Observant avec prudence son environnement, une traînée rouge fendit le domaine aqueux tel un éclair. Ce présage ne laissait présager rien de bon. L’inquiétude revint hanté le cœur de Ren. Il savait qu’un tel flux d’hémoglobine n’allait pas laisser de marbre les prédateurs de ce secteur. Pourtant, suivant le groupe, il retrouva bien vite la joie de remplir ses poumons d’un air sain et salvateur. Il ne perdit tout de même pas le réflexe de guetter les abysses qu’il surplombait. Là, tout en replongeant dans l’étendue d’eau glacée, il fut témoin des derniers soubresauts de l’animal blessé. Ce dernier, après avoir fait la rencontre brutale de la paroi rocheuse, provoquant un timide éboulement, totalement désarçonné, fuyant le danger, divisa le groupe en deux en brisant le lien qui les unissait. A la suite de quoi, trois monstres marins se montrèrent, encerclant tout le corps expéditionnaire.

Confus et effrayé, un inconscient voulu rejoindre la surface, alarmant du fait de ses mouvements les trois prédateurs. Par sa faute, sans prévenir, un coup surpuissant de nageoire plaqua l’érudit contre la paroi, accélérant encore plus la chute de roche et de stalactites. Un hématome, si ce n’est une fêlure, était à craindre. Néanmoins, bourré d’hormone, le savant ne ressentait pas encore l’étendue de la souffrance liée à cet assaut surprise. Et, tandis qu’il essayait de retrouver ses esprits, un peu sonné par la succession des événements, un nuage pourpre se diffusa dans l’eau, il se hâta de regarder l’un de ses guides. Ce dernier venait confirmer l’impensable, trois nouveaux morts étaient à déplorer. Dans cette configuration, la fuite était la seule voie possible. Mais avant cela, le scientifique récolta les quelques pics rocheux qui plongeaient à rythme régulier dans l’eau. Il les distribua aux cinq hommes qui étaient encore attaché à lui. Ces roches affûtées pourraient leur servir d’armes en cas d’attaques impromptues, espérait-il.

Faisant en sorte de rassembler le groupe pour paraître le plus imposant possible, l’archiviste interrogea de façon muette ses guides, par où aller ? Il n’y avait plus de temps pour la peur, la tétanie ou l’hésitation, tous devaient nager d’un seul homme, formant un amas difforme et quelque peu intimidant. C’était leur stratégie pour arriver au bout du périple le plus en sécurité possible. Descendant dans les profondeurs les abysses, comme précédemment, le conglomérat d’humains usa du sol et des prises qu’ils pouvaient avoir pour se propulser le plus vite possible. Avec de la chance, cette technique suffira à faire hésiter les carnivores et leur permettra d’atteindre l’issue de ce labyrinthe sous-marin. L’optimiste caressa leurs âmes.

Sur plusieurs mètres, imitant la nage d’un gros monstre aquatique, lente mais saccadé de plusieurs impulsions, les 6 hommes revinrent sur leurs pas, puis entamèrent un long périple vers leur droite, au fur et à mesure que la distance se creusait entre les êtres aux dents aiguisées, la vitesse de progression augmenta. Toujours en restant imbriqué les uns contre les autres, ils arrivèrent sans encombre au dernier virage. Une nouvelle fois, il fallait quitter la paroi conductrice pour se jeter dans l’inconnu et retrouver la surface. Confiant, ils suivirent le nouvel homme de la situation, le Shosei.

Là, le cœur battant et la douleur se réveillant, Ren fit le décompte des pertes et attendait impatiemment le retour de son partenaire de mission. Plusieurs secondes s’écoulèrent avant que l’arrivée du duo n’arrivât. Le soulagement se fit sentir dans le groupe, ils arrivaient bientôt au bout du périple. Espérant qu’aucune autre menace ne les attendait, ils restèrent tous sans voix, encore brassés par les événements tragiques de ces dernières minutes. Ses images ne les quitteront jamais, cependant, cette expérience forgera davantage leur caractère, ceci était sûr. Brisant le tabou, comme à son habitude, le trentenaire prit la parole.

- Bien, nous arrivons au bout de cette épreuve si j’ai bien compris. Continuons ainsi, nous pleurerons nos morts plus tard. Avançons, quand tout le monde sera prêt, nous entamerons notre dernière plongée… Du moins, je l’espère.

