A la rencontre d’Éole et de ses fils
Le secret du Cerf Blanc
En bon érudit, le quotidien de Ren est marqué par le désir ardent de faire des découvertes et l’impétueuse nécessité de pousser les limites qui conditionnent l’être humain. C’est pourquoi, lorsqu’il entendit la rumeur qu’un cerf au pelage albâtre peuplait la Forêt Blanche, il se précipita vers ces lieux sacrés à la recherche de ce spécimen rare. Ce n’était pas tant pour l’intérêt scientifique que le trentenaire se ruait ainsi dans les rues d’Asatsuyu, mais plutôt pour la reconnaissance de ces pairs. Il devait absolument se faire un nom dans cette communauté d’élite. Ces pas frôlaient la course, rien ne semblait l’arrêter, passants, obstacles et vents, tous semblaient tirer leur révérence face à sa détermination. En peu de temps, le savant avait déjà sillonné tout le quartier des lumières pour arriver à l’orée de l’étendue boisée. Il prit une grande inspiration, comme pour prendre de la force et se souhaiter bonne chance, et il commença la traque. L’homme à la cape n’était pas particulièrement doué pour cet exercice, il en était conscient, néanmoins c’est en pratiquant que l’on s’améliore.
Pas après pas, il cherchait le moindre indice qui aurait pu le guider vers sa cible. Bien entendu, il n’était pas question de tuer ou de blesser l’animal, seulement de dresser un portrait et d’étayer son existence de quelques preuves concrètes. A dire vrai, le mercenaire n’aurait pas dit non à une petite dissection, cependant cela n’était pas très acceptée sur sa terre natale, alors il abandonna l’idée. Vu la similarité des couleurs des arbres environnants et des poils du cervidé, l’opération allait être longue et difficile. Arpentant les environs avec prudence et méticulosité, son regard se voulait perçant et ses sens affûtés, rien ne pouvait lui échapper. C’est alors qu’un bruissement de feuilles retentit, l’homme à la queue-de-cheval se précipita à la poursuite de se bruit. Rien ne prouvait qu’il s’agissait de son cerf blanc, pourtant son instinct lui dictait de suivre cet animal inconnu quelque peu bruyant. La course-poursuite était haletante, sans fin et plus elle durait plus l’apprenti chasseur s’enfonçait dans la forêt. L’inquiétude montait, allait-il pouvoir retrouver son chemin ? N’était-ce pas une erreur de s’aventurer seul, dans ces lieux, sans aucun guide ni expert dans le pistage d’animaux ? Trop tard pour se poser des questions, balaya Ren. A présent, il ne pouvait revenir en arrière, il devait continuer, il était persuadé qu’il arriverait bientôt à ses fins.
Voilà plusieurs dizaines de minutes que le brun aux yeux noisette s’était enfoncé dans la flore, il talonnait sa proie, il en était sûr. Cependant, cette foulée interminable commençait à avoir raison de son endurance, il n’avait pas l’habitude d’un tel effort continu. Un point de côté commençait même à se faire sentir. Alors, rassemblant ses dernières forces, l’érudit tatoué accéléra et essaya de dépasser et prendre de court le fuyard. Cependant, dans sa précipitation, il ne fit pas attention au fossé qui lui tendait les bras. Le voilà, dévalant une pente rude et terreuse, les chevilles endolories et le cœur en panique. Tournant sur lui-même, incapable d’arrêter sa chute, il dévalait cette pente sans aucun espoir de survie. Pourtant, le destin lui sourit. Sa chute prit fin rapidement, il n’y avait pas tant de dénivelés que cela finalement.
Après avoir pris le temps de reprendre ses esprits et de déterminer l’ampleur des blessures qui l’assaillaient, rien de grave, plus de peur que de mal, il se releva et observa les environs. Toujours le même décor immaculé et sauvage, toujours le même calme et… Qu’était-ce que cette tache rouge au pied de cet arbre. La vue encore troublée par les derniers rebondissements, Ren avança prudemment. C’est alors que Dame Fortune lui fit un présent sans commune mesure. Au pied de ce géant de bois, le cervidé blanc gisait, son corps déchiqueté sûrement par des loups. Sans perdre une seconde de plus, il prit les mensurations du cadavre, plus grand qu’à l’accoutumé, fit quelques croquis d’une piètre qualité et nota tous les détails importants sur un parchemin. De surcroît, vu l’absence de témoin et l’absence de vie chez cet herbivore, il pouvait étudier tranquillement l’intérieur de ce spécimen rare. Que ce jour soit béni pensa l’érudit.
A l’abri des regards et de la morale, la curiosité du manieur de chakra était comblée. Il essayait de comprendre le fonctionnement interne de l’animal. Les viscères en main, il palpait, vidait et examinait tous les organes restant. C’est alors que dans les intestins de la bête, Ren sentit un corps étranger. Se pressant de le sortir de là, il rentra très vite en contact avec cet étrange objet. Soudain, une vague d’énergie frappa l’homme aux mains ensanglantées. Ce ne fut pas douloureux, bien au contraire, c’était grisant. Il ne savait pas ce qui venait de se passer, mais il en voulait encore. Ce cristal, car il s’agissait bien d’une nouvelle espèce de minerai, recelait des propriétés rarissimes et hors du commun. Fasciné, il décida de la ramener dans sa demeure pour mieux l’observer, oubliant très vite la raison de sa venue dans ses terres. Son esprit était obnubilé par cette découverte, mais il n’en perdit pas pour autant la raison, sur le chemin du retour, il essaya de trouver un ruisseau pour laver son nouveau bien et effacer les preuves de sa recherche peu éthique. La pierre brillait, son éclat rougeoyant resplendissait d’autant plus, lorsque la lumière traversait sa surface translucide. Il n’avait vraiment jamais vu quelques choses comme ça et il était certain qu’il était le premier à posséder un tel minerai.
Ce n’est qu’en fin de journée qu’il rentra chez lui, cachant avidement son précieux à la vue de tous. Depuis qu’il l’avait trouvé, il ne pouvait s’empêcher de le toucher, d’essayer de ressentir la même décharge que précédemment. C’était devenu une obsession. Néanmoins, une fois en lieu sûr, quand il posa son bien et commença une analyse de ce dernier : poids, dimensions, couleur ; cette envie pressante se tut. Loin de cet objet, Ren réalisa le manque qui le tressaillait et prit conscience du danger qu’il représentait. La prudence était de mise, surtout que depuis son premier contact, le scientifique « entendait les murmures du vent ».