin de dresser un profil, puis lorsqu’il l’entendit parler d’alliance, il ri doucement.

Prenant place à ses côtés, le visage de Seijaku se voulait chaleureux, son breuvage lui fut apporté et ainsi, il commença à prendre quelque gorgées. « Sabo, c’est ça ? J’ai un peu de mal à saisir ce que tu veux dire quand tu parles d’ambitions. » En haussant les épaules, il faisait comprendre à Sano qu’il n’était pas réellement du genre à dévoiler ses plans, pour lui, Sano bien que faisant parti du même clan, n’était qu’un illustre inconnu à ses yeux… de plus… « Et puis, disons que notre première rencontre s’est plutôt mal passée, je ne suis pas du genre à traiter avec des têtes brûlées. »

Un sourire se décrochait sur le visage de Seijaku tandis qu’il le regardait fixement. Ses jambes s’entremêlaient sous la table et à chaque fin de phrase de son interlocuteur, ce dernier la clôturait d’une lâchée de fumée qui venait s’éparpiller au dessus d’eux. Ce qu’il tentait de lui faire comprendre, c’est que lui aussi était plus ou moins en marge de l’autorité de la triade et que, tout comme lui, il n’envisageait pas une place dans la triade a long terme. Voilà de quoi relancer la conversation.

« Bien, passons sur cette petite histoire veux-tu ? » Lâchait Seijaku, écrasant sa cigarette contre le coin de la table à laquelle ils étaient installés. « Et… quel est l’objectif qui nécessite tant de logistique, de ressources, afin que tu puisses y prétendre ? » Il pouffa légèrement, puis il reprit. « Récupérer les faveurs du quartier tu dis ? Il est clair qu’en te mettant à dos le petit Tsukuri tu as prouvé à tous que tu étais sanguin, réagissant au quart de tour. En tant qu'habitant du quartier des épices, nous nous devons de nous élever en une voix commune et en aucun cas l'humiliation d'autrui ne nous permettra de nous émanciper. »

Il dégaina une nouvelle cigarette de ce paquet qui semblait interminable. Le temps de l’allumer marqua une pause dans leur conversation. Le temps de laisser redescendre le ton du mercenaire qui venait de monter légèrement au cour de cette petite tirade.

« Dans ce cas, je peux te dire que j’ai également un objectif, qu’il me faudra sueur, soif et sous pour arriver à mon idéal… mais dans ce cas, en quoi es-tu avancé quant à savoir ce que je projettes pour Kusa ? Nous voilà au point mort, afin de me solliciter j’ai besoin de savoir ce dans quoi je m’engages, avec qui je traites. Sano. » Renchérit le Shinnin de la ceinture noire. Son regard toisait son interlocuteur, l’air de dire que le temps des sous entendus venait de se terminer. « Dis moi ce que tu cherches à accomplir, si tu souhaites établir une relation de confiance avec moi, il ne faut rien me cacher. Et seulement là, nous envisagerons un possible... » Il expira un nuage de fumée quasi opaque dans les airs, puis après avoir repris une énième bouffée, il clotura par : « Parternariat. »

Un sourire en coin se dessinait sur le visage du mercenaire Shinnin. Il n’était pas rare d’entendre des gens emplis d’ambitions clamer leurs buts et objectifs à tout va… mais quelque chose dans ce jeune homme laissait présager un avenir étincelant. Il était encore dans la fleur de l’âge, un membre du clan, certes assez nerf-à-vif, mais pouvant être en mesure de s’attirer l’attention des gens de la même espèce.

Pseudos voyous ou autres vauriens s’uniraient à lui de vive voix s’il parvenait à rallier les foules… c’est pourquoi, Seijaku se contenta d’applaudir doucement à la suite des paroles de Sano. Seijaku s’était caché derrière un air sympathique, après tout le jeune homme qui se tenait devant lui venait de s’ouvrir consciencieusement à lui.

« Eh bien, aurais-tu la mémoire qui flanche à ton âge ? » Lâchait Seijaku lorsqu’il se vit reprocher de ne pas s’être présenté. « Il me semble que je me suis présenté lors de notre première rencontre, de plus ; si tu m’as invité ici, c’est que tu sais qui je suis, n’est-ce pas ? » S’enfonçant un peu plus dans sa chaise, Seijaku de la ceinture noire se frottait le menton, ses jambes se croisaient sous la table et alors qu’il se débarrassait de sa cigarette afin d’en allumer une autre, il ajouta « Mmh… la création par le renouveau, n’est-ce pas ? Eh bien, nul doute que c’est un objectif plus ou moins louable, à condition d’y parvenir ! » Le craquement de son briquet à Silex résonna, son visage se vit éclairer par la chaleur réconfortante d’une flamme, se tortillant au gré du vent. Sa cigarette allumée, celle-ci dégageait une fine traînée de fumée nappant l’atmosphère d’une odeur de tabac. « Je partages également un but similaire… à quelques points prêts. »

Un bref sourire en coin plus tard et la cigarette allumée n’était déjà plus. Ne restait plus qu’un brouillard épais, à l’odeur de tabac froid.

« Bien, Sano. » Lâchait Seijaku, s’accoudant sur la table, mais entremêlées. « Il se trouve que tu as de la chance, nos intérêts peuvent être amenés à converger tôt ou tard… Il semblerait que cette discussion ne soit pas qu’une perte de temps, finalement. » Aucune émotion ne vint perturber le froid imperturbable qui régnait sur le visage du paria. « J’ai à l’esprit un quartier uni, capable de surmonter quel que soit le problème. Partageant tous un seul et unique but, l’essor du quartier... » Il vint rabattre sur le côté les quelques mèches de cheveux qui lui étaient tombés devant les yeux et clôtura. « Et ce, avec ou sans la triade. »

Une fois sa petite tirade effectuée, il vint se rabattre dans le fond de son siège et attrapa une énième cigarette.

« Alors, Manjiro Sano, que dirais-tu d’un service contre un service ? »