Carte:

Tous les survivants étaient réunis, la dernière étape de ce dédale s’ouvrait à eux. Après s’être assuré que tout le monde pouvait continuer, Ren prit une longue inspiration et suivie la voie de la sortie. Cette ultime plongée fut parasitée par la peur, l’angoisse et la fatigue. Heureusement pour le Shosei, la fin de ce périple aquatique approchait. Lentement, mais sûrement, le groupe de six avançait dans l’eau, de moins en moins touchée par la lumière du plancher azuréen. Plus le sol retrouvait son aspect rocheux, plus la nage synchronisée des six hommes se perfectionnait. Comme emportés dans une danse sous-marine, les hommes d’Ochoku et l’érudit formait un tout, un ensemble soudé par la rudesse des événements. Spectacle rarissime et magnifique, ils vécurent un moment de réelle symbiose unique en ce monde, cette expérience les marqua profondément. La cohésion et la solidarité étaient évidentes. Tout ce long chemin dans ces grottes sous-marines avait forgé le cœur et l’esprit du scientifique. Une certaine admiration et un profond respect naquirent, chassant les a priori et les préjugés dévalorisants. Ces hommes méritaient d’être reconnus à leur juste valeur, des héros de l’ombre.

Fier de cette rencontre, l’homme torse-nu gravit les derniers mètres qui le séparait de la liberté, le cœur léger et le sourire aux lèvres. Il était heureux et fier d’avoir pu connaître ses ouvriers au mérite sans borne. Cette prise de conscience fit penser à Ren qu’il allait devoir défendre ses hommes, faire valoir leur utilité et leur noblesse de cœur auprès des dirigeants Kodama. Une compensation ou une plus grande reconnaissance était nécessaire. C’était des gens sur qui le clan pouvait se reposer. Établir un partenariat solide et durable avec eux, serait bénéfique à long terme pour les scientifiques d’Asatsuyu.

Une fois au bout de l’épreuve, l’air et la gravité retrouvés, tous prirent un temps pour jouir du plaisir de s’en être sorti. Une hilarité et un enthousiasme collectif se firent sentir, c’était leur moyen à eux de dépasser l’horreur des événements. Le sang, les morts et la peur furent chassés, évacués de leur esprit ne serait-ce que pendant quelques secondes de félicité. Puis, ils revinrent à la terrible réalité, quatre de leurs compagnons avaient trouvé la mort aujourd’hui. Sans corps, pas de tombe décente et des cérémonies compromises, mais par respect, il fallait honorer ses valeureux guerriers. L’érudit, quelque peu chamboulé, prit alors la parole pour poser des mots sur le trouble qui hantait les cœurs.

- Bien, une fois cette mission achevée, nous porterons en triomphe nos camarades tombés. Nous ne les oublierons pas. Cependant, notre tache n’est pas finie. Nous devons encore pacifier cet endroit et assurer que tout ce sang versé, ne le fut pas en vain. Notre détermination et notre volonté sont encore intactes, je le vois, alors avançons quitte à mettre notre vie en péril, comme nos amis.

Sa voix portait un dynamisme et une vigueur telle, qu’elle apaisait les plaies béantes laissées par la perte de leurs confrères. Insister sur l’importance de la continuité de la mission, permettait d’empêcher une neurasthénie ambiante. Le temps des larmes n’était pas encore venu.

Carte:

Si l’heure n’était pas à la méfiance et au travail, tous auraient bien pris du temps pour se reposer et apprécier leur liberté retrouvée, leur souffle de nouveau régulier et apaisé. Néanmoins, la dureté des événements passés et sûrement à venir, les appelait à la responsabilité. La satisfaction, la joie, le soulagement n’avait pas leur place dans leurs cœurs, ou du moins pas encore. Il fallait sécuriser les lieux et entamer les travaux. Pour la première tâche, un homme se distingua des autres et se proposa d’enquêter sur la quiétude des lieux, inhabituelle à son goût. Cette initiative fut saluée par le groupe, même s’il aurait été préférable d’y aller à plusieurs… Pour la seconde, un parchemin contenant tous les outils nécessaires à leur dur labeur et quelques bras experts pleins de volonté.

Pour que chacun s’affaire à sa mission, la corde qui les liait fut défaite et rangée. On ne sait jamais, si pour le retour, un autre trajet sous-marin était obligatoire, le gaspillage n’était pas le bienvenu. Là, tandis que Ren attrapait le rouleau pour l’étendre devant lui et défaire le sceau, le guide s’étant proposé pour surveiller les environs disparus dans la pénombre, propre à cette grotte. De plus, le plus jeune des hommes d’Ochaku, crut bon de faire part de ses inquiétudes, cherchant un quelconque réconfort. Heureusement pour l’érudit, Katataka était diplomate et habile avec les autres humains. Grâce à cette intervention, l’ensemble garda sa cohésion et sa volonté de poursuivre leur œuvre souterraine. L’homme torse-nu ne préféra rien dire, par peur d’être maladroit ou d’être trop franc… Après tout, il se connaissait, lorsque la tension était élevée, quand la raison primait, il pouvait se montrer trop distant, trop pragmatique… Bien souvent, cela blessait ou agaçait les êtres n’ayant pas le même tempérament.

Le Shinnin, accompagné d’un camarade, se proposait de suivre les traces du premier téméraire. Au vu de ses soi-disant capacités et de sa bonne volonté, il était le mieux placé des deux élus pour un premier contact avec une entité animale. Ceci, le Shosei le comprit instinctivement. Pourtant, il ne pouvait pas s’empêcher de prôner la prudence. Connaissant à présent, le prénom de l’autre éclaireur nouvellement nommé, il fit une intervention avant de les voir s’évanouir dans l’obscurité, eux aussi.

- Ukon-san, pourriez-vous prendre quelques feux d’artifices, un semblant d’arme, des objets divers pour créer de la lumière, du son en cas de danger et de fuite impérative ? On ne sait ce qui vous attend, il vaut mieux être paré à toute éventualité. Bon courage à vous deux… Ah ! Et observez bien s’il n’y pas une autre issue ou une entrée d’air qu’on pourrait exploiter !

À la suite de ces mots emplis d’inquiétude et de précaution, les deux hommes quittèrent le champ de vision de l’Akemi. Il se retrouvait seul avec un bambin et deux ouvriers dans la fleur de l’âge. Avec un tel effectif, les travaux allaient s’éterniser. La rigueur, la discipline et l’organisation étaient les maîtres mots pour réussir leur objectif. Réfléchissant en silence, tournant en rond et observant avec calme la cavité, les idées fusaient dans l’esprit du trentenaire. Comme pour confirmer ses soupçons, il se saisit de la carte approximative des lieux qui trônaient dans l’ensemble d’outil prêté par le chef de chantier. Son index parcourait les lignes, soulignait la moindre information utile. Les manutentionnaires le regardaient avec attention, ils étaient avares de directives et n’osaient l’interrompre dans ses réflexions. Se redressant d’un coup, l’œil pétillant, Ren savait.

- Bien. Au vu de la géographie, nous devons être sous le domaine Kodama. Cela nous arrange. Avec le domaine étendu de la Forêt Blanche, nous avons moins de raccordement avec la surface à mettre en place. En attendant que les autres reviennent, nous ne pouvons pas nous séparer et chercher des « bouches d’évacuation » naturelles… C’est fâcheux, mais on pourra y revenir plus tard. D’ailleurs, si vous avez en mémoire des zones proches propices à l’écoulement des eaux de la surface en ce lieu, j’aimerai que vous les indiquiez sur ce plan.

Une pause, il inspectait une dernière fois le plafond, s’ils devaient créer eux même de telles infrastructures, cela allait énormément rallonger les travaux. Ren espérait profondément que la chance soit de leur côté.

- Ensuite… Ah oui ! Savez-vous où nous pourrions déverser les eaux usées ? Un réservoir, où le liquide pourrait être purifié et dont on pourrait réguler le volume, par un système d’écluse, nous serions ainsi les maîtres des entrées et des sorties. C’est important qu’on détermine ce ou ces lieux, le cas échéant, avant de commencer de creuser. En effet, c’est la gravité, la force qui attire les objets vers le bas, qui va faire bouger les flots aquatiques. Grâce à une pente légèrement inclinée, nous n’aurons aucun effort à fournir pour maintenir un écoulement naturel.

Ce mécanisme astucieux demandait beaucoup de minutie, de talent, d’entretien et de patience. S’ils arrivaient à le mettre en place, le projet de proto-égouts serait très fortement impacté. Cependant, ne s’étaient-ils pas précipités ? La faisabilité d’un tel ouvrage était-elle vraiment vérifiée. Devant l’ampleur de ces questions, le trouble et les inquiétudes commencèrent à parasiter les pensées du Kodama. Toutefois, il ne pouvait pas fléchir, on comptait sur lui.

- Ah ! Je sais ! Toi, tu m’as l’air bien fringuant jeune homme, pourrais-tu délimiter des zones particulières ? De chaque extrémité de cette grotte, il nous faudrait des « trottoirs », pour l’entretien. On créera des zones de traversées plus tard… Et vous, vous devez avoir de la force dans vos bras, il serait intéressant que sur toute la zone vous fassiez des tests pour savoir s’il est aisé ou non de creuser le sol. Car deux choix s’offrent à nous : 1, nous creusons une tranchée inclinée en direction du réservoir choisi ; 2, déplacer la terre et le surplus pour rehausser les trottoirs et ainsi former plus facilement une tranchée ayant les mêmes propriétés que précédemment. De plus, si vous possédez un quelconque don lié au chakra, n’hésitez pas à le signaler, cela pourrait tous nous soulager…

Lancer les autres au travail, était une chose aisée. Le vrai problème, plus qu’épineux, pour Ren était l’accès à cet endroit. S’il fallait passer absolument par ce labyrinthe envahis de prédateurs sanguinaires, la poursuite des travaux allait être compromise. Non, ils devaient trouver une solution pérenne… Sur le sol, déplaçant la poussière, le lettré énonçait les multiples solutions qui s’offraient à lui. Premièrement, tuer toutes menaces et donc assujettir ce bassin par la force : risqué et compliqué en l’état sans préparation… Deuxièmement, empêcher la libre circulation de ces animaux : à l’aide de filet ou de mur artificiel, là encore, très grosse logistique et très complexe à mettre en œuvre… Troisièmement, trouver un moyen d’éloigner ces créatures de façon pacifique : buffet à volonté, répulsif, ou tout autre moyen scientifique qui ne demande qu’à être inventé… Enfin, ce qui relèverait du miracle, les soumettre et en faire des alliés… Que d’idées, mais surtout tant d’obstacles…

S’affairant à chercher, sur la carte et dans son environnement, des réponses à ses multiples questions, Ren ne prenait pas garde à ses pions ouvriers. S’il avait été plus attentif, il aurait vu que ces hommes de bonne foi, étaient restés là, immobile, ne sachant pas trop quoi faire. En effet, le fossé intellectuel, ou plutôt leur écart de niveau d’éducation, les avait conduits à l’immobilisme. Les propos du savant étaient trop poussés, trop pointus, il lui manquait de la pédagogie. Lui, qui avait l’habitude d’être entouré de lettrés, n’avait pas imaginé une seconde que son lexique allait être un obstacle.

Pourtant, on l’interpella. La forme familière de cette interaction, le mit mal à l’aise. Il n’était pas habitué à une telle proximité et manque de convenance. Néanmoins, vu les temps difficiles, exiger quoique ce soit de non-déterminant pour la suite des travaux, était à éviter. Alors il écouta le trio, calmement et avec rigueur, il tut ses envies d’interrompre, de corriger, de sanctionner. Il essayait de prendre exemple sur son binôme, d’être plus diplomate. Le renoncement, le dénigrement et l’abattement ressortaient de ce discours. L’homme torse-nu, ne pouvait laisser ce vacillement, ce souffle pessimiste gonfler et étreindre le groupe. Il se racla la gorge et sourit chaleureusement. Avec franchise et camaraderie, il posa sa main sur les épaules de chacun, un à un, en marchant tranquillement. L’homme de science arborait un visage plus amical, plus serein, plus rassurant.

- Je vois… Bien ce n’est pas grave, on a déjà un aperçu de la situation, on connaît les lieux et les menaces… On a fait un grand pas pour ce projet ! Je vous félicite, c’est déjà énorme ce que vous avez été capable de faire. On remettra ça pour plus tard, pour ceux qui voudront. Et sinon, on se retrouvera autour d’un bon verre ? Et si on se créait un événement annuel, à la mémoire de nos amis et de nos efforts. Soudons-nous, restons fort et soyons dignes d’eux.

Garder un lien fort avec ces troglodytes, était un moyen pour lui de garder un pied dans l’Hypogée et dans son aire d’influence. Même s’il pouvait développer une certaine affection pour ces compagnons de route, sa raison et son ambition primait. Tout n’était qu’un moyen comme un autre d’atteindre les sommets et la liberté qu’il espérait tant.

- En revanche, je ne veux plus vous entendre vous démunir. Nous n’avons pas les mêmes connaissances ? Et alors ! Vous avez vos spécialités, j’ai les miennes, nous sommes complémentaires ! Vos savoirs valent les miens et si nous n’arrivons pas à nous faire comprendre, et bien soit ! Discutons, échangeons, apprenons les uns des autres. Ce n’est qu’ensemble que nos génies seront reconnus ! Soyez fier de vous, croyez-moi, je suis admiratif de tout votre potentiel. Et si vous voulez accéder à des connaissances, je suis prêt à vous aider ! Tiens d’ailleurs, quels sont vos noms ? Ce sera plus simple !

Le bambin et ses aînés prirent rapidement la parole, bien gentiment prêtée par l’élu bavard, pour se présenter : Yukio, l’enfant ; Ai, le brun massif ; Syo, le blondinet.

- Et donc, moi, c’est Ren, comme vous le savez, enchanté ! Je vous garantis que je ferai tout en mon pouvoir pour vous sortir de ce lieu en vie et vous assurez une vie heureuse.

Cette fois-ci, il croyait vraiment à ses propos. Son cœur battait à l’unisson avec son aura, il ne voulait plus voir de morts inutiles aujourd’hui. Trop de sang avait coulé…



Soudain, dans un fracas sans nom, Katataka et Ukon revinrent. Au vu de leurs visages déformés par l’effroi, ils avaient dû rencontrer l’enfer dans les profondeurs de cette grotte. Leurs dires étaient confus, parasités par leurs émotions, il était difficile de suivre le cours de leur pensée. Pourtant, le Shinnin semblait plein de ressources, malgré son état, il essayait de rassurer et calmer son confrère, brave homme pensa le Shosei. Toutefois, quand il reprit la parole en direction du trentenaire, c’était pour faire un aveu d’impuissance, il ne souhaitait plus retourner là-bas… Ren entendait ses émotions, mais sans données supplémentaires, rien n’indiquait que ce chemin était plus dangereux que le précédent. Non, il fallait étudier la menace et choisir la voie la plus sûre, de façon certaine. Mais pour ça, il fallait éteindre le brasier qu’avait allumées ses mauvaises nouvelles, le groupe ne devait pas être consumé par ces flammes pleines de désespoir et d’angoisses.

- Katataka, Ukon, je vous remercie. Vous avez fait au mieux, et vous nous êtes revenus sauf, c’est le principal. Reposez-vous, ici vous êtes en sécurité. Comme vous l’avez souligné, ici, il y a de la lumière, on peut même sécuriser davantage les lieux avec de multiples flambeaux. Ces êtres ne viendront pas vous chercher.

D’un geste rapide, la tête de l’érudit pivota, la peur et la crainte avaient envahi le cœur des autres hommes de Ochoku. Il fallait agir. Tout en entretenant son monologue, plein de raison et de bienveillance, le scientifique rassembla des outils et du bois pour former des petits braseros espacés de quelques mètres. Une barrière lumineuse allait pouvoir prendre vie, si cela pouvait rassurer le groupe. Même si, de l’avis de l’homme tatoué, ceci était davantage du bluff et un moyen de calmer les craintes. Après tout, ils ne pouvaient rester là indéfiniment. Il valait mieux préserver le matériel, enquêter et être mobile, plutôt qu’attendre la mort au fond d’une grotte.

- Cependant, pour tous vous protéger, il va me falloir plus de connaissances. Quand vous avez mis en doute la mort de notre ami commun, qu’entendiez-vous par là ? Vous pourriez nous en dire plus ? Et ces « choses », à quoi elles ressemblaient ? Vous pourriez les dessiner dans le sable ? Avez-vous pu établir un contact ? Un comportement particulier ? Agressives ou craintives ? Et cette zone, semblait-elle accessible ? Pourrions-nous trouver une sortie plus sûre si on fait abstraction de ces créatures ? Toute information est utile. En effet, je ne forcerai personne à y aller et à courir un risque. Mais sur terre, nous sommes plus libres de nos mouvements, nous sommes plus aptes à nous défendre que dans cette grotte sous-marine. Regardez toutes les armes que nous avons à notre disposition, les fusées éclairantes, les pioches et les torches. En cas de danger, nos chances de survie sont bien plus élevées à la surface. Et je ne sais pas pour toi, Katataka, mais je suis bien plus habitué à utiliser mon chakra, les pieds sur le sol, que totalement immergé. Combattre, comprendre ou aider ces êtres, sera beaucoup plus simple que de résister à ses bêtes aquatiques, croyez-moi.

Une fois sa tâche finie, il vint s’accroupir devant le tas d’objets que le chef de travaux leur avait confié, cherchant à les assemblées pour lutter efficacement contre toutes menaces. La poudre, les flammes, le tissu, le bois, tout était propice à l’utilisation des flammes et de la lumière qui s’en dégage. Se relevant, souriant comme jamais, il était confiant et était prêt à agir. Il fallait seulement s’assurer que ces hommes étaient aptes à lutter.

- Bien, je pense que j’ai de quoi m’armer et de quoi me préparer pour ma rencontre avec ces êtres. Je ne peux pas laisser l’opportunité de rencontrer une autre civilisation, peut-être intelligente. N’ayez craintes, je vais y aller seul, je ne force personne à m’accompagner. En attendant, vous pouvez préparer des outils pour vous défendre, que ce soit en suivant mes traces ou dans ces eaux glacées. Je vais déposer un sceau sur le sol, s’il s’altère ou s’il disparaît, c’est que j’aurai échoué à vous ouvrir une voie viable. Mais si j’arrive à vous trouver un chemin, je reviendrai et je vous offrirai l’espoir de survivre à cette aventure. Je le jure sur mon honneur, je mettrais ma vie en jeu pour défendre votre avenir.

Après avoir appliqué sa main sur le sol, laissant une marque noire sur le sol, il s’arma de torche, de fusées, d’objet inflammable, de projectile grâce à des reliures de cuir et de tissu. Sa mobilité se retrouvait amoindrit, mais peu importe, il était déterminé à assumer le poids de ses responsabilités. Il était certes faible et avait laissé mourir des innocents, cependant, il avait à présent la chance de se rattraper. A présent, il ne restait plus qu’à attendre les précisions du Tekiya.

Tandis que le Shosei se préparait à la suite des opérations, son camarade Shinnin semblait reprendre du poil de la bête. Il lui fit part alors de ses découvertes, de ses inquiétudes… L’érudit lui, se focalisait sur les données importantes, les craintes et les troubles personnels ne l’importait peu. Son tempérament pragmatique revenait au galop. Bilan de l’apparence de ces « choses », des yeux aux iris dilatées et donc propices à l’obscurité, cela confirmait leur peur de la lumière, qui devait être une forme d’agression pour eux. Pour avoir un contact avec ces êtres, il faudra sûrement prendre le risque de diminuer le halo lumineux des torches. Ensuite, du « sel » serait responsable de mutations, sa provenance et son effet étant inconnu, il serait nécessaire d’en récupérer. Le savant s’empressa de récupérer un récipient pour analyser au mieux les propriétés de cette anomalie. Il ne fallait pas passer à côté d’une telle trouvaille. Mais de tout ceci, se dégageait une piste. Ses êtres n’étaient peut-être pas si nocifs pour l’homme, il fallait tenter la voie diplomatique avant d’envisager une extermination.

Là, l’intervention du dénommé Ukon, rappela le Kodama à une réalité, ces hommes n’étaient pas prêts pour une telle aventure, il fallait préserver leur mental. Le jeune Tekiya se pressa de rassurer son acolyte, Ren, lui en était incapable. Décidément, raisonner des êtres étant dictés par leurs affects, était une chose ardue. C’est là qu’un espoir s’ouvrit, une sortie aquatique sans prédateurs, espérait-il. Il fallait absolument sécuriser ce lieu et faire en sorte qu’ils puissent protéger leurs arrières. Le scientifique était assuré que la voie de sortie se retrouvait au fond de cette cavité, il fallait entrer en contact avec ces êtres hideux et essayait de négocier un droit de passage. Si cela se passait comme prévu, alors cette mission ne sera pas un total échec. C’était leur seule chance de s’en sortir sans nouvelle perte, du moins, c’était sa conviction.

Le jeune homme qui l’accompagnait depuis le début, se proposa de le suivre malgré sa peur évidente. Sa noblesse d’âme était admirable. A dire vrai, l’homme tatoué comptait sur ce caractère pour qu’il se porte volontaire, et pas manqué, cela se réalisa. Finalement, il avait réussi à saisir un peu la personnalité du Shinnin. Finissant de se préparer, il savait qu’il ne pouvait pas laisser ses autres compagnons sans rien faire, occuper leurs esprits, faire qu’il prenne confiance en eux, c’était une obligation. Réfléchissant quelques instants, il trouva rapidement comment mobiliser les savoirs et les talents de ses troglodytes.

- Ukon, Yukio, Ai et Syo, pendant que nous vous protégerons de cette menace, pourriez-vous trouver la force de construire des torches portatives qu’on pourrait planter au sol pour délimiter un périmètre de sécurité ? Au cas où ces créatures projettent ce sel ou s’il tombe du plafond, il nous faudrait aussi un ensemble de tissu pour couvrir notre marche, avec juste de quoi voir et éclairer les environs, au pire utilisait vos vêtements trempés et nouait les, ou si pouvait user de couture, ce serait encore mieux. Réunissez aussi le maximum de fusée éclairante, de poudre et d’objet prenant feu rapidement, ce serait une bonne défense à mi-distance. Si vous avez tout ceci, vous ne devriez rien craindre et en plus de cela, ces préparations pourront nous mener droit vers la prochaine zone aquatique sans avoir à faire couler le moindre sang. Ah ! Et si vous avez des gourdes ou d’autres récipients, remplissez les d’air, ils pourront vous servir d’aide pour prolonger nos plongées, ce sera rudimentaire, mais toujours mieux que rien.

Pour Ren, ces consignes étaient claires et étaient suffisamment dirigistes pour chasser la peur et la passivité qui en découlait. Il regarda une dernière fois ses amis du moment, et leur sourit.

- Ne vous inquiétez pas, nous reviendrons et nous vous emmènerons vers la sortie, tous sain et sauf.


Les deux élus s’éloignèrent de leur campement vétuste pour arriver au lieu tant redouté. L’obscurité régnait, des bruits se faisait entendre, Ren put observer la quantité ahurissante de sel, il se pressa, protégé par la lumière des torches d’exfiltrer du « sel » sans aucun contact direct dans un étui hermétique. C’était en réalité son étui à encre qu’il avait lavé et vidé précédemment. Puis il chercha les entités effrayantes. Plafond, alentours, tous les lieux éclairés par la torche incandescent, était vide de toutes menaces. Il se tourna alors vers son camarade et lui murmura :

- Katataka, nous allons devoir baisser la force de la flamme en la couvrant, tiens toi prêt à user de fusées éclairantes en cas de danger. Toutefois, si nous maintenons un flot lumineux tamisé, cela devrait permettre de faire avancer ces êtres sans qu’ils ne viennent trop près de nous. Utilise ton don ou ton verbe pour établir un échange fructueux, sans ça, nous devront leur faire peur et les traumatiser pour établir un chemin sûr. Je nous couvre, s’ils attaquent, j’envoie ces senbons auquel j’ai accroché un peu de poudre de fusée éclairante, et si on les allume, je te garantis qu’ils le sentiront passé. Néanmoins, la violence doit être notre dernière arme, faisons preuve de sang-froid.

Les deux mercenaires étaient sur le pied de guerre, prêt à tout affronter, ensemble, il formait un duo sans pareil. L'intensité de la lumière se fit de plus en plus faible, à tout moment son éclat pouvait retrouver sa superbe. Rien ne pouvait les surprendre, pensaient-ils.